L’Humeur – Mémoire vaine et folle naïveté !

Je vous avais parlé dans mon précédent éditorial de cet article paru dans De Standaard où Jorn De Cock, le spécialiste maison du Moyen-Orient, stigmatisait une fois encore, et de fort belle manière, ces Israéliens décidément insensibles à la mort des enfants palestiniens mais pas à celle des chiens. S’agissait-il d’un article aux remugles antisémites médiévaux ou d’une juste critique envers un Etat indubitablement infanticide ?

En quête de réponse, je me suis dit qu’il pourrait être utile d’interroger directement les principaux intéressés, entendez la direction de ce quotidien de référence, naguère consacré à la Flandre et au Christ ! Aussitôt pensé, aussitôt fait. Dûment traduit dans la belle langue de Vondel, mon éditorial légèrement adouci pour éviter toute offense inutile a été adressé au Standaard dans l’espoir d’entamer un débat. L’idée était de mettre à l’épreuve mon hypothèse de travail : les constants dérapages sur les Juifs et Israël au Nord du pays s’expliqueraient-ils par la difficulté et/ou réticence des Flamands, comme d’ailleurs des Lettons ou des Croates, à surmonter une culpabilité latente liée aux crimes de la Shoah ? Cette impasse ou ce complexe d’Auschwitz comme j’aime à le qualifier expliquerait les phénomènes de distorsion de la Shoah qui consiste tantôt à minimiser ou rire de la Shoah (cf. carnaval Alost) tantôt à nazifier Israël. Cette hypothèse, résumée par la formule du psychanalyste israélien Zvi Rix, les Européens ne pardonneront jamais Auschwitz aux Juifs est-elle fondée ou plutôt complètement farfelue, voire injurieuse ? Pour reprendre le grand Will, that’s, the question !

À travers cette tribune directement adressée aux lecteurs du journal de référence flamand, j’espérais bien naïvement entamer un débat ! Bien naïvement ! Malgré six envois consécutifs, je n’ai même pas eu droit au moindre accusé de réception, jusqu’à ce que l’un des deux rédacteurs-en-chefs adjoints, M. Lieven Sioen (qu’il en soit remercié) acceptât enfin de me répondre, il est vrai, de manière totalement décalée. Non content de ne pas me répondre sur le fond de ma demande (publication d’une tribune), notre homme a tout simplement botté en touche en signifiant non seulement qu’il lui était « difficile de fournir une réponse éclairée » mais qu’il ne comprenait pas mon souci. « En général », me répondit-il, son journal s’efforçait « de fournir une couverture précise, équilibrée mais critique du conflit très complexe entre Israël et les Palestiniens. L’antisémitisme, nous le révélons et le condamnons. » Bref, circulez, il n’y a rien à voir. On croirait volontiers ses dires n’étaient précisément les biais répétés dès lors qu’il s’agit d’articles sur le conflit israélo-palestinien. Et quand bien même, sous quel prétexte refuser un modeste droit de réponse dès lors que l’on a accordé des années durant une chronique à l’activiste chiite libanais Abou Jahjah, aux opinions pourtant outrageantes dès lors qu’il s’agit des Juifs ou des homosexuels. Celui que d’aucuns considèrent comme l’intellectuel « allochtone » de référence en Flandre publia, voilà vingt ans, une caricature du plus mauvais goût figurant Anne Frank couchant avec Adolf Hitler. Décidément la Belgique est un pays à la mémoire courte.

Pour dire la vérité, la plupart de mes amis m’avaient prévenu de l’échec probable de ma démarche auprès du Standaard. Dans ma candeur, je ne les avais pas crus. C’est qu’à l’instar d’un Macron, auquel je n’ose me comparer tant cet homme est intellectuellement impressionnant, j’ai toujours cru à la puissance des mots, du verbe, de la persuasion, de la raison ; d’où ces chroniques, ces tribunes qui ne convainquent somme toute que les déjà convaincus. L’entre soi, dirions-nous ! Et reconnaissons-le, l’heure n’est pas à la raison (l’a-t-elle jamais été ?). Je n’ai cessé de répéter ces dernières années que nous entrions de plain-pied dans les années trente. Et nous voilà renouant avec le tragique. La preuve par cette guerre d’un autre âge menée par Poutine. La preuve par la montée des extrêmes, à droite comme à gauche. La preuve par le retour, cent ans exactement après la marche sur Rome du 28 octobre 1922 d’un mouvement inspiré du fascisme et ce, dans le plus beau pays du monde. Et que dire de cet autre pays que nous, Juifs, chérissons tant. Là aussi des forces obscures sont à la manœuvre sous l’œil complice d’un Bibi Netanyahou plus pyromane que jamais. Question à mille shekels, Regards, mon mensuel de référence pourrait-il enfin m’éclairer sur les raisons de la lenteur du procès des époux ripoux ? La justice israélienne, qui n’a pas hésité dans le passé à condamner un ancien Premier ministre et un Président, en serait-elle dorénavant réduite à botter en touche dès lors qu’il s’agit de procès politiques comme c’est déjà le cas dans notre pays (publifin, etc.) ?

Bon, en ce début de nouvelle année, je m’en voudrais de ne pas terminer ma tribune sans vous souhaiter un bon, heureux et… chaud hiver. Pour dire la vérité, je suis plutôt pessimiste quant à l’année qui s’annonce mais qu’importe Shkoyach ! 

Écrit par : Joel Kotek
Politologue et historien
joel kotek

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