Shana Tova malgré tout

Nicolas Zomersztajn
Éditorial de Nicolas Zomersztajn
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Depuis le 7 octobre 2024, il n’y a que les ignorants et les antisémites pour prétendre que l’antisémitisme est résiduel. Dès le lendemain de ce pogrom, et avant même que l’offensive terrestre israélienne soit lancée vingt jours plus tard, la haine des Juifs s’est répandue à travers l’Europe. Partout des incidents ont éclaté. Des discours de haine se sont propagés. Ils véhiculent tous l’obsession antisémite de la domination juive : grâce à leur emprise sur les médias et la finance, les Juifs chercheraient à intimider, faire taire et criminaliser ceux qui expriment leur solidarité envers les Palestiniens et dénoncent le « génocide » en cours à Gaza.

Paradoxalement, en dépit de l’influence tentaculaire que leur attribuent les antisémites, les Juifs ne réussissent pas à susciter la réprobation médiatique ou populaire lorsqu’un chorégraphe belge écrit que la majorité des Juifs sont fascistes, qu’un député bruxellois traite les Juifs de psychopathes et de terroristes ou encore qu’un écrivain flamand veuille « enfoncer un couteau pointu dans la gorge de chaque Juif que je rencontre ». Des personnalités politiques, culturelles et artistiques osent dire des horreurs sur les Juifs qu’ils n’oseraient jamais prononcer envers toute autre minorité.

« Pourquoi j’ai le sentiment que, depuis un moment, les Juifs sont les ennemis les plus cool à détester ? »

Et pourtant, de nombreux faiseurs d’opinions progressistes prennent leur défense préférant dénoncer une hypothétique instrumentalisation de l’antisémitisme au lieu de lutter contre l’antisémitisme.

Ce constat désagréable est partagé par l’immense majorité des Juifs européens. Il n’est d’ailleurs pas rare d’entendre des personnalités juives exprimer leur malaise par rapport à l’antisémitisme alors qu’elles s’étaient toujours bien gardées d’aborder cette question publiquement. C’est ainsi le cas de Michel Hazanavicius. Ce cinéaste français, dont le grand public ignore sûrement qu’il est juif, a bien résumé ce malaise dans une très belle tribune publiée dans Le Monde (7 août 2024) sous la forme d’un questionnement : « Pourquoi j’ai l’impression que de membre d’une minorité presque comme les autres, ayant eu sa part de malheurs du monde, je suis devenu membre de la caste dominante, tête de proue de l’oppression, de l’impérialisme et de l’injustice ? Comme si être Juif était devenu un truc vraiment trouble, vaguement suspect, possiblement détestable. Comment j’ai pu devenir aussi méchant en aussi peu de temps ? » Et se demander enfin « Pourquoi j’ai le sentiment que, depuis un moment, les Juifs sont les ennemis les plus cool à détester ? »

À cette source de préoccupation s’ajoute notre inquiétude face à ce qui se passe en Israël. Un an après le séisme du 7 octobre, nous voyons que ce pays auquel nous sommes tant attachés s’enlise dans une guerre dont personne ne voit l’issue. Des centaines d’otages sont encore détenus par le Hamas, des centaines de milliers d’Israéliens du Nord et du Sud sont devenus des réfugiés dans leur propre pays et des dizaines de milliers de civils palestiniens ont été tués à Gaza. Sans aucune réelle stratégie, le gouvernement israélien s’obstine à courir après une victoire totale impossible à concrétiser et repousse toute possibilité d’accord de cessez-le-feu. Abandonnant les otages et leurs familles à leur triste sort, Benjamin Netanyahou se soucie davantage de sa survie politique et de celle de ses alliés nationalistes religieux.

Cette année, nos vœux de Rosh Hashana ne prendront plus la forme de sympathiques formules vagues et convenues. Ils revêtiront une dimension très concrète : qu’un cessez-le-feu soit conclu à Gaza afin de permettre le retour des otages israéliens encore vivants et que cette guerre prenne fin. Même si le pessimisme est un luxe que les Juifs ne peuvent se permettre, souhaitons aussi que 5785 ne soit pas pire que l’année qui vient de s’achever.

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