En Israël et ailleurs, sauvons la démocratie libérale

Carte blanche
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Ces dernières années, le monde a appris qu’aucune démocratie n’est à l’abri de menaces internes. Nous avons assisté à la montée et à l’impact dévastateur du populisme illibéral à travers le monde démocratique, des États-Unis à la Finlande, en passant par le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, l’Espagne, la Turquie, la Suède, l’Italie, les Pays-Bas, l’Autriche et, bien sûr, la Hongrie et la Pologne. Dans certains pays, les partis populistes gagnent du terrain dans les sondages et les élections. Dans d’autres, ils sont déjà au pouvoir, à la tête de gouvernements nationaux. Le succès du populisme dans un pays stimule les initiatives dans les pays voisins. L’un des derniers pays à être tombé dans le piège est Israël.

Certes, le gouvernement israélien actuel a été élu démocratiquement mais nous observons avec effroi les efforts qu’il déploie pour saper les bases du système judiciaire israélien, limiter ses compétences et politiser le choix des juges, en prélude à la restriction des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Nous avons vu des pratiques similaires dans des pays comme la Pologne et la Hongrie, où des gouvernements démocratiquement élus ont abusé de leur pouvoir pour supprimer les contre-pouvoirs, privant les institutions démocratiques de leur capacité à protéger les droits constitutionnels. Israël subit actuellement la dernière version de ces pratiques. La défense de la démocratie exige le même type d’efforts soutenus et ingénieux.

Nous savons que la démocratie israélienne, avant le coup d’État judiciaire actuel, n’était pas sans failles, en particulier avec l’occupation des Territoires palestiniens. Pourtant, les principes démocratiques fondamentaux ont toujours été assurés par Israël sur son territoire, grâce notamment à l’existence d’un système judiciaire indépendant et de notoriété internationale.

Nous soutenons donc sans réserve le mouvement populaire de défense de la démocratie, sans précédent, qui s’efforce de maintenir en place les institutions démocratiques et en particulier un système judiciaire indépendant. En fait, les Palestiniens risquent d’être les premiers à payer le prix du coup d’État judiciaire, car il les privera des dernières protections que leur offraient les tribunaux israéliens. Inversement, la préservation d’un Israël démocratique est peut-être la dernière chance de ranimer la solution à deux États.

Par ailleurs, nous sommes impressionnés par le mouvement populaire israélien en faveur de la démocratie, qui utilise toutes les mesures pacifiques possibles pour s’opposer, manifester, pétitionner, faire grève et résister à ce qui pourrait entraîner un recul des libertés civiles. Notre soutien aux manifestants repose sur des valeurs démocratiques libérales partagées, notamment la séparation des pouvoirs, les droits des femmes, les droits des personnes LGBTQIA+ et les droits des minorités de manière générale.

Nous sommes également conscients que la dangereuse tentative de détruire de l’intérieur les institutions démocratiques est contagieuse et se propage au-delà des frontières aussi rapidement qu’un feu de brousse. D’autres dirigeants illibéraux élus démocratiquement observent le résultat de « l’expérience israélienne ». Si la démocratie israélienne s’effondre, ils pourraient bien essayer de l’imiter. Inversement, sauver la démocratie israélienne pourrait profiter au monde démocratique libéral. Cela montrerait aux dirigeants politiques les limites de leur mandat et les limites d’une gouvernance démocratique qui doit toujours avoir ses contre-pouvoirs. Dans les pays où la démocratie est en recul, cela montrerait aux organisations de défense de la démocratie et à la société civile quelle voie elles peuvent suivre.

Notre soutien à la protection de l’indépendance du système judiciaire israélien n’est donc pas seulement un témoignage de notre conscience morale et de notre solidarité. Il s’agit également d’un acte d’autodéfense et de prévention. C’est l’envoi d’un signal clair aux futurs dirigeants qui tenteront de soumettre la démocratie à la tyrannie de la majorité. La démocratie libérale exige une séparation des pouvoirs, des tribunaux indépendants, des droits fondamentaux inaliénables, la protection des minorités et la liberté d’expression, pour ne citer que quelques-uns de ses fondements.

 

À l’heure où les gouvernements illibéraux se renforcent mutuellement, le moment est venu pour les forces libérales de travailler ensemble, d’échanger leurs pratiques, de faire preuve de solidarité et de soutien. Il ne s’agit pas d’intervenir dans la politique d’un pays tiers mais, pour les démocraties, de se défendre les unes les autres. Par la présente déclaration, nous invitons les organisations de la société civile d’Europe et d’ailleurs, qui partagent les mêmes idées, à unir leurs forces.Nous, soussignés, sommes des décideurs politiques européens, des personnalités de la société civile, des membres du Parlement européen et des parlements nationaux, des femmes et des hommes qui chérissent les valeurs démocratiques. Nous appelons individuellement et collectivement à une action transfrontalière structurée pour sauvegarder la démocratie libérale où qu’elle soit établie.

Le 11 octobre, nous nous réunirons au Parlement européen à Bruxelles pour lancer Democrisis, un réseau d’action civile d’organisations pro-démocratiques d’Israël, de Hongrie, de Pologne et d’ailleurs. Quelques jours avant les élections parlementaires polonaises et quelques mois avant que tous les citoyens de l’UE ne soient appelés à élire leurs députés au Parlement européen, nous nous réunirons. Sœurs et frères dans la lutte pour une démocratie robuste, basée sur une solide séparation des pouvoirs et un système judiciaire indépendant, qui chérit une société ouverte, égalitaire, tolérante et inclusive. Rejoignez-nous !  

Signataires :

Marc Angel, vice-président du Parlement européen (S & D), Luxembourg ; 

Róza Thun, membre du Parlement européen (Renew), Pologne ; 

Karima Delli, membre du Parlement européen (Greens), France ; 

Dr. Tamás Harangozó, membre du Parlement hongrois (Parti socialiste) ; 

Boris Dittrich, membre du Sénat néerlandais ; 

Anne Sinclair, journaliste franco-américaine; 

Maria Ejchart, Sylwia Gregorczyk-Abram, Michal Wawrykiewicz et Paulina Kieszkowska-Knapik, Initiative polonaise pour des tribunaux libres ;

 Karolina Skowron-Baka, directrice exécutive de l’organisation polonaise Action pour la démocratie ; 

Benjamin Beeckmans, président du Centre communautaire laïc juif, Belgique ; 

Jakub Kocjan, Action pour la démocratie, Pologne ; 

Omri Preiss, Maia Mazurkiewicz, Alliance pour l’Europe ; 

Dan Sobovitz, fondateur de DemoCrisis, réseau d’action civique et directeur général du prix européen des start-up pour la mobilité ;

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