Dans La Libre Belgique, j’ai récemment exprimé mon inquiétude face au retour du religieux dans la sphère politique. Le parti communiste belge (PTB/PVDA) s’invite désormais dans les mosquées pour y prêcher la bonne parole. L’heure est au vote communautaire et religieux, comme en témoigne l’incroyable percée de la liste Team Fouad Ahidar, à l’origine un député issu de la Volksunie, récupéré ensuite par le parti socialiste flamand. Du « national-socialisme » à l’« islamo-socialisme », il n’y a, semble-t-il, qu’un pas.
Il ne faudrait surtout pas croire que le monde juif échappe à cette montée d’adrénaline aux accents religieux. Du jamais vu depuis Shabbatai Tsvi, ce faux messie qui embrasa le monde juif au XVIIe siècle. Exemple de message reçu sur X : « J’ai Hashem pour père, Tsahal pour frères, la Thora comme repère, la prière comme force, la religion comme univers, Mashiah comme objectif nécessaire. » Cette ferveur eschatologique rappelle étrangement l’époque troublée (et tragique) des années qui précédèrent la destruction du Temple de Jérusalem. S’y conjuguent la même hubris, les mêmes pulsions et aveuglement millénaristes. C’est sûr, à les croire, le Messie cette fois-ci (pas comme en 1941) sera bien au rendez-vous de l’Histoire. Mes chers coreligionnaires devraient se souvenir que les révoltes dans les ghettos et les guerres défensives d’Israël ont été menées par des Juifs laïques, pour la plupart fortement marqués à gauche ? Oui, la religion est bel et bien redevenue l’opium du peuple, comme l’avait formulé Moses Hess, le penseur pré-sioniste qui inspira Karl Marx.
Ironiquement, la vague opiacée touche aussi les Juifs marxistes qui, désormais, n’hésitent pas à arborer la kippa et invoquer les Neturei Karta (hassidim antisionistes) dès qu’il s’agit de dénoncer la « pieuvre sioniste ». Je pense notamment à Éléonore Merza Bronstein, cette militante qui, lors du lancement de la plateforme European Jews for Palestine (EJP) au Parlement européen, s’accola fièrement une ridicule kippa en forme de pastèque. Imaginerait-on, un seul instant, cet autre Bronstein, plus connu sous son nom d’emprunt (Trotski) arborer une kippa dans un discours adressé aux délégués ouvriers et soldats de son Soviet ?
Hier, bouffeurs de popes, de curés et de rabbins, voilà nos gauchistes défendant aujourd’hui l’abattage rituel, le voile, et, tel ce fier-à-bras Saint-Gillois, spécialiste de tout et de rien, porter ostensiblement la calotte juive (il est vrai, aux couleurs de la Palestine). Bronstein, alias Trotski, c’est sûr, s’est retourné dans sa tombe à Coyoacán, au Mexique.
Heureusement que le ridicule ne tue pas, si l’on songe à cet.te Juif.ve transgenre danois.e qui, lors de la même réunion au Parlement européen, n’a eu de cesse de clamer sa solidarité avec Gaza, donc forcément avec le Hamas. Est-il possible qu’iel ignore que les droits des transgenres sont infiniment mieux protégés à Tel-Aviv qu’à Gaza ? Ce refus du réel est à l’image du discours tenu par la célébrissime Judith Butler à l’ULB. Ses propos n’étaient pas seulement philosophiquement et politiquement superficiels, mais aussi terriblement déconnectés des réalités (et, osons l’écrire, absolument ennuyeux). Enchaînant les lieux communs, l’égérie de la gauche radicale américaine a coché toutes les cases du politically correct, sans offrir la moindre once de pensée critique. Ce qui est encore plus troublant, c’est sa définition des plus simplistes du concept de fascisme illustré presque exclusivement par Israël. À l’évidence, Judith Butler souffre de dissonance cognitive. Une dissonance survient quand une personne est confrontée à une information qui n’est pas cohérente avec ses croyances. La philosophe projette, en effet, sur l’État juif les tares et défauts qui, historiquement et sociologiquement, appartiennent davantage au monde arabo-musulman qu’à Israël. Accuser Israël d’intolérance et de rejet de la diversité, alors que le monde arabo-musulman réprime systématiquement ses minorités, notamment sexuelles, relève de la mauvaise foi, du wishfull thinking absolu.
Sans nier qu’Israël est confronté à une réelle dérive illibérale, il reste infiniment plus sûr, pour l’instant du moins, d’y résider pour quiconque entend défendre sa différence, hors territoires occupés s’entend ! Oui, Tel-Aviv reste l’une des références majeures des LGBTQIA+. Oui, c’est en Israël que la population chrétienne croît, et c’est en Palestine, parée de toutes les vertus progressistes, qu’elle décroît. Comment nier que le monde arabo-musulman est réfractaire à l’Autre, comme en témoigne le départ sans retour des 850.000 Juifs d’Orient. Cet exode sera le thème du prochain colloque de l’Institut Jonathas des 18 et 19 novembre prochains. Comment comprendre la disparition de 99 % des Juifs du monde arabe, sinon par son refus de la diversité ? Le nationalisme arabe et palestinien en l’occurrence est d’essence ethnico-religieuse et ce, au-delà des slogans.
À tort ou à raison, beaucoup de Juifs originaires des pays arabes utilisent le terme palestinien de « Nakba » pour décrire leur exode sans retour. Les 850.000 Juifs ont été, en effet, amenés à quitter des territoires où ils étaient installés bien avant la venue de l’Islam, abandonnant maisons, biens et patrimoine. Dans ce contexte, ce colloque abordera aussi la question des restitutions et des réparations. La spoliation représente une injustice historique qui n’a toujours pas été reconnue par la communauté internationale.
EXCELLENTE ANNALYSE, COMME TOUJOURS. BRAVO !
Merci Joël
Je suis très fier de pouvoir me vanter d’être un de tes amis,
Michel Gottschalk (le PhD sur le terrorisme)