L’auteure est née en 1966, annus mirabilis, comme elle qualifie cette année-là. Cela ne veut pas dire année misérable, mais tout au contraire année prodigieuse. Une année, tout compte fait, plus importante que 1968 et son grand bazar. Celle où l’on tourne Les Demoiselles de Rochefort, celle où sort Masculin Féminin de Godard, Les Choses de Perec, Les mots et les choses de Foucault, l’année qui voit, en France, la contraception légalisée… La Modernité est en marche. Dans son enfance, Marianne raffole de Peau d’âne, avec Catherine Deneuve et Delphine Seyrig, film d’après Perrault qui nous parle de filles, de mères, de mères-grands. Dès lors, Marianne Rubinstein va égrener des souvenirs d’enfance en les associant le plus souvent à une fine sociologie (l’école, la famille, les vacances bretonnes…) de ces années-là, et à tout ce qui a fait évoluer le statut des femmes, dont sa génération à elle a bénéficié tout naturellement. Marianne, ado, est un peu complexée : elle se trouve trop grande ; sa mère l’embête mais elle ne peut s’en détacher.
(Les grands-parents paternels sont morts en déportation.) Les règles, les garçons, les années-lycée, l’amour de la danse, la séparation des parents, les amours contingentes ou nécessaires, le désir d’enfant, quelques conflits avec sa mère… On n’est pas obligé de se reconnaître dans tous ces événements, grands ou petits, mais ce récit s’adresse malgré tout à tout le monde, comme on feuillette de vieux journaux ou un livre d’histoire. Car l’histoire de Marianne Rubinstein, même si elle est plus jeune que vous, c’est déjà de l’Histoire. À l’instar d’Annie Ernaux, ce sont « les années » de Marianne Rubinstein.