En début de matinée, les différents partenaires étaient fins prêts à accueillir la soixantaine de participants qui se présentaient déjà à l’entrée. Ces jeunes, membres de la JJL, des Scouts musulmans de Belgique et d’autres associations, n’avaient peut-être pas tous conscience du programme détaillé de la journée mais avaient fait le pas de venir, le temps d’une riche journée, mettre leurs différences en commun.
« On vient pour la pièce ! », « C’est ici la maison des Juifs ? », « C’est ici pour la rencontre ? », « On nous a dit pour les Falafels ! », pouvait-on entendre dans le sas d’entrée. Tant de phrases prononcées par des mines tantôt réjouies d’être là, tantôt intimidées ou intriguées par le dispositif d’entrée de notre chère maison. Les portes s’ouvrirent bientôt sur un Mazal Café ravi de les recevoir.
« On vient pour la pièce ! ». Oui, la veille, un décor avait été monté dans l’auditorium afin d’assurer la représentation d’un spectacle du Brocoli Théâtre avec l’aide de la COCOF (Cohésion sociale) :« Cerise sur le ghetto, Le pouvoir de dire non ». Portée et écrite par un Sam Touzani au sommet de sa forme, la pièce invite les spectateurs à repenser le réel à partir de son histoire familiale, voyageant du Rif marocain jusqu’à Molenbeek en traversant trois générations.
Place au débat
Noir dans la salle, plein-feu sur Sam et son histoire. Des sourires se dessinent, des mines se ferment, des mâchoires se serrent, des yeux se remplissent de sentiments contraires ou contrariés, des rires se font entendre. Le récit vient rencontrer les diverses sensibilités au risque de parfois les saisir avec force mais, bien entendu, sans violence. Sam nous conte son histoire qui, confrontant ou non le spectateur, l’interroge par la force et la douceur de son propos. Certes, l’unanimité ne règne pas dans la salle puisque justement, la place est enfin ouverte au débat. A l’issue de la représentation, les jeunes discutent alors avec l’acteur et le questionnent sur ce qu’ils viennent de voir. Qu’importe la nature de la question, la réponse est toujours élaborée avec pédagogie, expérience de l’exercice, le tout dans une attitude bienveillante. Chapeau l’artiste !

Suite de la journée, retour dans le Mazal Café où un dispositif aura permis de répartir les jeunes en les mélangeant. « On nous a dit pour les falafels ! » C’est avec appétit que les participants et organisateurs se ruèrent alors sur un magnifique buffet dressé par Serge, notre responsable de l’intendance. Durant le repas, les groupes font connaissance avec leurs tables en suivant la consigne de prendre une photo de groupe. Ils parlent de la pièce. Des avis divers et/ou plus tranchés que d’autres se font entendre. Certains s’estiment insultés et avouent n’avoir guère envie de s’investir davantage dans la suite de cette journée. Car, oui, si le pavé a été jeté dans la marre, il est désormais l’heure d’en parler, de débattre et de questionner nos représentations.
« C’est ici pour la rencontre ? » Quatre groupes pour quatre ateliers ayant pour thème « L(es) identité(s) ». Quatre ateliers aux processus semblables mais aux déroulés différents, pluriels. Quatre ateliers coanimés par des animateurs de « La haine, je dis NON ! » mais également des membres du Collectif Laïcité Yallah ! Les jeunes s’installent autour de la table pour une discussion à visée philosophique les mettant en mouvement. Un mouvement de l’esprit mais également du corps. On se positionne, questionne, se repositionne, on reformule : « C’est quoi l’identité ? », question débouchant sur quantités d’avis qui, par concomitance, élaborent alors la réflexion du groupe par petites touches. Les esprits se raidissent à certains moments mais pour mieux s’adoucir à d’autres. La question des stéréotypes et préjugés fait surface, on parle de ce qui est inné et de ce qui est acquis, des différents cercles d’appartenances qui nous définissent mais qui ne suffisent pas à nous traduire dans nos nuances, nos contradictions. Tout le monde n’est pas d’accord mais le sujet est sur la table.
« Une identité, ça change »
« Il y a certaines choses sur moi que personne d’autre que moi ne connaît, mais il y a aussi des choses que d’autres connaissent de moi que moi-même je ne sais pas. », dira Simon. « Pas grave si on ne s’entend pas sur tout. Moi, même avec mon frère je me prends la tête et, pourtant, on est de la même famille, même quartier, même religion, même école, et on est jumeaux ! », dira Karim. « Une identité, ça change, ce n’est pas fixe. Par exemple, je n’aime pas les mêmes musiques qu’avant ! », précisera Nora. A la question : « Est-ce que vous êtes ce que vos professeurs pensent que vous êtes ? Khalid répondra : « Mes professeurs pensent que je suis intelligent, mais ce n’est pas vrai… », triste et persuadé de cette courageuse confidence. Une participante arrivera à le faire changer d’avis avec tact et bienveillance.
A l’évidence, quelques heures ne suffisent pas pour changer le monde. Or, certaines rencontres peuvent déboucher sur autre chose, portées par les différences et les ressemblances qu’elles véhiculent. Amener un peu d’air, « Ouvrir la fenêtre ! », comme le proposera un participant en s’approchant d’une fenêtre pour accompagner sa métaphore d’un geste symbolique. Un peu d’air frais en cette fin d’atelier où certains jeunes échangèrent leurs numéros de téléphone, à notre plus grande joie.
Fin d’après-midi, rendez-vous dans la cour intérieure du CCLJ pour une photo de groupe et un dernier moment ensemble. Afin d’accompagner le souvenir de cette journée, des badges « Attention, identitéS en construction ! » furent distribués et, pour poursuivre la réflexion entamée, tous les participants reçurent le livre de Sam : Dis, c’est quoi l’identité ? (éd. Renaissance du livre). Mais oui, c’est quoi l’identité ? Une question sans fin, c’est pourquoi nous n’en resterons pas là ! A la prochaine et merci à tous les participants, organisateurs, accompagnateurs et facilitateurs de cette belle journée !