03/12/2025
Regards n°1121

Jean Zay, l’Homme complet

Avec Jean Zay, l’Homme complet, Xavier Béja relate dans un seul en scène poignant la vie et l’œuvre de Jean Zay, ministre de l’Éducation nationale et des Beaux-Arts du Front populaire à qui la France doit tant : le sport à l’école, le CNRS, la Cinémathèque, l’ENA le Festival de Cannes… Cette pièce de théâtre sera donnée au CCLJ le 5 février 2026 à 20h30.

Ministre de l’Éducation nationale et des Beaux-Arts sous le gouvernement du Front Populaire entre 1936 et 1939, Jean Zay (1904-1944) est incarcéré à la prison de Riom après un simulacre de procès qu’organise le régime de Vichy. Condamné le 4 octobre 1940 à la déportation à vie, il sera assassiné par la Milice française le 20 juin 1944 rafale de mitraillette dans le dos.

Le spectacle de Xavier Béja s’appuie sur le journal de captivité de Jean Zay, Souvenirs et solitude, pour restituer à la fois la stature politique, humaine et littéraire de cet homme visionnaire : ses réformes éducatives, sa passion pour la culture, son engagement pour la République mais aussi l’enfermement, la perte de liberté, la solitude intérieure.

Non seulement ce seul en scène sobre et au ton juste stimule la réflexion sur les valeurs démocratiques et l’engagement, mais il a aussi le grand mérite de permettre au public de découvrir ou redécouvrir un acteur important de l’histoire de la République française, trop souvent méconnu.

À travers son action ministérielle, Jean Zay fut un homme d’État visionnaire qui a su penser ensemble l’école, la culture et la recherche. En trois années seulement, il a posé les fondements d’une politique éducative et culturelle moderne, démocratique et ouverte à tous.

Sur le plan éducatif, Jean Zay a prolongé la scolarité et en faciliter l’accès. Il a fait voter la loi portant la scolarité obligatoire à 14 ans et a développé les bourses afin d’ouvrir le secondaire aux enfants des milieux modestes. Il a encouragé les cantines, les transports scolaires et la construction de nouveaux établissements. Convaincu que l’école doit former des citoyens complets, il a favorisé le sport, les colonies de vacances, les activités artistiques et l’usage du cinéma et de la radio comme outils pédagogiques.

Défenseur intransigeant de la laïcité, il a fait adopter plusieurs circulaires ministérielles interdisant toute propagande politique ou religieuse à l’école ainsi que le port d’insignes confessionnels ou partisans, rappelant la neutralité absolue du service public et la liberté de conscience des élèves.

Avec sa politique culturelle et artistique, Jean Zay a voulu que l’État garantisse l’accès de tous aux arts et aux savoirs. Il crée en 1939 le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) pour structurer la recherche publique et affirmer son rôle dans le progrès scientifique. Il lance aussi en 1939 le projet du Festival de Cannes, conçu comme une vitrine libre et démocratique face aux régimes totalitaires. Il modernise les musées, les bibliothèques et encourage la diffusion des œuvres sur tout le territoire.

« Le négrite juif Jean Zay »

Mais cet idéal républicain a suscité que la haine de l’extrême droite. D’autant plus qu’il coche toutes les cases pour devenir la cible de campagnes virulemment antisémites et antirépublicaines : Juif par son père, protestant par sa mère, franc-maçon, républicain attaché aux Lumières et radical-socialiste. Il faut se souvenir que pour Charles Maurras, le fondateur de la puissante Action française, « l’anti-France » est le produit de « quatre États confédérés », c’est-à-dire des corps étrangers à la Nation française que sont, selon lui, « les protestants, les Juifs, les francs-maçons et les métèques ». Jean Zay incarne ainsi tout ce que l’extrême droite vomit. Au sommet de l’abjection, on retrouve Céline, qui a écrit en 1938 dans L’Ecole des cadavres : « Vous savez sans doute que sous le haut-patronage du négrite juif Jean Zay, la Sorbonne n’est plus qu’un ghetto. Tout le monde le sait » pour conclure ce passage par cette formule qui claque : « Je vous Zay ».

Évoquer Jean Zay aujourd’hui, c’est rappeler que ce ministre visionnaire a compris avant l’heure que l’éducation, la culture et la recherche forment un tout indissociable. Sa politique visait à démocratiser l’accès au savoir et à la création, tout en affirmant la responsabilité de l’État dans la vie intellectuelle et culturelle du pays. Jean Zay ne fut pas seulement un ministre visionnaire ; il fut un homme juste, un homme complet : il a incarné une République éclairée, soucieuse d’émanciper les esprits et de rapprocher la culture du peuple. Ce que restitue merveilleusement le spectacle de Xavier Béja.

Écrit par : Véronique Lemberg

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