La N-VA et les candidats issus de la diversité, une attirance naturelle ?

Géraldine Kamps
Alors que les dernières élections viennent de conforter la N-VA comme premier parti de Flandre, la présence sur ses listes des candidats issus de la diversité continue de poser question. Le parti n’a jamais caché ses positions sur les questions d’immigration et suscite souvent la polémique pour ses liens parfois nébuleux avec le nationalisme flamand anti-démocratique. A quelques jours du scrutin du 26 mai, nous sommes allés à la rencontre de ces candidats pour tâcher d’y voir plus clair.
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Assita Kanko, Michael Freilich, Zuhal Demir, André Gantman, mais aussi Nabila Ait Daoud, Darya Safai, ou encore Nadia Sminate, première bourgmestre d’origine marocaine de Belgique… Qu’ils soient nouveaux candidats sur les listes de la Nieuw-Vlaamse Alliantie (N-VA), fraichement élus ou déjà mandataires, leur visibilité a été particulièrement forte aux dernières élections, provoquant souvent la surprise, voire l’incompréhension au sein de l’opinion. Du côté des principaux intéressés, on évoque la cohérence, l’attirance naturelle vers un parti qui ne ferait qu’incarner une position défendue depuis toujours. Même son de cloche chez les observateurs politiques, comme nous le confirme le politologue Pascal Delwit qui ne relève pas d’incompatibilité dans cet engagement. « Je ne sais pas si l’on peut parler d’une réelle augmentation du nombre de candidats de la diversité sur les listes de la N-VA, mais on note une certaine visibilité, déjà constatée au scrutin de 2014. Zuhal Demir a été promue à un secrétariat d’Etat fédéral en cours de législature, et le fait qu’Assita Kanko soit placée deuxième sur la liste des élections européennes est un message symbolique fort du parti ».

Pour Pascal Delwit, les deux candidates ont d’ailleurs un point commun : celui de prôner une ligne assimilationniste totale qui laisse entendre que « d’où je viens, c’était le problème, et où je suis, c’est la solution, la civilisation. Ici, ce sont les Lumières, là-bas, c’était l’obscurité, les Ténèbres ». Avec cette facette supplémentaire que le problème « là-bas » concernait surtout les femmes, qui s’y trouvaient maltraitées. « Quand Zuhal Demir renonce à sa nationalité turque, même si elle est issue de la minorité kurde, c’est le même message », assure Pascal Delwit.

Si Assita Kanko n’a pas trouvé le temps de nous répondre, Laurent Mutambayi, porte-parole adjoint de Théo Francken (jusqu’à la sortie du gouvernement Michel début décembre 2018), conseiller communal à Molenbeek, a accepté de nous parler en toute franchise de ce qui l’a motivé à rejoindre le parti il y a plus de dix ans. « Ce qui est contradictoire pour moi, c’est que le choix de ce parti paraisse contradictoire », pointe-t-il. « Souvent les personnes issues de la diversité sont habituées à choisir des partis classiques dont elles deviennent les otages. Comme ces partis diabolisent la N-VA et que leurs choix sont dictés par ces partis, elles nous diabolisent à leur tour, sans avoir conscience qu’elles sont en réalité “mises sous tutelle” ».

Quelle place pour la diversité ?

Mais pourquoi choisissent-ils la N-VA plutôt qu’un autre parti de l’échiquier politique ? Les traditionnels partis de droite semblent en effet avoir plus de mal à s’ouvrir aux candidats issus de la diversité, « le MR en particulier », constate Pascal Delwit : « Si vous reprenez les dernières listes du MR, peu de candidats y ont obtenu une grande visibilité, ou en tout cas une grande chance d’être élus », observe-t-il. « Le MR n’a pas encore réussi à faire émerger une personne issue de la diversité qui a un certain rayonnement et peut s’imposer dans le parti. Du côté de la Liste Destexhe ou du Parti Populaire, la place accordée à ces candidats n’est pas meilleure ».

Une des raisons qui a probablement poussé Assita Kanko à rejoindre les rangs de la N-VA est son positionnement sur la liste au scrutin européen, une offre que l’ex-conseillère communale MR à Ixelles n’avait jamais reçue. « Parce qu’elle a une visibilité en Flandre qu’elle n’est pas parvenue à avoir dans l’espace francophone », souligne Pascal Delwit qui voit l’avantage aussi côté N-VA : « Pouvoir compter sur une personnalité médiatique était pour le parti un atout non négligeable ».

L’évolution au sein du parti après les élections est également un élément déterminant. Un de ceux qui aura convaincu Laurent Mutambayi, tête de liste à Molenbeek aux communales de 2018 : « Lorsque la N-VA accueille quelqu’un dans la maison, elle lui donne accès à toute la maison, pas seulement les clés de la porte d’entrée », affirme-t-il. « Partout les candidats issus de la diversité sont les bienvenus, mais comment sont-ils valorisés ensuite ? Combien ne repartent pas complètement dégoûtés, en ayant en outre perdu leur crédibilité au sein de leur propre communauté ? ».

Pro-juive, pro-Israël

Indépendamment du parti, certains découvrent les dures réalités de la vie politique sans y être toujours préparés. C’est le cas de Hendrik Vuye et de Veerle Wouters, tous deux députés fédéraux, qui ont quitté la N-VA, « clairement déçus », selon Pascal Delwit. Cela ne semble pas avoir eu d’incidence sur la motivation de l’ancien rédacteur en chef du mensuel de la communauté juive d’Anvers, Joods Actueel, Michaël Freilich, qui a décidé il y a quelques mois de se présenter sur les listes de la N-VA, et vient d’être élu député avec 12.829 voix de préférence dans la circonscription d’Anvers, devenant le premier Juif orthodoxe à siéger au Parlement. « La communauté juive comptait plusieurs élus au niveau local, Claude Marinower et Samuel Markowitz (Open VLD), Isabelle Zanzer et André Gantman (N-VA), mais pas au niveau fédéral, j’y ai donc vu une opportunité ! », assume-t-il. L’entrepreneur confie avoir été séduit par la vision socio-économique du parti, mais aussi par son positionnement en faveur de la communauté juive et d’Israël. « On n’a pas de meilleur ami que la N-VA », soutient Michaël Freilich. « La N-VA se bat activement contre l’antisémitisme et les tentatives de boycott d’Israël, mais aussi pour les questions de sécurité. Le ministre Jambon a dégagé un budget de 4 millions d’euros pour sécuriser toutes les synagogues et les écoles juives, les gouvernements précédents ne semblaient pas intéressés… ».

Pascal Delwit y voit la confirmation que la perspective retenue par la N-VA n’est pas toujours assimilationniste : « L’attitude de Bart De Wever avec la communauté juive orthodoxe d’Anvers montre que la N-VA peut faire aussi des accommodements raisonnables », note-t-il.

Michaël Freilich ne s’en cache pas, nous relatant avec fierté la dernière réunion politique organisée pendant la campagne avec les rabbins, les écoles juives, les synagogues et les asbl de la communauté anversoise. « Tout le monde était là », insiste-t-il, « Bart De Wever, Théo Francken, Koen Lemmens, Ludo Van Campenhout qui parle d’ailleurs yiddish !, Annik De Ridder, Koen Metsu, André Gantman et moi-même. Quel autre parti aurait fait ça ? » Et de balayer d’un revers de main toute critique de communautarisme : « Je vais de la même façon parler à la communauté kurde, aux chrétiens évangéliques ou aux musulmans pour l’Iftar. En campagne, on se doit de toucher tout le monde ! »

« L’immigration ? L’ADN de notre parti ! »

Selon Michaël Freilich, beaucoup de fausses idées circulent sur la N-VA, « le parti le plus diversifié », assure-t-il, rappelant qu’il défend lui aussi le modèle canadien pour les questions d’immigration : le pays accueillant fixe les règles. « Pourquoi ne pas sélectionner ceux qui peuvent apporter quelque chose à notre économie ? », pose-t-il. « On n’est pas raciste, on critique juste ceux qui ne veulent pas apprendre la langue, ne veulent pas travailler, ni respecter nos valeurs. Au-delà de ça, que nous soyons noirs, blancs, arabes, ou juifs, nous sommes tous pareils ». Un argument partagé par Laurent Mutambayi : « L’immigration, c’est l’ADN de notre parti, et elle peut être enrichissante, pourvu qu’elle soit contrôlée. La plupart des partis ne parlent que de droits, nous parlons aussi de devoirs. Ce qui compte, c’est le futur que l’on veut construire ensemble. D’où l’on vient et quelles sont nos origines n’est alors qu’un détail ».

Quand on lui rappelle le passé ou les amitiés problématiques de certains élus de son parti, Michaël Freilich maintient sa ligne : « Tout le monde sait que la N-VA n’existe que depuis une quinzaine d’années et n’a donc rien à voir avec ce qui s’est passé pendant la guerre. Certains opposants essaient de trouver n’importe quoi, mais cela ne tient pas. La déclaration “les Collaborateurs avaient leurs raisons” de Jan Jambon ? Elle a été, comme très souvent, sortie de son contexte… ». Convainquant. Ou pas.

Pour Pascal Delwit, le succès de la NV-A auprès de la communauté juive d’Anvers s’explique de plusieurs raisons. « Une partie de la communauté juive en Flandre et surtout à Anvers a une approche assez conservatrice des choses et est assez hostile à la gauche de manière générale. Et le principal ennemi de la gauche en Flandre, c’est la N-VA », relève-t-il. Une deuxième raison est sa posture « très ouverte à l’égard de la communauté juive d’Anvers et de l’Etat d’Israël, même si les formes les plus rudes d’antisémitisme en Belgique viennent historiquement du nationalisme flamand anti-démocratique, du Vlaams Nationaal Verbond, dont la N-VA est partiellement une héritière, comme le Vlaams Belang dans une plus large mesure ». Une dernière raison, plus récente, depuis une vingtaine d’années, « ce sont les jeux historiques : les ennemis de mes ennemis sont mes amis », rappelle Pascal Delwit. « Un nombre appréciable de membres de la communauté juive rencontre des difficultés avec certains citoyens de confession musulmane. Par le processus de triangulation, la N-VA qui est vue comme la plus dure vis-à-vis des citoyens d’origine maghrébine se voit donc soutenue par les Juifs ».

Un choix qui dérange

A ceux qui le qualifient d’« attrape-voix », Michaël Freilich rétorque : « La communauté juive d’Anvers, si on en retire les moins de 18 ans et ceux qui ont un permis de travail, mais pas de droit de vote, ne représente que quelques milliers de voix, c’est trop peu pour être significatif ». La réaction de Laurent Mutambayi est tout aussi vive à l’évocation d’un « alibi » : « La critique peut être faite pour tous les partis », affirme-t-il. « Nous vivons pleinement notre citoyenneté, pourquoi ne pas plutôt nous encourager ? Il est évident que notre présence à la N-VA dérange, parce qu’elle remet en question les accusations de parti raciste. J’ai un parcours universitaire et de hautes responsabilités, me présenter comme un alibi empêche le débat de fond. Ces barrières artificielles sont désormais tombées, il faut accepter que les candidats de la diversité puissent être choisis pour leurs compétences ».

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