Les révélations glaçantes sur l’épouse du Premier ministre Benjamin Netanyahou se succèdent : personnalité instable, narcissique et autoritaire, déjà condamnée pour harcèlement.
Peu de personnalités en Israël cristallisent autant les antagonismes que Sara Netanyahou. Hormis peut-être son mari, auquel elle sert d’ailleurs souvent de paratonnerre. Pendant longtemps la Première dame a été gentiment moquée dans l’opinion, dépeinte en Marie-Antoinette de Césarée, où elle et son époux possèdent une luxueuse villa. « S’ils n’ont pas de pain, qu’on leur donne du Champagne rosé ! », scandaient des manifestants opposés à la réforme judiciaire, en référence aux bouteilles qu’elle se fait offrir par les riches amis de son époux. Le producteur de Hollywood, Arnon Milchan, dit avoir envoyé jusqu’à vingt bouteilles en une semaine pour la « consoler », en plus de vêtements, sacs et autres bijoux. Entendue dans le procès pour corruption contre le Premier ministre, l’assistante de Milchan, également au service du milliardaire australien James Packer, raconte comment Sara Netanyahou dessinait elle-même les bijoux qu’elle demandait en cadeau. Comme ce bracelet en diamants d’une valeur de 46.000 euros offert pour son anniversaire de mariage. Régulièrement, le couple recevait d’onéreux présents – boîtes de cigares pour lui, objets de luxe et les fameuses caisses de Champagne rosé pour elle. Selon l’ancien intendant de la résidence du Premier ministre, Menny Naftali, Madame Netanyahou peut boire des « quantités folles » d’alcool, jusqu’à trois bouteilles par jour. Elle a aussi fait acheter quantité de bouteilles d’alcool sur le compte du bureau du Premier ministre puis encaissé personnellement l’argent de la consigne. Révélée avant les élections de 2015, l’affaire avait éclaboussé la campagne de Netanyahou, sans le faire tomber.
Cible facile tant elle paraît frivole, totalement déconnectée de la réalité, jouissant des privilèges attachés à sa fonction jusqu’à la corruption, Sara Netanyahou peut émouvoir en femme fragile, névrosée et dépendante, souffre-douleur des opposants de son mari. Elle-même se dit persécutée quand elle fait appel à la police anti-émeutes en 2023 pour l’exfiltrer d’un salon de coiffure de Tel-Aviv, où des « anarchistes » l’auraient repérée. Le statut de victime vient de lui être accordé dans l’affaire des trois fusées éclairantes tirées en novembre par des manifestants sur la villa de Césarée, même si le couple Netanyahou était absent au moment des faits. Elle réclame désormais l’indemnité mensuelle réservée aux victimes de terrorisme.
Une psychologue sans empathie
En Israël, comme partout ailleurs, les électeurs préfèrent des « First Lady » discrètes. On les aime élégantes et modestes, tout entières dévouées à leur famille, même si chacun présume combien elles ont pu se démener bec et ongles en coulisses pour porter au pouvoir leur champion de mari. Paula Ben Gourion et Sonya Peres sont des modèles. La preuve : on les connaît à peine. Sara Netanyahou est aux antipodes. À 66 ans, l’épouse du Premier ministre n’a pas la modestie d’antan. Petite, plutôt ronde, les cheveux blonds décolorés, elle n’a pas non plus le luxe ostentatoire ni la sophistication glacée d’une Melania Trump, mais pourrait aisément sortir d’une télénovela turque avec son brushing impeccable et le visage toujours un peu trop poudré.
Alors que le public réclame de la discrétion venant d’une personnalité non élue, Sara exige d’apparaître partout où est son mari. Elle assiste à des réunions publiques, ne rate aucun meeting de campagne et le suit dans tous ses déplacements à l’étranger ; une règle qu’elle lui a imposée dans les années 1990, suite à une infidélité. Sara doit être sur la photo. Et elle veille à bien être la seule. Elle a rencontré Netanyahou après un premier mariage pour elle, deux pour lui. Mais interdiction d’évoquer leur vie passée. « Quand Bibi est entré au bureau du Premier ministre, il a placé une photo de sa fille Noa sur l’étagère, à côté de celle de Sara et de leurs deux fils. Quelques semaines plus tard, elle avait disparu », écrit son biographe Anshel Pfeiffer. « Vingt ans plus tard, Bibi a des petits-enfants de Noa, mais le décor de son bureau n’a jamais inclus leurs photos. Et celle de Noa n’a jamais reparu. »
Quand d’autres Premières dames s’engagent dans de nobles causes, Sara Netanyahou, pourtant psychologue pour enfants, n’a lancé aucun programme pour l’enfance, ne parraine aucune maison de jeunes. Depuis le 7 octobre, elle n’a pas eu l’idée de sensibiliser le public à la souffrance mentale. On l’a rarement vue au chevet des victimes, évitant les familles d’otages, sauf celles du Likoud, et encore en cas de bonne nouvelle. Vu sa profession « je me serais attendue à ce qu’elle donne de la voix avec force et émotion au sujet d’Ariel et Kfir », a déclaré Ofri Bibas-Levy, sœur de Yarden Bibas, kidnappé le 7 octobre à Gaza avec sa femme et ses deux bambins. Sara Netanyahou ne rate pourtant jamais une occasion de dire qu’elle est « psychologue pour enfants ». Psychologue scolaire de la municipalité spécialiste des surdoués, rectifie Haaretz, qui vient de révéler que l’Université hébraïque avait payé un auteur pour l’aider dans son Master, reçu en 1996 des mains du président de l’Université aux côtés de son mari Premier ministre. Mais gare à celui qui douterait de ses compétences. « Je suis une professionnelle, une femme é-du-quée ! Une psy-cho-logue ! B.A. M.A. !!! », hurle-t-elle à une assistante dans un enregistrement de 2018 qui a choqué l’opinion.
De Marie-Antoinette à Lady Macbeth
On ne compte plus le nombre d’employés, secrétaires, gardes du corps et autres nounous ayant quitté ses services terrorisés, puis l’ont poursuivie pour mauvais traitement et harcèlement. Meny Naftali et d’autres ont gagné leur procès. À cette réputation de violence s’ajoute celle d’avarice, d’autant plus mesquine que les Netanyahou sont millionnaires et mènent un grand train de vie. À ceci près que rien ne sort de leur poche. Toutes les dépenses de la famille sont payées soit par leurs amis fortunés, soit par le contribuable israélien. Les premiers payent les cadeaux et dépenses exceptionnelles, y compris leurs frais d’avocat. À charge pour les seconds de régler le quotidien : des livraisons de grands restaurants au vétérinaire de leur chien, en passant par la rénovation de leur piscine de Césarée. Anecdote révélatrice, lors de ses voyages à Washington, le couple a pour habitude de transporter des valises de linge sale afin de profiter gratuitement de la blanchisserie de la Maison blanche !
Les témoignages se multiplient, tous plus accablants les uns que les autres. En septembre, le grand public a découvert, effaré, The Bibi Files, un documentaire explosif d’Alex Gibney regroupant les interrogatoires de police du procès de Benjamin Netanyahou pour corruption, fraude et abus de confiance. Sur ces images interdites en Israël, mais qui circulent sur Internet, Sara apparaît vulgaire et agressive, hurlant contre les enquêteurs : « Vos preuves sont des conneries totales. Au revoir ! » Quand son mari feint l’amnésie, leur fils aîné Yaïr, trentenaire tire-au-flanc, choisit l’attaque : affalé sur sa chaise, il agonit d’injures les deux policiers qui l’interrogent.
Mais il y a pire. Fin décembre, Ouvda, l’émission d’investigation de la chaîne N12, a révélé les échanges téléphoniques de la Première dame avec son assistante, Hanni Bleiweiss, décédée depuis d’un cancer. Outre le mépris avec lequel elle la traite, l’obligeant à jouer les chauffeurs en pleine chimiothérapie pour éviter de payer un taxi, Sara Netanyahou se dévoile à la tête d’un réseau d’activistes chargés de harceler ses adversaires. « Le diable Mandelblit [ex-procureur général de l’État], poursuivez ce bâtard », écrit-elle à Bleiwass dans un texto suivi de 47 points d’exclamation. Elle fait aussi envoyer des manifestants aux domiciles d’un témoin et de la procureure principale du procès de son mari. Depuis la diffusion du reportage, véritable électrochoc qui a dessillé les yeux de ses derniers soutiens à droite, une enquête a été lancée contre elle pour harcèlement de fonctionnaire et intimidation de témoins.
Le malaise grandit à mesure qu’éclatent les scandales sur une Première dame omnipotente et tyrannique, dont l’influence sur le Premier ministre déborde largement la sphère domestique. Sara Netanyahou choisit les collaborateurs de son mari et jusqu’à la composition du gouvernement, jugeant sur deux critères : le conservatisme (on l’a dit plus à droite encore que Bibi) et la loyauté à son clan. Un haut gradé de Tsahal affirme que c’est elle, et non son mari, qui a mené son entretien pour devenir secrétaire militaire. « Son mari ne l’écoute pas, il lui obéit », ironise le journaliste Yossi Klein.
À son procès, Bibi a choisi de se décharger sur son épouse, lui imputant le choix des cadeaux ou les demandes pressantes de couverture dans les médias. Une stratégie de défense habile, quoiqu’insupportable à une personnalité aussi narcissique et paranoïaque que Sara Netanyahou. Ce n’est pas une coïncidence si elle a choisi de quitter Israël au moment où son mari entamait ses auditions devant les juges. Elle s’est installée à Miami, non loin de la résidence de Trump, où son fils Yaïr est exilé depuis le début de la guerre. Le séjour s’est prolongé, la Première dame ne daignant même pas venir au chevet de son mari hospitalisé fin décembre pour une lourde opération de la prostate. On dit le couple en froid. Calomnie, pestent ses derniers fidèles. Et si la reine Sara Netanyahou avait enfin trouvé la paix loin d’Israël au royaume du bling-bling, de la corruption et de la vérité alternative ?