Manifestation parisienne : un succès, et après ?

Laurent-David Samama
Comme ailleurs en Europe ou aux États-Unis, la France a connu, ces dernières semaines, de ferventes manifestations de soutien à la communauté juive victime d’antisémitisme et à l’État hébreu dans son combat contre le Hamas. Pour quel bilan et quelles perspectives ? Tentative de réponse.
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La photo est belle et symboliquement forte. Ce 12 novembre 2023, dans le carré de tête de la marche parisienne contre l’antisémitisme, on retrouve de nombreuses têtes connues, en premier lieu desquelles plusieurs politiciens de haut rang. Tenant la même bannière sobrement intitulée « Pour la République, contre l’antisémitisme », les ex-présidents de la République Nicolas Sarkozy et François Hollande ont répondu présents, de même que la Première ministre en exercice Elisabeth Borne et les anciens locataires de Matignon : Laurent Fabius, Manuel Valls, Édouard Philippe, Jean-Marc Ayrault ou encore Jean Castex. Les voici accompagnés des deux têtes du Parlement, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher, à l’initiative de cette marche, ainsi que du président du Crif, Yonathan Arfi, et du Grand Rabbin de France, Haïm Korsia. Le tout constituant une certaine idée de la République faisant front contre l’hydre antisémite et l’importation, sur le sol national, du conflit israélo-palestinien. « On est heureux et rassurés que les Français aient répondu présents », se réjouissait Yaël Braun-Pivet à l’issue de la journée. « Notre ordre du jour, c’est la République », résumait ensuite M. Larcher, prônant « un sursaut citoyen face à l’explosion du nombre d’actes hostiles aux Juifs » depuis les massacres du Hamas en Israël le 7 octobre, et la riposte militaire qui a suivi.

Cet après-midi-là, plus de 105.000 personnes se sont rassemblées pour défiler dans les rues de Paris, entre les Invalides et le Sénat. Une majorité de Juifs, mais pas seulement. Une majorité d’adultes et de seniors, mais pas seulement. Des marcheurs – plutôt que des manifestants –, venus d’horizons multiples, Juifs de gauche comme de droite, ashkénazes et séfarades, catholiques porteurs de valeurs, musulmans désireux de témoigner d’un soutien symbolique, célébrités ou anonymes : tous français et bien décidés à ce que la République ne cède pas sous les coups de boutoir du communautarisme, de la haine et de la division. Pour les organisateurs, ce fut une franche réussite en dépit de quelques polémiques connexes, à commencer par l’hostilité affichée de Jean-Luc Mélenchon, de la présence contestée d’élus du Rassemblement National ou de l’absence décriée du Président de la République Emmanuel Macron, « présent par la pensée ». Autant de questions périphériques sur lesquelles il conviendrait de ne pas trop s’attarder, de l’avis même de François Hollande : « Le problème n’est pas tant qui était là ou pas là. Ceux qui étaient là, c’étaient les Français et c’est ça qui comptait d’abord. Et ça doit montrer que la lutte contre l’antisémitisme, c’est une valeur partagée, comme la lutte contre tous les racismes. Et c’était ce sens-là que je voulais faire apparaître dans le succès de cette manifestation. »

Marcher ensemble pour se sentir moins seul

Le contexte des manifestations, à Paris et en province, importe. Aux images choquantes des pogroms perpétrés par le Hamas s’est ajoutée la hausse inquiétante du nombre d’actes antisémites enregistrés sur le sol français depuis plusieurs semaines. Une montée en flèche qui inquiète d’autant plus la communauté juive de France que cette dernière sait d’expérience, depuis l’assassinat d’Ilan Halimi, les tueries d’Ozar Hatorah et de l’Hyper Casher, qu’aux propos antijuifs succède souvent la violence physique… « Face à l’antisémitisme, le pire pour les Juifs, c’est de se sentir seuls et par cette mobilisation, c’est ce mur-là qui est tombé aujourd’hui », estimait Yonathan Arfi, président très mobilisé d’un Crif retrouvant des couleurs. Et ce dernier de poursuivre : « Il y a des gens en France qui ont compris ce qui se passait ; qui ont compris que les actes antisémites ne menaçaient pas que les Juifs, mais bien la société française entière. » Selon les données du ministère de l’Intérieur, ils étaient 180 000 à marcher, dans toute la France. Un chiffre probablement largement supérieur à ce qui fut annoncé puisque les estimations sont souvent minimisées. « Je crois surtout que marcher ensemble répondait à ce besoin, des Juifs, de se sentir moins seuls », rapporte l’analyste franco-israélienne Sarah Blum. Depuis le 7 octobre dernier, beaucoup de Juifs de par le monde expriment cette profonde solitude. Peu ont reçu des messages de soutien de la part de leurs amis non Juifs. Ces derniers étaient peut-être tellement sidérés par cette violence qu’ils n’arrivaient plus à s’exprimer. Mais nous avons aussi ressenti de l’indifférence, voire une inversion accusatoire et de la haine. Et si, dans les premiers jours qui ont suivi l’effroyable massacre de masse du Hamas, la presse et les gouvernants du monde occidental ne pouvaient que témoigner de leur soutien envers Israël et les Juifs, nous savions qu’avec la défense légitime de Tsahal, cela ne risquait de ne pas durer. » Passé le choc des premiers jours, l’attention médiatique s’est en effet détournée. Quant à l’opinion, elle s’est, pour partie au moins, retournée. Si Sarah Blum pointe ceux qui n’ont pas été à la hauteur du moment – des ONG à certains grands organes de presse en passant par des organisations féministes qui ont « failli à dénoncer sans ambiguïté et sans concession les crimes barbares commis contre les civils israéliens, et en particulier les viols systématiques de femmes et de fillettes et la destruction totale des corps » –, elle reconnaît néanmoins quelques réussites : « Ce qui n’a pas manqué, et qu’il faut louer, c’est le traitement médiatique plus rigoureux de certains médias. C’est l’honnêteté de certains politiques qui ont condamné sans détour les pogroms, et pour certains, à l’encontre des mots d’ordre de leur parti. C’est le soutien des petits-enfants de Justes parmi les Nations qui ont cosigné une tribune dans L’Express. Et ce sont les 180.000 Français descendus dans la rue, toute conviction politique confondue, et même toute position sur le conflit confondue. Cette mobilisation massive pour dire non à la haine anti-juive, c’était un grand soulagement et cela nous a donné de la force. »

Dépasser les polémiques politiciennes pour créer un momentum

Dans un édito publié dans les colonnes du Monde, la journaliste politique s’interroge : « Que restera-t-il du dimanche 12 novembre 2023 ? » La réponse est loin d’être aisée. Au-delà des belles images et de la communion du moment, il y eut ce que pointe Sarah Blum : un grand soulagement et peut-être même la satisfaction de ne pas se sentir isolé, ne serait-ce que momentanément. « C’est rassurant ! », « Ça nous a fait du bien », entendait-on à l’issue de la manifestation. Demeurent pourtant les habituelles controverses politiques, cette fois peut-être plus virulentes qu’à l’accoutumée. Le premier enseignement est bel et bien le coup de force du Rassemblement National. Une fois encore, la formation de Marine Le Pen a intelligemment manœuvré. « Pour le Rassemblement National (RN), et c’est le principal enseignement de cette journée, il y aura un avant et un après. Venus en nombre, les élus du parti de Marine Le Pen, même isolés et sous tension, ont pu défiler jusqu’ dos à dos au bout », analyse Solenn de Royer, journaliste au quotidien Le Monde. Plus de trente ans après la grande manifestation contre l’antisémitisme, organisée au lendemain de la profanation du cimetière juif de Carpentras (Vaucluse) en mai 1990, imputée à quatre néonazis, il s’agit d’une révolution copernicienne : « Un plafond de verre a explosé », s’alarmait, dimanche matin dans Le Monde, l’historien Grégoire Kauffmann, selon lequel « la manifestation du 12 novembre restera un moment essentiel dans l’histoire du parti d’extrême droite, consacrant une profonde recomposition du jeu politique ». Dangereux allié de circonstance, la présence visible du RN ne bernait personne, mais elle inquiète tout autant que l’absence remarquée des troupes mélenchonistes. Deux périls vertement renvoyés dos à dos par Elisabeth Borne en un tweet lapidaire : « Les postures n’ont pas leur place dans ce moment grave. L’absence de La France Insoumise parle d’elle-même. La présence du Rassemblement National ne trompe personne. »

Dans un contexte de fatigue informationnelle et de défiance vis-à-vis de la chose politique, ces polémiques sont peut-être passées au second plan. C’est du moins l’avis de Christelle Craplet, de l’Institut BVA. « Le nombre de manifestants, dans le calme et sans slogan politique, témoigne chez beaucoup de Français de leur volonté de dépasser les polémiques politiques auxquelles ils accordent peu d’importance et de réaffirmer leur attachement aux valeurs de la République », observe la spécialiste de l’opinion. Sarah Blum, de son côté, finit sur une note optimiste : « Ce travail médiatique déontologique de certains journalistes, le courage politique de certains représentants, les marches pleines de ceux qui n’ont pas la mémoire courte : tout ceci non seulement nous réconforte, mais créerait également un momentum. Et ce momentum semblerait se traduire en nombre de vues et de réactions positives sur les réseaux sociaux, d’après des professionnels et bénévoles. » Après avoir investi la rue avec un certain succès, il se pourrait bien que le combat à mener dans l’opinion se déroule désormais en ligne, d’Instagram à X en passant par TikTok. Une autre paire de manches.

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carine
carine
10 mois il y a

Bonjour,

Pouvez-vous m’expliquer pourquoi le Consistoire était absent lors de la manifestation de ce dimanche 10/12/2023
J’ai essayé de le joindre mais il ne m’a pas été donné de réponse
Dans ces conditions, avec des amis, nous allons lancer une pétition demandant la démission de tous les membres du consistoire car rien ne peut justifier une telle absence
Bonne fête de hanoucca à toutes et à tous

carine
carine
10 mois il y a
Répondre à  carine

Bonjour,
Mon message d’il y a quelques jours reste sans aucune réaction. Cela signifie-t-il que la communauté juive cautionne la lâcheté du Consistoire et de son dirigeant ou a-t-elle peur de représailles de sa part ?
Nous commencerons donc comme annoncé la mise en place d’une pétition dans les différentes synagogues en vue de la démission du président du Consistoire et de son remplacement par quelqu’un digne de représenter les différentes composantes du culte israélite de Belgique.

Isaac
Isaac
10 mois il y a
Répondre à  carine

C’est simple à comprendre : le président du consistoire ne supporte pas Monsieur Rubinfeld qui est à l’origine de ce rassemblement et a donc décidé, par lâcheté et surtout par bêtise, de ne pas y participer. Comme l’avait déjà écrit un autre dirigeant communautaire, vous êtes vraiment un “petit” Monsieur Markiewicz.

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