Ce rapport sur l’antisémitisme a d’emblée le mérite d’exister, car cela fait plus de vingt ans que l’antisémitisme est en hausse en Belgique. Les incidents antisémites proviennent de milieux différents, même si la rhétorique utilisée est souvent la même. Ces incidents ressurgissent aussi à intervalles réguliers, en parallèle des épisodes du conflit israélo-palestinien. Malheureusement, les Juifs de Belgique constatent régulièrement que Unia, le service public fédéral indépendant de lutte contre le racisme et les discriminations, ne répond pas de manière adéquate à cette problématique. Les institutions juives lui reprochent non seulement de ne pas répertorier correctement les incidents antisémites, mais aussi de ne pas agir suffisamment pour condamner moralement ou poursuivre en justice les auteurs de ces actes.
Ce rapport de 2024, couvrant les incidents antisémites survenus entre 2018 et 2022, contient toute une série d’informations déjà bien connues des institutions juives et des spécialistes de l’antisémitisme. Parmi les quelque 291 dossiers d’antisémitisme traités au cours de ces cinq années, Unia dénombre essentiellement des messages de haine (85 %), incluant le négationnisme (20 %) et des délits de haine (10 %). Les cas de discrimination ne représentent que 5 % des dossiers. « Il s’agit d’une particularité par rapport à l’ensemble des dossiers traités par Unia et pour lesquels, d’année en année, entre 65 et 70 % portent sur des cas de discrimination », précisent les auteurs du rapport de 2024 sur l’antisémitisme. Conscients de cette réalité, ils ajoutent que : « Ce phénomène mérite une attention particulière, car les discours haineux peuvent dégénérer et entraîner un passage à l’acte, comme les événements récents l’ont malheureusement démontré : plusieurs dégradations à caractère haineux ont été perpétrées (croix gammées sur des bâtiments, profanation de tombes juives, etc.), et certaines personnes ont même été agressées physiquement. »
Nette augmentation des signalements de faits antisémites depuis le 7 octobre 2023
Face à la hausse des signalements depuis le déclenchement de la guerre entre Israël et le Hamas en octobre 2023, Unia a pris la judicieuse décision de rédiger un document annexe au rapport, destiné à examiner l’impact du conflit sur les signalements reçus. « Il nous semblait absurde et impossible de ne pas tenir compte de l’actualité récente dans la publication d’un rapport sur l’antisémitisme », souligne Patrick Charlier, directeur de Unia, dans un entretien qu’il nous a accordé. « C’est pourquoi nous avons décidé de ne pas modifier le rapport initial couvrant la période 2018-2022, mais d’y ajouter une annexe portant sur la période allant du 7 octobre au 7 décembre 2023. » Cette annexe était nécessaire, car Unia a enregistré 91 signalements liés au conflit Israël-Hamas pendant ces deux mois (37 du côté francophone et 54 du côté flamand), dont 66 faisaient clairement référence à l’origine juive. À titre de comparaison, Unia a reçu en moyenne 4 à 5 signalements par mois relatifs à l’antisémitisme en 2022, pour un total de 57 signalements. « Cette nette augmentation des signalements de faits antisémites depuis le 7 octobre 2023 concerne en majorité des messages de haine. Une analyse plus approfondie révèle qu’un peu plus de la moitié des signalements porte sur des messages en ligne, tandis qu’une proportion significative d’entre eux concerne des propos haineux dans le monde réel. La très grande majorité des messages en ligne ne vise pas des individus spécifiques, mais plutôt des groupes ou des communautés », estiment les auteurs de cette annexe. « Neuf signalements concernent un délit de haine (tels que des coups, des graffitis ou des dommages commis avec un motif haineux), qui semblent être de nature antisémite. Pour plusieurs de ces signalements, Unia est en contact étroit avec les services de la police et du parquet, et dans quelques cas, Unia a explicitement demandé à ces services d’enquêter sur certains faits. Les enquêtes pénales sont toujours en cours. »
91 signalements liés au conflit Israël-Hamas pendant ces deux mois enregistré par Unia
Puisque l’immense majorité des incidents antisémites relève de la catégorie des discours de haine, de nombreux observateurs font remarquer depuis des années que la législation pénalisant le racisme et l’antisémitisme (la loi Moureaux de 1981) est difficilement applicable. Cette loi exige de prouver l’intention particulière sous-jacente de l’auteur des propos antisémites visant à inciter d’autres personnes à la haine, à la violence ou à la discrimination. L’expérience montre bien que cet élément intentionnel que les juristes qualifient de « dol spécial » est particulièrement difficile, voire impossible, à établir dans la plupart des cas. Par conséquent,
la loi sur laquelle Unia s’appuie pour lutter contre l’antisémitisme ne couvre pas tous les phénomènes liés à ce fléau. Étant donné que Unia a toujours tendance à privilégier une approche très juridique en matière d’antisémitisme, il n’est pas étonnant que de nombreux comportements ou propos considérés comme antisémites ne tombent pas nécessairement sous le coup de la loi. Cette situation insupportable est dénoncée par les représentants des institutions juives depuis longtemps. L’exemple le plus flagrant et le plus révoltant fut celui du carnaval d’Alost en 2019 lorsque Unia a conclu que la loi contre le racisme ne semblait pas devoir s’appliquer, alors même qu’il avait souligné « le caractère clairement antisémite » des stéréotypes utilisés par la société carnavalesque !
Il semble toutefois que Unia a bien conscience de ce problème, lorsque les auteurs du rapport sur l’antisémitisme notent que : « Par-delà le contexte juridique, il peut s’avérer nécessaire de situer l’antisémitisme dans un contexte sociologique, psychologique, anthropologique, économique ou socio-historique plus large pour mieux le comprendre, le prévenir et le dénoncer. » Patrick Charlier reconnaît lui-même que Unia avait tendance à privilégier une approche très juridique en matière d’antisémitisme : « Nous avions effectivement baigné dans une culture très juridique depuis notre création en 1993. Il s’agissait d’appliquer strictement la loi de 1981. Cela a suscité évidemment des tensions avec les institutions juives, et la confiance qu’elles nous témoignaient a été entamée. Nous avons donc progressivement intégré l’idée que Unia avait aussi des choses à dire sur des phénomènes et des tendances générales en matière d’antisémitisme et de racisme, au-delà des cas individuels qui nous étaient soumis. Nous devons donc aussi prendre en considération des facteurs et des éléments historiques, sociologiques et culturels qui ne relèvent pas nécessairement des catégories juridiques et légales à notre disposition. Et cette prise de conscience est évidemment le fruit d’un dialogue, parfois tendu, avec les institutions juives. En clair, nous devions malgré tout savoir ce qu’elles attendent d’une institution comme Unia. » Toutefois, cet aveu ne l’empêche pas de toujours considérer que la loi sur le racisme et l’antisémitisme, telle qu’elle existe, reste pertinente et que les définitions juridiques ont la priorité parce que, comme l’indique le rapport de 2024 : « Ces définitions légales font l’objet d’une procédure législative, bénéficient de la légitimité démocratique qui y est associée, ainsi que d’une possible évaluation par la Cour constitutionnelle à l’aune de la Constitution et des conventions internationales. »
Lecture strictement juridique
Puisque certains comportements et propos résolument antisémites ne constituent pas nécessairement des infractions à la loi sur le racisme, et que les responsables de Unia admettent explicitement que la plupart des incidents créent de facto une atmosphère hostile à l’égard des Juifs, générant de la tristesse, de la colère, des sentiments d’insécurité et de peur auprès de la communauté juive, pourquoi Unia ne cherche-t-il pas à se prévaloir de son autorité morale pour sensibiliser l’opinion à la lutte contre l’antisémitisme ? Patrick Charlier réagit en soulignant que : « En raison du souci d’aller au-delà de notre lecture initiale strictement juridique, nous plaidons l’utilisation d’un éventail de réactions possibles, ne se limitant pas à des actions en justice. Cela peut inclure des sanctions disciplinaires, des interventions de régulateurs des médias à l’égard des journalistes, etc. Il peut aussi y avoir des condamnations morales. » Mais il tempère cette détermination proactive en rappelant qu’en ce qui concerne les condamnations morales que pourrait émettre Unia : « Il faut toutefois faire preuve de prudence », même s’il reconnaît que la communauté juive attendait de la part de Unia une condamnation plus claire et plus ferme, notamment à travers une action en justice contre les organisateurs du carnaval. « Je crains que cela demeure un sujet de crispation entre Unia et les institutions juives. »
Les tensions entre Unia et les institutions juives sont palpables en ce qui concerne l’enregistrement et le signalement des cas d’antisémitisme. Dans son rapport sur l’antisémitisme, Unia reconnaît clairement que l’enregistrement officiel et le signalement de l’antisémitisme, entre autres, sont actuellement très médiocres en Belgique : « Tant au niveau de la police qu’à celui du ministère public, il est actuellement quasi impossible de rapporter l’antisémitisme de manière adéquate. Ceci est lié à la faiblesse du système d’enregistrement des discriminations et des délits de haine en général, ainsi qu’à l’absence de désignation du groupe ciblé dans la catégorie “racisme”. De plus, en raison d’un système d’enregistrement compliqué, de nombreux cas de délits de haine ne sont vraisemblablement pas relevés ou enregistrés, et le critère de l’ascendance (juive) n’est lui non plus pas spécifiquement enregistré en tant que tel. »
« À part antisémtisme.be, qui est une initiative communautaire juive, il n’existe pas aujourd’hui d’observatoire officiel qui répertorie les actes antisémites »
Viviane Teitelbaum, députée bruxelloise
Et de conclure : « Il est donc impossible d’identifier et de surveiller les actes antisémites parmi les dossiers relevant de la loi antiracisme. » Mais à nouveau, Unia ne parvient pas à compenser cette lacune en répertoriant convenablement les cas d’antisémitisme. « À part antisémtisme.be, qui est une initiative communautaire juive, il n’existe pas aujourd’hui d’observatoire officiel qui répertorie les actes antisémites », déplore Viviane Teitelbaum, députée bruxelloise, auteure d’une proposition de résolution marquant l’adhésion de la Région bruxelloise à la stratégie européenne de lutte contre l’antisémitisme et de soutien à la vie juive. « Unia répertorie les signalements qui lui sont adressés soit par les victimes soit par des tiers qui lui rapportent l’information. Bien que Unia soit effectivement en contact avec antisémitisme.be, il n’incorpore pas nécessairement tous les actes recensés par cette inititative, ce qui crée un décalage entre les chiffres rapportés par Unia et ceux d’antisémitisme.be. »
En effet, dans un rapport récent, Unia explique ce décalage en soulignant que depuis 2021, il a été décidé de ne plus tenir un compte spécifique des incidents, distinct des signalements (plus nombreux) et des dossiers traités (moins nombreux). Cette décision se traduit par une baisse importante du nombre d’incidents antisémites rapportés pour l’année 2022, alors que dans le recensement d’antisémitisme.be, les chiffres ne baissent pas.
Prise en compte de l’importation du conflit israélo-palestinien
Bien qu’Unia ait pris soin d’ajouter une annexe en raison de l’augmentation des incidents antisémites liés au conflit israélo-palestinien, il semble éviter le problème en soulignant « qu’en sa qualité d’organisme public belge indépendant, il n’a ni le mandat (ni l’expertise) pour prendre position sur le conflit israélo-palestinien lui-même, ni de se positionner en faveur ou contre les protagonistes d’un côté ou de l’autre. C’est dans cet esprit que Unia fait le choix d’une approche principalement légaliste dans le traitement concret de ce type de dossiers. »
Cette affirmation suscite la perplexité des spécialistes engagés dans la lutte contre l’antisémitisme, qui n’ont jamais demandé à l’organisme de prendre parti dans ce conflit, mais plutôt de prendre en considération l’antisionisme radical faisant d’Israël, des Juifs, des sionistes, les responsables de tous les maux de l’Humanité, la quintessence du mal, d’un mal absolu. « L’importation de ce conflit en Belgique est bel et bien une des sources principales de l’antisémitisme en Belgique depuis plus de vingt ans », s’exclame Viviane Teitelbaum. « Si Unia écarte d’office tout ce qui se rapporte à ce conflit, il passe non seulement à côté de nombreux incidents antisémites, mais surtout à côté de ce qui provoque aujourd’hui le mal-être au sein de la communauté juive. »
Enfin, il est regrettable que le rapport d’Unia sur l’antisémitisme consacre autant de pages à discuter les différentes définitions de l’antisémitisme, surtout quand on sait qu’une de ces définitions, celle de l’IHRA, est soutenue et validée par une alliance intergouvernementale de 35 États, dont les 27 États membres de l’Union européenne. On peut légitimement attendre d’un rapport d’un service public de lutte contre racisme qu’il identifie les différentes formes d’antisémitisme, qu’il souligne les responsabilités spécifiques et qu’il appelle des réponses individuelles. Il est certes nécessaire de publier des chiffres, mais ils ne représentent que la partie visible et quantifiable de la violence antisémite. Il est crucial de comprendre ce que recouvrent ces actes. Qui les commet ? Qui les inspire ? Qui en tire profit ? Pourquoi se sont-ils multipliés ces dernières années ? Et surtout, comment les réduire et rétablir un climat de confiance avec la population juive qui en subit les conséquences ? Il est inutile de se perdre dans de longues considérations sur une définition de l’antisémitisme et sur la portée juridique des actes ou des propos antisémites si des constats clairs sur les formes et les sources actuelles de l’antisémitisme en Belgique ne sont pas dressés. L’heure n’est plus à recommander d’intégrer l’antisémitisme dans le cadre de plans de lutte contre le racisme, comme le suggère Unia, mais plutôt à le nommer spécifiquement dans ces plans de lutte.
Pourquoi ne pas parler de la longue histoire mal connue des Juifs et de la colonisation du monde par les christianisés et les islamisés ? Tous les problèmes actuels dérivent du passé ( encore plus recent qu’on le pense…). Dans un monde où l’on parle que de la colonisation de l’homme blanc on ne sait absolument rien de l’histoire de la tres rapide colonisation du monde par les islamisés !!! Les résultats de cette colonisation se voient dans notre entourage et surtout dans nos organisations mondiales où Israel n’a qu’une voix ! Trop peu de gens connaissent l’histoire. Memes les Juifs ignorent! Il faut se battre avec des arguments historiques, Viviane !
Enfin le monde, de droite, de gauche a trouve la CAUSE qui lui permette c’est l’union fédérative contre l’Etat des Juifs, Israël. Malheureusement pour la démocratie, des groupes servent de mini cache-sexe pour s’accoquiner, sournoisement ou triomphalement, à l’antisionisme terme synonyme de l’antisémitisme mais qu’il est repréhensible de prononcer !” L’avenir “radieux” des Juifs en occident ou ailleurs a des relents de puanteur Stella.