Dans un communiqué publié le 26 février dernier, la Coordination Nationale d’Action pour la Paix et la Démocratie (CNAPD), un collectif belge de mouvements politiques et associatifs militant pour la paix et la démocratie, condamne fermement la décision des autorités russes de recourir à l’emploi de la force dans le conflit qui l’oppose à l’Ukraine et… aux forces de l’OTAN ! Ce communiqué visant initialement à condamner l’intervention militaire russe en Ukraine se transforme très vite en une diatribe contre l’OTAN reprenant les éléments de langage de la propagande russe. La Russie envahit militairement l’Ukraine mais selon la CNAPD, c’est « la politique expansionniste de l’OTAN » qui en serait la cause. « Tout au long de son existence, la CNAPD a perçu l’OTAN comme un facteur de déstabilisation pour la paix et la sécurité internationales. Par conséquent, la CNAPD a sans cesse milité pour sa dissolution et a toujours considéré qu’une paix durable en Europe ne peut être mise en œuvre en faisant fi des préoccupations de sécurité de la Russie ». La CNAPD en profite ensuite pour reformuler comme un perroquet les exigences de Poutine : « L’OTAN doit reconnaître sa part importante de responsabilité dans la crise actuelle. Elle doit désormais faire des concessions et accepter un non élargissement à l’Ukraine, tout en renonçant également à la militarisation de ses Etats membres situés à proximité du territoire russe ».
Comme les tenants du pacifisme intégral face à Hitler dans les années 1930, le dégoût et le rejet de la guerre rend paradoxalement les pacifistes du 21e siècle plus accessibles aux démonstrations de force et à la volonté destructrice dont fait preuve Poutine qu’aux aspirations de démocratie et d’ouverture sur le monde des Ukrainiens. La CNAPD ne voit pas que, contrairement à la Russie, l’Ukraine est une démocratie où son président actuel est arrivé au pouvoir suite à des élections libres et régulières. Elle feint également d’ignorer que l’orientation occidentale pro-OTAN de l’Ukraine est le résultat de la précédente invasion russe de l’Ukraine en 2014 lorsque les mercenaires russes placées sous l’égide d’un ancien officier du renseignement militaire et néo-nazi répondant au nom de guerre « Wagner » (en référence à sa passion pour le 3e Reich) ont fait leurs premières armes avant d’essaimer au Moyen-Orient et Afrique.
Le problème de cette mouvance pacifiste est bien celui de la réflexion sur la nature même d’un régime autoritaire. Son analyse peine à s’émanciper d’un tropisme anti-américain bien insuffisant pour comprendre la Russie actuelle dans toute sa complexité. La force de Poutine réside précisément dans un discours fonctionnant comme une auberge espagnole ouverte à un très large spectre d’extrêmes : aux anti-Américains de la gauche radicale, Poutine promet un rééquilibrage des relations internationales même s’il ne songe qu’à restaurer la grandeur impériale de l’URSS. A l’extrême droite, de défendre les identités nationales et les valeurs traditionnelles de la chrétienté menacée par la décadence occidentale, etc.
Au lieu de crier au complot de l’OTAN, la CNAPD devrait se préoccuper de ce ralliement russe à l’extrême droite contre la démocratie libérale. Ils se renforcent mutuellement et leur coalition vise à déstabiliser l’Europe qui s’est précisément construite sur une logique de paix et dans une dynamique d’ouverture entre les nations. Mais une chose est certaine, en dépit de ses nombreux défauts, le modèle européen de la démocratie libérale fondé sur l’Etat de droit fonctionne bien et sûrement mieux que le régime autoritaire et brutal incarné par la Russie de Poutine.