Le nom d’Itkine vous est-il, sinon familier, du moins vaguement connu ? Pour ma part, je l’ignorais, je l’avoue. Sylvain Itkine était un homme d’art et de spectacle, proche des cercles surréalistes. Il fut « aimé, admiré, oublié », selon son biographe. Lequel entretient avec lui des liens anciens, liés notamment au rôle que ce Lituanien d’origine (comme la famille maternelle de l’auteur), né à Paris en 1908, tint dans La Grande Illusion de Renoir. Comédien, metteur en scène renommé et recherché, dramaturge, théoricien du théâtre, à l’instar de Jouvet, Dullin ou Jean Villar, engagé à l’extrême gauche au temps du Front populaire, Itkine incarne aujourd’hui ce qu’il convient de qualifier de profil perdu, un personnage digne de Patrick Modiano, égaré dans les brumes insaisissables d’une mémoire engloutie. Sa carrière cinématographique, marquée par des dizaines de films dans les années trente, se borne à de brèves apparitions, des silhouettes passées inaperçues.
Et c’est, paradoxalement, la raison même qui pousse ici Olivier Barrot à partir à sa recherche. Fruit d’une enquête exhaustive, ou presque, l’auteur rapporte une moisson exemplaire d’informations sur les milieux du théâtre et du cinéma dans la France d’avant-guerre, ressuscitant cette figure attachante et aux talents multiples. Par ailleurs, durant l’Occupation, Sylvain Itkine eut une conduite exemplaire. Responsable d’un service de renseignements de la Résistance, il fut dénoncé, arrêté par la Gestapo à Lyon, et mourut sous la torture.
