Regards n°1068

Kaddish pour Ruth Bader Ginsburg

Nommée en 1993 juge à la Cour suprême par le président démocrate Bill Clinton, Ruth Bader Ginsburg est la deuxième femme de l’histoire américaine à siéger au sein de la plus haute juridiction des Etats-Unis. Considérée dans un premier temps comme une juge modérée, elle rejoint vite les rangs des progressistes. Respectée pour la qualité de ses avis et ses articles de doctrine, elle a mené une action juridique décisive pour la cause des femmes qu’elle a embrassée tout au long de sa carrière. Rempart progressiste face à l’orientation résolument conservatrice prise par la Cour suprême sous la présidence Trump, Ruth Bader Ginsburg est devenue particulièrement populaire dans les milieux libéraux américains où c’est par ses initiales « RBG » qu’elle est désignée affectueusement.

Née le 15 mars 1933 à Brooklyn dans une famille juive originaire de Russie, Ruth Bader Ginsburg est une élève brillante. En dépit des difficultés pour les filles d’intégrer les universités les plus prestigieuses, elle s’inscrit à l’université Cornell (faisant partie de l’Ivy League) où elle rencontre son futur mari, Martin Ginsburg. Elle poursuivra ensuite son cursus à la très élitiste Harvard Law School.

« Tzedek, tzedek tirdof »

Bien que Ruth Bader Ginsburg n’était pas une Juive pratiquante, elle ne manquait pas une occasion pour rappeler à quel point les valeurs juives ont nourri son action judiciaire. « Je suis une juge née, élevée dans le judaïsme et fière d’être juive », a-t-elle écrit dans un article pour l’American Jewish Committee en 1996. « L’exigence de justice traverse toute la tradition juive. J’espère qu’au cours de mes années passées sur le banc de la Cour suprême des Etats-Unis, j’aurai la force et le courage de rester constamment fidèle à cette exigence ». Comme elle l’a souvent fait remarquer dans ses discours, elle était la seule juge à avoir une mezouzah apposée sur la porte de son bureau. Et si les visiteurs les plus perplexes n’avaient pas saisi le lien entre justice et judaïsme, ils pouvaient lire sur une affiche collée sur un des murs l’injonction biblique « Tzedek, tzedek tirdof » (Justice, justice que tu poursuivras).

Lors de sa comparution devant le Sénat avant d’être nommée à la Cour suprême en 1993, Ruth Bader Ginsburg a évoqué son identité juive lorsqu’elle déclarait que « ses ancêtres avaient eu la prévoyance de quitter le vieux pays lorsque l’ascendance et la foi juives signifiaient l’exposition aux pogroms et au dénigrement de la valeur humaine de chacun ». Et lors de l’interrogatoire qui a suivi, elle n’a pas hésité de rappeler aux sénateurs la façon dont les country clubs américains interdisaient l’entrée aux Juifs. Ce climat antisémite l’a profondément marquée. « On ne pouvait pas s’empêcher d’être sensible à la discrimination, étant Juif en Amérique pendant la Seconde Guerre mondiale ».

Il lui arrivait de se rendre dans des synagogues libérales où les femmes ne sont pas ignorées. Elle était même parfois invitée pour y prononcer des discours durant les offices. Elle en profitait pour insister sur le lien entre le judaïsme et sa quête de justice. « La religion juive est une religion éthique », a déclaré Ruth Bader Ginsburg dans une synagogue de Washington. « C’est-à-dire qu’elle nous enseigne à faire le bien, à aimer la miséricorde, à faire la justice, non pas parce qu’il y aura une récompense au ciel ou un châtiment en enfer. Nous vivons dans la justice parce que c’est ainsi que les gens doivent vivre ».

En anglais, les juges de la Cour suprême sont désignés par le terme « justice ». Quand on dit que Ruth Bader Ginsburg était « justice », cela ne signifie pas seulement qu’elle était juge mais qu’elle incarnait de manière exemplaire l’idéal de justice. 

*Ceux qui souhaitent mieux connaitre Ruth Bader Ginsburg peuvent regarder sur Netflix RBG. Ce documentaire de Betsy West et Julie Cohen retrace la vie de cette grande dame.

 

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Annette Wieviorka
L'itinéraire d'Annette Wieviorka
Historienne spécialiste de la Shoah, directrice de recherche honoraire au CNRS et vice-présidente du Conseil supérieur des archives depuis 2019,
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