Raphaël Glucksmann en promoteur de lendemains meilleurs

Ne nous cachons pas : lorsque Raphaël Glucksmann a été élu député européen sous la triple bannière Place Publique, Nouvelle Donne et Parti Socialiste, nous étions plutôt circonspects. Que pouvait vraiment apporter un homme de plume, fut-il aussi brillant, dans le magma normatif bruxellois ? A l’époque, c’est-à-dire en 2019, on pensait que l’aventure politique ne durerait qu’un temps. Qu’elle était vouée à se heurter au fameux mur du réel et des ambitions grandioses. Le principal intéressé, racontant son initiation, fait lui-même état de débuts balbutiants voire incertains : « Nous sommes le 24 septembre 2019, au 11e étage du Parlement Européen. Mon mandat de députe vient de commencer. J’avais fait la promesse avant l’élection d’être le porte-parole des sans-voix dans les institutions. Aussi mon bureau est-il vite devenu le rendez-vous des causes perdues ».

On connait tout l’intérêt que porte le fils d’André Glucksmann au sort des damnés de la Terre. Alors, du monde entier, on vient lui parler dans l’objectif de faire avancer sa cause auprès de lui. Si bien que, très vite, le poids symbolique qui pèse sur ses épaules devient harassant. D’autant plus difficile à porter que « Glucks » s’entend dire, jour après jour, par ses collègues élus et diplomates, qu’il n’a pas le pouvoir d’agir, que son influence est de l’ordre de la goutte d’eau, que pour soutenir les uns et les autres, il faudrait pouvoir déplacer des montagnes. Or, si notre homme a bien une force, c’est bien celle de ne jamais se résigner ! Ce 24 septembre 2019, quand il rencontre pour la première fois les représentants de la diaspora ouïghoure, il ne leur promet pas de régler immédiatement leur problème mais il ne leur ferme pas la porte au nez. Il va les aider. Se met alors en branle une machine militante ultra efficace et ultra moderne à la fois, un modèle d’engagement politique pour le 21e siècle naissant. Autrement dit : la preuve que l’on peut encore agir en ce (bas) monde si on le désire ardemment.

Faire mentir les cyniques

Sa fervente défense de la cause ouïghoure, Raphaël Glucksmann la raconte en détail dans son nouvel essai, Lettre à la génération qui va tout changer. Un livre malin, bien ficelé, pensé comme un vent d’air frais, d’optimisme et de progrès dans la tempête ultra-réactionnaire qui s’abat sur le monde dans un contexte suffoquant de « zemmourisation » et « d’hanounisation » du débat. Glucksmann, lui, ne se résigne pas ! A la jeune génération qui arrive sur le grand marché des idées, à laquelle on prêche sans cesse le déclin, le fatalisme et les multiples impossibilités, il entend servir de modèle et de contrepoids. « Rien n’est écrit, jamais ! vous pouvez inverser le cours des choses ! ». Plus il exhorte : « Je vous ai vus à l’œuvre, de Lille à Marseille, en passant par Reims, Corbeil-Essonnes, Villeurbanne ou Clermont-Ferrand. J’ai vu en vous la spontanéité et la sève qui manquent tant à nos dirigeants. Votre irruption sur la scène politique va changer la donne. Vous allez faire mentir les fatalistes et les cyniques ».

Il en faut de l’énergie, du pouvoir d’entraînement, du charisme pour remettre en marche la machine à créer de l’engagement. Le penseur devenu responsable politique en sait quelque chose. Il a vu son propre père, icône de la Nouvelle Philosophie, « se lever le matin et se coucher le soir avec Grozny en tête ». A la fin de sa carrière, André Glucksmann avait fait de la cause tchétchène « une obsession », au point « d’y sacrifier son audience puis sa santé ». Dans un élan touchant, le fils reproduit le modèle paternel, à ceci près qu’il ne prêche pas dans le désert, qu’il n’organise pas de petites manifestations à 50 ou 100 personnes où l’on voit toujours les mêmes têtes. Pour se faire entendre, il utilise la caisse de résonance des réseaux sociaux. « Ne sous-estimez jamais votre pouvoir », écrit Glucksmann. « Exercez-le, vous verrez ». Et qu’importe si cela ne prend plus la forme des antiques tribunes et denses essais d’hier. Les carrés bleus postés sur Twitter, Instagram et Facebook en soutien à la cause ouïghoure sont aussi efficaces, sinon plus. D’ailleurs, ils étaient trois millions, rien qu’en France. Mais à quoi servent-ils ? Changent-ils vraiment la donne, sommes-nous tentés de lui demander ? « La réponse est simple : ils font voler en éclats le présupposé d’indifférence ». Voilà du baume au cœur ! 

Écrit par : Laurent-David Samama

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