David Zylberberg a toujours été très attaché à ses racines. Sans doute dû à l’histoire de sa famille paternelle : son grand-père s’est échappé d’Auschwitz où il a perdu sa femme et ses deux filles avant de réussir à refaire sa vie en Belgique. « Cette histoire et cette identité font partie de qui je suis, de mon ADN », affirme le jeune trentenaire qui a pourtant grandi dans un milieu tout à fait laïque, avec un père non pratiquant et une mère résolument athée. Scolarisé à l’Athénée royal Uccle 1, à Bruxelles, David se souvient des bons moments en famille autour de Shabbat et Rosh Hashana, sans autre lien avec la communauté. « Comme beaucoup d’enfants de couples mixtes, et ayant été éduqué plutôt par ma mère, j’ai une relation à la fois saine et ambigüe avec le judaïsme. Je me sens très juif face à un antisémite, sans vouloir créer une identité que je n’aurais pas. Je n’ai pas fréquenté de mouvements de jeunesse juifs ou fait ma bar-mitzva. Maintenant, je m’appelle tout de même David Zylberberg… », sourit-il.
Le jeune garçon suit des études de Sciences politiques à l’ULB, qu’il complète par un Master en études Européennes. Il commence en 2009 sa carrière professionnelle à Boston (Massachusetts) comme consultant, créant une division de diplomatie publique dans une société de stratégie, avec un nouvel outil qui permet de déterminer les zones d’influence sur un sujet donné. Il identifiera ainsi pour le compte du gouvernement américain les révoltes du Printemps arabe, « les premiers grands soulèvements organisés sur internet, menés par des citoyens très connectés avant d’être récupérés », insiste-t-il. « Les gouvernements se sont retrouvés très vite dépassés, nous avons donc dû mobiliser les outils numériques et les réseaux sociaux pour mieux comprendre ce qui se déroulait ».
Le retour de David Zylberberg en Belgique coïncide avec la fin de la crise gouvernementale en 2012. Il devient le conseiller de Laurette Onkelinx dans le gouvernement Di Rupo, négociant pour le Parti socialiste la position belge en matières européennes et financières, notamment dans la réforme du système bancaire. Comme conseiller diplomatique de Rudi Vervoort ensuite, David s’occupera des relations extérieures de la Région bruxelloise. Cinq années de cabinet qui lui apprendront énormément, en lui faisant prendre aussi conscience qu’il brûle d’indépendance.
Amoureux de « la bonne bouffe » depuis toujours, sans avoir eu souvent le temps de cuisiner, David Zylberberg a observé que les petits artisans et producteurs étaient les grands perdants du e-commerce, et manquaient de temps, d’argent et de formation pour se digitaliser correctement. « J’ai lancé en 2017 une première version de “Home Gourmet” avec six commerces partenaires », explique-t-il. « L’idée était de créer une plateforme qui permette de faire ses courses auprès des meilleurs artisans avec une livraison unique dès le lendemain, et l’avantage pour les petits commerces de sortir de leur zone géographique. Mais j’ai commis toutes les erreurs du jeune entrepreneur, en voulant que tout soit parfait tout de suite et sans levées d’argent suffisantes. Je me suis retrouvé CEO, secrétaire, comptable et livreur en même temps ! », se souvient David, heureux d’avoir été bien entouré pendant une période pas facile.
« On casse une barrière »
Après quelques mois de repos forcé, David revient à la consultance et croise le chemin d’Exhibition Hub, société d’expos immersives itinérantes en plein croissance, qu’il rejoint très vite pour l’accompagner dans son développement. Il dégotera la Galerie Horta pour y installer l’expo « Claude Monet Immersive Experience », laquelle accueillera en trois mois plus de 70.000 visiteurs avant d’être prolongée (finalement jusqu’au 6 septembre 2020), lorsque le confinement a été décidé. Un confinement qui a suspendu net toutes les expositions en cours, de Milan à Shanghai, en passant par Barcelone ou Tel-Aviv ! Ce qui n’empêche pas David de rester emballé par le concept : « On casse une barrière en rendant la culture plus accessible grâce à l’interactivité permise par le digital », apprécie-t-il. « Un premier contact avec l’art n’est jamais perdu, cela amène un regard sur le beau et la création. Si 10% de nos visiteurs décident ensuite d’aller visiter un musée, on aura gagné ! »
Revanche sur l’histoire, « Home Gourmet » renait de ses cendres, plus actif que jamais en cette période de vache maigre. « Il y a quelques semaines, le fromager avec qui j’avais travaillé, Léo de La Fruitière, m’a envoyé un sms en me demandant combien de temps il me fallait pour relancer ma plateforme. Je ne voulais pas que les commerçants se voient racheter leurs stocks à bas prix », souligne David Zylberberg. « En 24h, nous avons remis le site sur pieds. Avec huit commerces (épicerie, fromager, boulanger, chocolatier, crèmerie…) et une offre de quelque 160 produits, nous sommes aujourd’hui à 30 livraisons par jour ! » Une belle illustration de solidarité entre les commerçants qui, munis de masques et de gants, n’hésitent pas à aller eux-mêmes livrer les clients.
Plus d’infos homegourmet.be – exhibitionhub.com