Portugal et Luxembourg – pays d’espoir en temps de détresse : initiatrice de cette exposition, l’association MemoShoah Luxembourg, fondée en 2013, veut mettre en lumière le Portugal et le Luxembourg, comme pays d’accueil de réfugiés en détresse, fuyant la guerre ou la misère. Comme le souligne Claude Marx, ancien enfant caché et co-président de MemoShoah, des situations dramatiques peuvent générer des sentiments de solidarité, de fraternité et d’héroïsme, mis en œuvre dans l’aide aux exilés. « A la banalité du mal chère à Hanna Arendt, il est possible d’opposer la noble banalité du bien », ajoute-il.
Ainsi, en 1940, la population de Vilar Formoso accueille avec compassion des milliers de réfugiés fuyant l’invasion allemande. Cette petite ville frontière portugaise entre l’Espagne et le Portugal, abrite aujourd’hui le musée Vilar Formoso Fronteira da Paz, Memorial aos Refugiados e ao Cônsul Aristides Sousa Mendes, haut-lieu de la mémoire des réfugiés au Portugal pendant la Seconde Guerre mondiale et mémorial à Aristides de Sousa Mendes, le consul portugais à Bordeaux, Juste parmi les Nations. Fruit de la collaboration entre les experts du musée de Vilar Formoso et MemoShoah, réalisée lors de la présidence luxembourgeoise de l’IHRA (International Holocaust Remembrance Alliance), l’exposition Portugal et Luxembourg – pays d’espoir en temps de détresse, était en 2020 au Centre culturel et de Rencontre de Neimënster à Luxembourg-Ville. Le 12 mai 2022, le grand-duc Henri et la grande-duchesse Maria Teresa de Luxembourg, en visite d’État au Portugal et accompagnés par le président portugais, ont inauguré cette exposition au palais de la Citadelle de Cascais, ville balnéaire proche de Lisbonne où séjourna en 1940 la famille grand-ducale exilée.
Rôle décisif du consul de Bordeaux
L’exposition retrace l’avènement du nazisme en Allemagne et l’afflux des réfugiés juifs au Luxembourg. Le grand-duché compte 1171 Juifs en 1917. Dans les années 1920, l’arrivée de nombreux ouvriers juifs grossit cette population qui explose après 1933. En 1940, 3.100 Juifs étrangers ou apatrides vivent au Luxembourg. Le 10 mai 1940, l’invasion allemande cause la fuite de 45.000 civils, dont Charlotte de Luxembourg et sa famille, le gouvernement luxembourgeois et de nombreux Juifs. Ils trouvent asile au Portugal, pays neutre. L’exposition relate aussi les obstacles qu’affrontent les fugitifs dans l’exode et le rôle décisif d’Aristides de Sousa Mendes dans le sauvetage de milliers de Juifs fin juin 1940. Lorsque le 12 septembre 1940, le Gauleiter Simon décrète l’expulsion des Juifs restés au Luxembourg, le consistoire israélite organise des convois de réfugiés vers le Portugal en août et octobre 1940. Le dictateur Salazar impose des conditions d’accueil restrictives aux réfugiés juifs, obligatoirement en transit, dans l’attente de visas pour les Etats-Unis, l’Amérique latine ou les colonies portugaises. Montrée sur caisson lumineux, une série de portraits photographiques de passagers d’un train de 300 Juifs du Luxembourg – arrêté par les autorités portugaises à Vilar Formoso début novembre 1940 et renvoyé en France – évoque le sort tragique d’une partie de ces fugitifs, plus tard arrêtés, déportés et assassinés.
L’exposition présente également le Luxembourg de l’après-guerre, protagoniste de la construction européenne. À partir des années 1960, le Grand-duché accueille des réfugiés portugais, fuyant les guerres coloniales, la répression politique et le retard économique de leur pays. L’immigration portugaise contribuera massivement au développement économique, social et culturel du Luxembourg. La dernière salle présente une partie de l’installation Memória Episodika d’Edmond Oliveira, inspirée par l’expérience de son père, un des premiers immigrants portugais au grand-duché. Les portraits photo de personnalités luso-luxembourgeoises par Paulo Lobo, évoquent l’impact de la communauté portugaise dans le paysage sociétal luxembourgeois. Bref, une exposition que ses thématiques et son approche comparative rendent très actuelles alors que la tyrannie russe s’acharne contre l’Ukraine. Notons que tous les textes sont bilingues, portugais et français.