La bande dessinée Maus interdite dans une école américaine

La Rédaction
Maus, monument de la bande dessinée reconnu pour son intérêt historique, a été interdit école du Tennessee au motif qu’il contenait des éléments « inappropriés ». Dans la BD, des souris figurent les juifs, et des chats, les nazis.
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Après un vote à l’unanimité mi-janvier, les dix membres du conseil d’administration de la McMinn County Schools ont ainsi banni de leur programme scolaire ce roman graphique d’Art Spiegelman considéré comme un monument de la bande dessinée historique, récompensé par un prix Pulitzer en 1992.

« Il y a un vocabulaire grossier et répréhensible dans ce livre », a expliqué le directeur de l’école, Lee Parkinson, en ouvrant la réunion destinée à discuter de l’utilisation de l’ouvrage pour les élèves en fin de collège. Précisant avoir « consulté l’avocat » de l’école, le directeur annonce que « la meilleure manière de corriger ou de maîtriser le vocabulaire dans ce livre est de le modifier de manière à le débarrasser des huit gros mots et de l’image de la femme » qui a fait l’objet de signalement de la part de certains membres du conseil.

Le livre « montrerait des gens tuant des enfants »

Mais ce n’est pas tout. Dans le procès-verbal du conseil d’administration, on peut lire qu’un des administrateurs ajoute que « Dans les écoles, en tant qu’éducateurs, nous n’avons pas besoin de permettre, voire de promouvoir, ce genre de choses », estime-t-il, soulignant que le livre « montre des gens pendus, d’autres en train de tuer des enfants » !

Le livre en question raconte l’histoire du père d’Art Spiegelman, juif polonais ayant survécu à Auschwitz. Son contenu ? Des dessins en noir et blanc où des souris figurent les juifs, et des chats, les nazis, pour raconter l’enfer des camps d’extermination pendant la seconde guerre mondiale. La BD a valu à son auteur une célébrité mondiale et s’est imposée dans plusieurs pays, comme un classique de la littérature sur la Shoah, au point de figurer dans les programmes scolaires.

Un autre membre du conseil d’administration participe au même délire de ses collègues en déclarant que « Nous parlons d’enseigner l’éthique à nos enfants, et ce livre commence avec le père et le fils qui parlent du moment où le père a perdu sa virginité. Ce n’était pas explicite mais c’est là. Nous pouvons enseigner l’histoire aux élèves (…), nous pouvons leur dire exactement ce qui s’est passé, mais nous n’avons pas besoin de nudité et de tous ces autres trucs ». Il remet même en cause la totalité du programme d’études de l’école, qu’il estime conçu pour « normaliser la sexualité, la nudité et normaliser un langage vulgaire »« Si j’essayais d’endoctriner les enfants de quelqu’un, je ne m’y prendrais pas autrement », conclut-il.

Antisémitisme inavoué

« Je ne sais pas si je dois en rire ou en pleurer », déplore sur son blog, Michel Kichka, caricaturiste israélien et également auteur d’un roman graphique consacré à son père, Henri Kichka et à la question de la transmission de la mémoire de la Shoah (Deuxième génération. Ce que je n’ai pas dit à mon père, éd. Dargaud). « Ce comité m’a tout l’air d’une bande de bigots qui brandissent le Politically Correctness pour cacher leurs véritables mobiles : une volonté de formater toute une jeunesse à une pensée unique, à museler toute curiosité intellectuelle, à dicter quoi lire et quoi penser à des jeunes esprits malléables. J’en arrive à me demander si cette décision n’est pas quelque part teintée d’un antisémitisme inavoué ».

Et comme le souligne très justement Michel Kichka, « La cerise sur le gâteau est que la nouvelle tombe le jour de la commémoration internationale de la mémoire des victimes de la Shoah ».

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Deveen
Deveen
2 années il y a

Honteux 😡

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