Dans son hall d’immeuble, Guy attend les bénévoles venus lui déposer une boîte de Pessah. Les voir passer la porte le ravi, il va pouvoir raconter un peu de son histoire. “Mon surnom est Micky, c’est un prénom yiddish”. Pour lui Pessah est la plus belle des fêtes. Sa mère “le pivot de la famille” lui a transmis le récit de la libération du peuple juif : “ils ont laissé les Pharaons, chez eux, en Egypte, et ils sont allés vers la terre promise”. Il raconte aussi que sa nièce, qui vit à Londres, récitait l’Haggadah par cœur. “J’ai encore ça en moi” confit-il “et ça me revient chaque année”.
Le Seder, “Micky” le passe seul dans son petit appartement Bruxellois du Service Social Juif, tout comme Hélène, sa voisine de palier.
Cette année, Hélène reçoit la Box de Pessah des mains de Théo, membre de l’Union des étudiants juif de Belgique. Son sourire s’illumine. Elle entame la discussion : “tu es madrih?” et durant plusieurs minutes les deux générations échangent. “Je ne le suis plus, j’ai été madrih à la JLL mais je suis étudiant maintenant”. Plusieurs décennies les séparent mais cela n’empêche pas la complicité. Quelques mots en yiddish fusent “moi je ne sais pas le parler” lance le jeune homme “mais tout s’apprend !”. Hélène prend le temps de découvrir la boîte qu’il lui a apporté : du foie haché, du vin de la salade d’œufs, du harosset, des macarons. Elle s’extasie “Oh, c’est merveilleux ! Oh, des matzots !”
Un moment de partage et de solidarité
Théo doit poursuivre la distribution, il laisse Hélène et Micky en lançant des “Hag Sameah!”. L’étudiant est accompagné de deux bénévoles du CCLJ, ils doivent distribuer 12 box de Pessah à des bénéficiaires du Service social juif. “Je vois ça, avant tout, comme une action citoyenne. Ce n’est pas grand-chose. On est là pour donner un peu de notre temps, faire plaisir à des personnes un peu plus isolées. C’est un moment de partage et c’est pour cela qu’on vient.”
Au total, ce sont 55 box qu’il a fallu remplir et distribuer. Durant deux jours, la salle polyvalente du CCLJ a été transformé manufacture de Pessah. Chaque boîte, une à une remplie de 7 ingrédients. Une fois toutes les boîtes remplies, une dizaine de bénévoles se sont séparés en quatre groupe pour desservir les quatre circuits de distribution.
“L’important c’est simplement la solidarité. On apporte des box à des personnes qui n’ont pas les moyens ou la possibilité de préparer eux-mêmes” explique Philou Ceciora, président du Service social juif. “Ces gens [les bénéficiaires. Ndlr] sont souvent seuls. Et là, ils ont la possibilité de fêter Pessah avec tout ce qu’il faut”.
A chaque porte à laquelle les bénévoles ont sonné, ils ont reçu des sourires, des mercis et des récits. Des récits de solitude parfois. Une solitude envolée l’espace de quelques minutes de partage.
Pourquoi cette nuit était-elle différente des autres nuits ?
L’histoire de Pessah, l’histoire d’un peuple qui prend le chemin vers la liberté, est vieille de plus de 3500 ans. Cette année pourtant, elle résonnait plus intensément avec l’actualité. Une actualité de tragédie et de fuite. Parmi la centaine de convives présents dans le Mazal Café pour célébrer le Seder, deux personnes ont été invitées à notre table: Marina et son fils Maxime. Ils sont ukrainiens. Ils ont fui les bombardements russes qui menaçaient leur maison. Ils ont trouvé refuge en Belgique… Et le temps d’une soirée, tous ensemble au CCLJ, nous avons raconté ensemble une histoire millénaire avec tous ses symboles et ses chansons.
“Buvons à la liberté, la justice et la paix pour tous les hommes et pour tous les peuples”
Au rythme de la Haggadah, chacun lève son verre, trempe un aliment et se demande où est caché l’Afikoman. Les airs joyeux interprétés par André Reinitz, Raksha, Nathan et Benjamin emplissent la salle. Ukrainien ou Belge. Ashkénaze ou, Séfarade. Jeune ou moins jeune. Qu’importe qui vous êtes et d’où vous venez, ce soir nous étions tous réunis pour un moment exceptionnel fait de partage, de transmission et d’aspiration à un monde meilleur fait de liberté, de justice et de paix.