À l’ouest de nouveau ?

Joel Kotek
Une fois n’est pas coutume, je vais positiver. Oui, positiver. La question n’est pas que je serais devenu subitement optimiste (ne m’en demandez pas tant !) mais que l’heure semble tout à la fois au sursaut et, dans une certaine mesure, à l’apaisement.
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S’agissant du sursaut, je songe évidemment à la parution du récent ouvrage de l’Observatoire des Fondamentalismes, Cachez cet islamisme. Voile et laïcité à l’épreuve de la cancel culture, publié sous la direction de Florence Bergeaud-Blackler et Pascal Hubert. Ses auteurs ne nous épargnent rien de la montée en puissance de l’islamisme politique en Belgique francophone, de cette servitude volontaire d’une bonne partie de nos élites à l’Islam non des lumières, mais le plus rétrograde qui soit. Comme le souligne, avec le courage qu’on lui connaît, Elisabeth Badinter dans son avant-propos « peu à peu, grâce à la complicité idéologique et politique d’une frange radicale de la gauche qui pense incarner le bien, le reste de la société est réduite au silence sous peine de se voir incarner le mal. La peur de l’insulte, de la mise au pilori, voire des menaces de représailles décourage tous ceux qui redoutent l’accusation d’islamophobie et de racisme, autrement dit le comble de la « malpensance ».

On ne le sait que trop, dans ce formidable exercice d’intimidation, les premiers étendards des islamistes sont évidemment les femmes voilées ; d’où des accommodements à tout le moins (ir)raisonnables. Sous le fallacieux prétexte de ne pas « stigmatiser » l’Islam, les forces de gauche font mine d’oublier le difficile mais victorieux combat qu’elles menèrent, non sans mal, contre l’Eglise. Hors de la laïcité exclusive, mais respectueuse de la foi d’autrui, point de salut ! C’est vrai pour la Belgique comme pour Israël.

La peur d’être accusé d’« islamophobie » agit comme un véritable étouffoir de la pensée comme en témoignent les Assises de lutte contre le racisme organisées par le Parlement bruxellois. Si, du fait de la volonté du Président Rachid Madrane, la question de l’antisémitisme a été finalement abordée, force est de constater que certains de nos députés bottent en touche dès lors que l’on franchit le périmètre rassurant de l’antisémitisme d’extrême droite. En témoigne, l’intervention lénifiante de Madame Farida Tahar, la nouvelle égérie es Islam d’Ecolo. Tout en reconnaissant l’existence de préjugés antisémites « dans certains milieux », la députée n’a pas hésité à reprocher aux deux (brillantes) oratrices du CCLJ de le souligner dans leurs interventions respectives et ce, au nom de la lutte commune contre l’extrême droite. Je cite : « Il y a quelque chose qui m’a un peu ennuyée quand vous avez présenté votre camembert des situations de discrimination, surtout de l’antisémitisme dans les écoles auprès d’un certain public… et que vous avez pris l’exemple de Yassine de 10 ans et là je me suis dit : est-ce que finalement la démarche que vous préconisez en voulant déconstruire les préjugés, à juste titre… ne participe pas aussi indirectement à stigmatiser certaines communautés… Oui, il existe de l’antisémitisme dans certaines communautés… mais quand on parle de Yassine, est-ce que quelque part, on ne stigmatise pas la communauté musulmane ?… N’est-il pas dangereux de le présenter comme ça ?… L’ennemi commun que nous avons, c’est l’extrême droite ».

On suivrait volontiers les conseils de Madame Tahar n’était la réalité des faits : les Juifs sont la cible privilégiée non pas tant de l’extrême droite que de jeunes musulmans radicalisés. Merah qui abattit de sang-froid deux jeunes enfants juifs se réclamait de l’Islam, tout comme le meurtrier de Sarah Halimi ou encore du Musée juif de Belgique. Aucun des 16 derniers assassinats de Juifs parce que Juifs, de Toulouse à Bruxelles n’ont été jusqu’ici, et ce contrairement aux Etats-Unis, l’œuvre de suprémacistes blancs. Faudrait-il le taire au nom de je ne sais quelle solidarité, pédagogiquement parlant, insensée ? Comment, en effet, espérer combattre les préjugés antisémites des jeunes issus de nos quartiers, si l’on choisit de l’ignorer.

L’honnêteté m’oblige à admettre que cette assignation au déni en rappelle bien d’autres, notamment celle des communistes qui, au sortir de la guerre, exigèrent, eux aussi, de ne pas stigmatiser l’URSS au nom de l’intérêt supérieur de la Révolution. Il ne fallait pas surtout, pour reprendre la célèbre formule de Jean-Paul Sartre, « désespérer Billancourt », c’est-à-dire la classe ouvrière. Je vous conseille à ce propos de lire en toute urgence Les œillères rouges, complaisances intellectuelles avec les régimes totalitaires de gauche (éd. CEP), le maître-livre d’Hervé Hasquin. Cet historien belge rappelle par A+B comment, de Paris à Bruxelles, de grands intellectuels tout à la dénonciation des dictatures de droite n’ont eu de cesse de justifier les crimes de Staline, puis de Mao et enfin de Khomeini. Alain Badiou défendit jusqu’à sa fin le régime criminel de Pol Pot. Jean Ziegler, le colonel Kadhafi pour lequel il créa un prix des Droits de… l’homme. Cela ne s’invente pas.

Ce sont ces mêmes belles âmes qui, hier staliniennes, maoïstes ou trotskistes et désormais islamo-gauchistes, nous somment de boycotter Israël. C’est le cas d’Henri Goldman qui, en bon héritier de soutiers à Staline, reproche à la co-présidente d’Ecolo, Rajae Maouane, d’avoir osé rencontrer l’ambassadeur d’Israël. Pour ma part, je ne puis que saluer son courage politique, comme d’ailleurs celui d’Emmanuel Nahshon. Sans douter un seul instant de leurs nombreux désaccords, ils démontrent avec superbe que la négation, le boycott et la diabolisation de l’Autre n’ont pas leur place dans le cadre de sociétés démocratiques. Le dialogue doit s’imposer, de la Belgique à Israël.

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