Idéologies “indigénistes” : quelles incidences sur le monde juif ?

Olivier Douman
Les musulmans d’aujourd’hui sont-ils les Juifs d’hier ? Qu’on le déplore ou s’en réclame, ce discours fait florès. Dans une partie de la gauche, c’est entendu, mais pas uniquement. « L’islamophobie aujourd’hui c’est l’antisémitisme d’hier », déclare l’ancien conseiller régional FN Farid Smahi au micro d’Yves Calvi le 1er février 2011 sur les ondes de RTL.
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« Le visage de l’antisémitisme est aujourd’hui celui de l’islamophobie, la propagande utilise les mêmes termes, les mêmes slogans, les mêmes obsessions : l’invasion des étrangers, la perte des repères chrétiens, la pureté de la race. Ces thèmes, ces obsessions sont exploitées par une partie de la classe politique, et par un nombre grandissant d’intellectuels et d’artistes ». Ces lignes de l’écrivain Jean-Marie Le Clézio paraissent dans Le Nouvel Observateur le 5 septembre 2012. Moins de quinze jours plus tard (13 septembre 2012), elles sont reproduites dans le journal belge Solidaire. Cette publication est l’organe du Parti du travail de Belgique (PTB), journal dont fut membre de la rédaction Michel Collon. Les écrits de ce dernier jouissent d’une certaine influence tant en Belgique qu’en France, notamment dans les milieux « indigénistes ». Figure emblématique de ce courant, Houria Bouteldja est intervenue il y a quelques années sur le thème « combattre le philosémitisme pour combattre l’islamophobie et le sionisme ».

L’hostilité envers les musulmans ne pourrait-elle donc être pensée qu’adossée à un modèle comparatif avec l’antisémitisme ? Il semble que la réponse soit positive pour beaucoup. De ce point de vue, nous ne sommes jamais complètement sortis de ce « syndrome Crémieux » dont parlait un sociologue lors du débat sur le voile à l’école en France. L’expression fait référence au décret Crémieux adopté en 1870, il y a cent cinquante ans, qui octroie la nationalité française aux seuls Juifs d’Algérie (à l’exception de ceux du Mzab). Les Juifs du Maroc et de Tunisie (sous protectorat français) ne bénéficieront pas de cette mesure.

Une étude sur l’essentialisation « victimaire » risque de se heurter à plusieurs écueils. Le premier d’entre eux serait de rabattre cette réflexion sur les seuls mouvements « indigénistes » ou « dé-coloniaux ». Ces derniers donnent certes un écho médiatique puissant à ce discours, mais ils n’en sont pas pour autant les seuls propagateurs. Un second écueil serait d’assimiler rhétorique « indigéniste » et théories postcoloniales.

Si les Indigènes de la République ou les Panthères Bruxelles ne se privent pas de prendre appui sur les post-colonial studies, ils ne s’y réduisent pas pour autant. Aucune équation ne peut en outre être posée entre le corpus des écrits postcoloniaux, pris dans leur globalité, et les mouvements cités plus haut. Pour banal que cela puisse paraître, il faut pourtant le rappeler tant il est vrai que le postcolonialisme n’est pas monolithique. « L’un des problèmes majeurs posés à ce travail est l’extrême diversité des postcolonial studies. Fécondées à l’origine, comme nous le verrons, par plusieurs penseurs et écoles intellectuels, elles se sont déployées principalement, au début des années 1980, dans les départements de littérature et de littérature comparée de nombreuses universités américaines, avant d’essaimer dans d’autres disciplines telles l’histoire, la philosophie ou l’anthropologie. La nature pluridisciplinaire de ce courant, les débats et les désaccords incessants qui le traversent, le nombre et la diversité des intervenants que l’on peut rattacher aux postcolonial studies comme ceux qui s’en réclament explicitement, les milliers d’articles et de livres que l’on peut identifier comme postcoloniaux, rendent très difficile de déterminer les contours exacts de ce courant, et ce, d’autant plus que les controverses en son sein subsistent largement aujourd’hui. » rappelle de façon précise l’historien Nicolas Bancel.

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