Un colloque sur l’antisémitisme en guise de thérapie de groupe

L’Humeur de Joël Kotek
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Depuis le 7 octobre, après l’horreur et la sidération, les Juifs de Belgique ont un grand sentiment de solitude et sont inquiets pour leur avenir dans leur pays. Non sans raison. L’hystérie anti-israélienne est à son comble. La question n’est pas que l’État d’Israël soit critiqué (en soi la critique du gouvernement israélien est totalement légitime), mais qu’il le soit de manière aussi univoque, passionnée comme en témoigne non seulement la rue islamo-gauchiste, mais aussi nos médias qui font preuve d’un parti pris proprement hallucinant.

Deux exemples. D’abord, cet article du Soir. du 4 mars 2024 qui travestit l’arrêt de la Cour internationale de Justice (CIJ). Contrairement, en effet, à ce qu’avance la cheffe du pôle international, Pauline Hofmann, la CIJ n’a pas « estimé fin janvier qu’un génocide était probable » à Gaza. Elle aurait sinon exigé à juste titre un cessez-le-feu immédiat.

Je songe, ensuite, à l’article que la RTBF a consacré, sous la plume d’Anne-Sophie Depauw, au témoignage de l’otage israélienne Mia Schem (23 décembre 2023). Cet article proprement hallucinant, pour ne pas dire plus, tant il est à charge de la victime. Pas moins de cinq « spécialistes » (trois professeurs d’universités et deux psychologues spécialistes des traumas), sont mobilisés pour discréditer, ou plutôt démolir le témoignage de l’ex-otage. Intitulé de l’article : « Que nous disent les témoignages des ex-otages du Hamas ? » Sous-titre : « La propagande comme arme de guerre ». Chapeau de l’auteur de l’article, Anne-Sophie Depauw : « L’interview en question est diffusée par une chaîne israélienne, laissant place au doute quant à son objectivité et sa neutralité » (souligné par la journaliste) et de préciser que « face à la communication très maîtrisée d’Israël, il y a aussi celle du Hamas. Le 30 novembre, le mouvement islamiste a diffusé une vidéo de propagande de la libération de la jeune femme. Souriante (où)… elle affirme que “tous ont été très gentils avec elle” (…). Des propos qui vont à l’encontre de ce qu’elle affirme aujourd’hui dans son interview. ». Notre journaliste feint d’ignorer que les médias israéliens sont libres, y compris de critiquer leur gouvernement. Mia Schem mentirait-elle sur ordre comme le laisse accroire notre journaliste ? À n’en pas douter, si l’on suit les commentaires des cinq « experts » consultés. Citons. Elena Aoun (UCL) : « En ne minimisant pas son témoignage et ce qu’elle a vécu, cette jeune femme est peut-être devenue une arme de propagande de la part d’Israël (…) L’efficacité d’Israël à communiquer est inégalable. ». Michel Liégeois (UCL) : « Certains mots (Holocauste et terroriste) employés par Mia Schem sont inappropriés (…) Et ce qui est excessif est insignifiant. » (Sic). Anne Morelli (ULB) : « Il y a un solide socle de propagande. Tous les témoignages doivent être pris avec des pincettes (…). Un témoignage fiable est un témoignage immédiat, qui aurait en l’occurrence été donné directement après la libération. » Comprenne qui pourra ! Mme Evelyne Josse, psychotraumatologue : « Quand on sort d’une situation comme une prise d’otage, la capacité de réflexion est brouillée par les émotions fortes », et de préciser qu’« avant même l’agression, à savoir sa prise d’otage, cette personne a été soumise à une propagande qui déshumanise l’autre partie… nous sommes ici dans un contexte qui entraîne des concepts stéréotypés qui deviennent parfois radicaux. »

Si l’on a bien compris, la franco-israélienne serait victime non du Hamas mais du système d’éducation (raciste) israélien, ce que tente tout de même de tempérer la cinquième « experte », la psychologue Anne Delorme, qui, en bonne humaniste, accorde à l’otage israélienne des circonstances atténuantes à ses exagérations, soulignant qu’« il faut garder à l’esprit que Mia Schem a été séquestrée dans une pièce sombre pendant 54 jours. » Bref, toutes les paroles de femmes violentées sont à privilégier, sauf lorsqu’elles émanent d’Israéliennes. Le plus étonnant est que le témoignage de Mia Schem ne s’apparente en rien à de « la propagande de guerre ». Elle n’affirme à aucun moment avoir été battue ou violée. Elle ne fait qu’évoquer les mauvais traitements dont elle fut l’objet, les humiliations, sa faim et sa peur constante d’être violée. On est loin d’une partition dictée par le Mossad. Ce témoignage n’en est pas moins inaudible : c’est bien connu, un « racisé », qui plus est palestinien, ne saurait être suspecté de racisme ou de violences sexuelles !

Ne plus se laisser faire

Ce sont ces analyses totalement baroques de nos médias qui m’ont poussé à créer avec un groupe d’amis, dont la députée Viviane Teitelbaum, un centre d’études dédié à l’analyse du discours antisémite que nous avons nommé l’Institut Jonathas, du nom de ce Juif brabançon accusé puis assassiné, en 1370, pour avoir profané des « saintes hosties ». À tort, quoiqu’en attestent les vitraux de la Cathédrale des Saints Michel et Gudule où sont couronnés nos rois. Comme le rappelle l’affaire Jonathas, la passion anti-israélienne (il n’y a pas d’autre mot pour désigner l’actuelle hostilité à l’État juif) tient aussi aux vieux penchants judéophobes inhérents à la Cité chrétienne et à la Cité musulmane. L’objectif de l’Institut Jonathas sera précisément de travailler et, si possible, de contrer le discours antisémite. De manière privilégiée par des travaux, des journées d’études, voire des procès. C’est dans cette optique que l’Institut Jonathas, qui s’entend comme une boîte à outils, organise le 20 avril prochain de 9h00 à 16h30, à l’ULB, un colloque sur le déni de l’antisémitisme en Belgique.

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