Poignardé puis décapité. Il est mort, nous dit David di Nota, tout comme Joseph K., le personnage du Procès de Kafka, dont il rappelle l’incipit : « On avait sûrement calomnié Joseph K., car, sans avoir rien fait de mal… ». Sauf qu’avec Samuel Paty, nous ne sommes pas dans la fiction.
Tout est parti d’une rumeur, d’une méprise, d’un mensonge : ce prof, vont alléguer ses collègues mêmes, aurait exclu de son cours sur la laïcité et la liberté d’expression, les élèves musulmans. Emoi de la principale du collège : le prof, zélé, va présenter des excuses. C’est-à-dire s’excuser d’une faute qu’il n’a pas commise, une faute imaginaire ! Kafka, comme on voit, n’est pas loin.
Et puis, mensonge dans le mensonge : une élève, précisément absente ce jour-là, va déclarer que tous les élèves ont été choqués par les images indignes du prophète que le prof a exhibées. C’est alors que le père de cette élève est intervenu, dénonçant le prétendu scandale. Il va faire une vidéo avec sa fille, choquée qu’on lui ait montré la photo d’un homme nu, soi-disant le prophète, et appelant tous les parents à le rejoindre dans sa vindicte.
Les réseaux sociaux dès lors s’enflamment, demandant un châtiment exemplaire du raciste islamophobe. Rien d’étonnant dès lors que le futur assassin ne tombe dessus. Un Tchétchène qui, ironie, avait bénéficié du droit d’asile en France et qui s’en prend jusqu’au président Macron, « le dirigeant des infidèles ». Voilà, rapidement, pour les faits.
Mais l’objet de cet essai est institutionnel. Qu’en est-il de cette machine qu’est l’Education nationale en France, ses palinodies, ses recommandations vertueuses et hypocrites, sa langue de bois, son souci constant de la paix scolaire, son fameux « Pas de vagues » ! Quel fut son discours avant et après l’assassinat ? Paty est-il mort d’avoir été maladroit, d’avoir commis une erreur ? Mais quelle maladresse au juste ? Quelle erreur ? Et puis, plus largement, c’est « la culture du respect » que dénonce ici l’auteur, conduite vertueuse dont se réclament les tenants d’un antiracisme dévoyé, complices d’un islamisme qui va galopant et qu’on ne veut surtout pas voir.
J’ai exécuté un chien de l’enfer. Rapport sur l’assassinat de Samuel Paty, David di Nota, Le Cherche midi, 158 p.