Stéphane Schoukroun est français, juif et sépharade. Jana Klein est allemande et non-juive. De cette union improbable, naitra une fille. Pour résoudre la question des identités multiples et conflictuelles de leur fille lorsqu’elle a dix ans, ils ont imaginé une pièce de théâtre. Dans un décor minimaliste plastifié et avec des voix acérées, Stéphane Schoukroun et Jana Klein racontent leur histoire. Un parcours intime, empli de déchirures et de cassures, confronté à une histoire plus vaste : celle de la Shoah, du nazisme et de l’antisémitisme. Les artistes sont ramenés à des interrogations contemporaines : comment raconter un passé meurtri par des souvenirs difficiles ? Que dire et transmettre à son enfant de son identité ?
Dépasser l’Histoire avec un grand « H »
Le sujet de cette pièce possède tous les ingrédients d’un spectacle grave et torturé. Ce n’est pas le cas grâce aux comédiens qui s’en emparent avec humour, en s’amusant des stéréotypes et des préjugés. Un jeu particulier s’installe à l’intérieur du couple et en interaction avec le public. Stéphane Schoukroun et Jana Klein tentent ainsi de s’approprier l’histoire de « l’autre ». « D’une certaine manière, ça aurait pu être l’histoire d’un Auvergnat et d’une Bretonne », explique Jana Klein. « Il y aurait peut-être des dessous de la Grande Histoire qui seraient un peu moins virulents… Mais dans n’importe quel couple il y a toujours des moments où l’irruption de l’autre ou de l’altérité te fait peur ou t’émerveille. Et Notre Histoire, c’est cette histoire-là. Une histoire totalement personnelle, et qui en même temps peut toucher n’importe quel couple confronté aux affres de la mixité, à ce qui nous est étranger, au regard sur l’autre. Comment tu dépasses l’histoire avec un grand H, ensemble. Comment tu réinventes. Et comment l’enfant t’aide à te réinventer. Parce que l’enfant te demande d’où tu viens, et ce qui te constitue ».
Dans ce road-movie express, Stéphane et Jana mènent une enquête identitaire fragmentaire, de la banlieue parisienne à la Rhénanie, du quartier juif de Prague aux palmiers de Juan-les-Pins. Ils interrogent les parents de Stéphane sur leur rapport à la judaïté et leur désir de transmission. Ils visitent leurs morts : Ils recueillent le témoignage imaginaire du grand-père paternel de Jana, soldat dans la Wehrmacht et convoquent les grandes figures du cinéma allemand. La mère de Jana lui révèle l’histoire de son père tchèque résistant, interné à Dachau. Ensemble, ils font ressurgir les monstres de l’Histoire. Tour à tour, ils confient leur trouble et leur étonnement permanents face à l’être aimé et sa capacité à faire un pas de côté. Ils tentent de saisir ce qu’ils pourront bien transmettre à la génération future de leurs identités mouvantes et de la possibilité de construire une histoire commune.