Ces conversations avec le grand Amos Oz, né à Jérusalem en 1939 et qui nous a quittés en 2018, s’ouvrent sur cette question banale mais en vérité si capitale : Qu’est-ce qui vous pousse à écrire ? La réponse d’Amos Oz est plus sophistiquée. Il était encore un enfant quand, dans la cour de l’école, il vit gravé sur un arbre un cœur traversé d’une flèche et deux noms : Gadi et Ruthi. Et il se souvient s’être dit que le garçon qui avait ça voulait « laisser quelque chose », qu’il reste « une trace de cet amour quand lui-même disparaitrait ». Comment peut-on définir de façon plus simple et en même temps plus vraie l’origine de l’écriture, ce qui pousse un écrivain à écrire ? Une telle attitude voue par-là l’écrivain à se tourner vers le passé, pour le sauver précisément, avant qu’il ne s’efface. Comme dit l’auteur d’Une histoire d’amour et de ténèbres, « les écrivains souffrent d’une sorte de défaut congénital ; ils se dévissent le cou pour regarder en arrière ». Mais c’est quand Amos Oz parle d’autre chose que de littérature qu’il est le plus passionnant. Par exemple du kibboutz, où il a longtemps vécu. Et sur les rapports entre les hommes et les femmes qui y règnent. On a voulu que les femmes fussent semblables aux hommes. Il n’est pas sûr que les femmes y aient trouvé leur compte, dit l’écrivain. Non, les hommes et les femmes ne sont pas identiques. A commencer par ce qui touche la sexualité : entre les deux sexes, il y a la différence « qui sépare un tambour d’un violon ».
