On ne présente plus cet auteur de célèbres pièces de théâtre, parmi lesquelles Dreyfus, L’Atelier et, plus récemment, du conte La plus précieuse des marchandises, dont le réalisateur Michel Hazanavicius a tiré un film d’animation. Grumberg fait ici un retour sur les lieux de sa prime enfance, à Paris où il est né en 1939, près de la gare de l’Est, avec pour famille son père Zacharie, sa mère Suzanne et son frère aîné Maxime. Il fait un retour, au sens propre, à ce moment si terrible où Maxime et lui, enfants cachés dans le Midi, reviennent dans le logement familial, sous la conduite d’une jeune fille appartenant aux Éclaireurs israélites de France. Il ne reconnaît pas sa mère, qui l’étouffe en l’embrassant. Elle lui fait peur et le fait rire tout à la fois, à cause de sa drôle de tête et de son accent de Parisienne. Ensuite, il y eut l’arrestation, au petit matin, de son père par deux flics, auxquels on avait offert un petit verre de vin rouge, en toute innocente amitié.
Le véritable sujet du livre ne réside pas dans une reprise de la trame dramatique de L’Atelier, mais dans l’histoire de Suzanne. Française, analphabète en raison de la guerre de 14-18, elle est née de parents originaires de Brody, en Ukraine. Après cette guerre, puis la suivante, la famille attendait le retour du père, « apatride d’origine roumaine ». On l’attendait… Il ne revint jamais. Suzanne recevait de faux certificats indiquant : « Mort à Drancy ». « Disparu à Drancy ». Avec un peu de chance, elle pourrait prétendre à une pension de veuve de guerre. Mais les choses ne sont pas aussi simples. « … Tout en griffonnant je pense à toi, Suzanne, maman, à tes faibles forces, à ta détresse, à ta solitude, à tes angoisses… »
Tout cela nous est conté avec la verve et la tendresse propres à Grumberg, comme un véritable conte, empreint de fantaisie et de simplicité. Ce style, selon le cliché bien connu mais véridique, fait naître rires et larmes. Surtout quand l’auteur, au gré de ses digressions, nous emmène à Brody en Ukraine, au cœur de scènes évoquant les photographies du grand Roman Vishniac immortalisant les Juifs du shtetl d’avant la Catastrophe.