Joseph Bialobroda (de son vrai nom) est né à Varsovie en 1923. Ses parents s’établissent à Paris en 1930, dans le quartier ouvrier de Belleville. Il deviendra un pilier essentiel du polar français en commençant précisément par celui-ci, qui a trait à un domaine qu’il connaît bien, par atavisme : les shmattès. À quoi il ajoute une pincée de meurtres sanglants et quelques flics qui mènent l’enquête. J’oubliais : une écriture véloce, imagée, gorgée d’humour (juif ?, vous en jugerez). Cela se passe dans le quartier parisien de la confection (et de la prostitution), à savoir le Sentier, qui fut « le premier centre textile d’Europe », au début des années 1970. Le fameux quartier des « schmatologues », terme forgé par l’auteur lui-même. Les deux jeunes femmes égorgées, dont les cadavres gisent, sanglants, dans les coupons de tissus à même le trottoir, font titrer un journal (de droite) : « La France livrera-t-elle des poignards aux pays arabes ? » Cela se passe peu de temps après la guerre des Six-Jours de 1967 et les événements de Mai 68. « Les intellectuels, écrit Bialot, épuisés de parler d’agir, partent faire la ré-vo-lu-tion dans le Luberon. »
Autant de traits d’humour que les moins de vingt ans, etc. Certains de très mauvais goût, d’ailleurs, qui aujourd’hui ne passeraient pas la rampe du wokisme. Il y avait encore en ce temps-là des Citroën 2 CV, on fumait des Gauloises et des Gitanes, Paris était ceint de bidonvilles, les noms de Krivine et d’Arlette Laguiller disaient encore quelque chose, on lisait France-Soir, on téléphonait d’une cabine, la Yougoslavie était entière… La préhistoire, quoi. Joseph Bialot s’est éteint en 2012. Il avait écrit C’est en hiver que les jours rallongent, sur sa déportation à Auschwitz. Ce dernier ouvrage (qui date de 2002) reparaît en même temps.