Le programme des Bar et Bat Mitzvah laïques est indissociable du CCLJ. Il existe depuis 34 ans et est, depuis une vingtaine d’années, assuré et organisé par Delphine Szwarcburt. Elle nous explique que plus qu’une alternative à la synagogue, « le programme est progressivement rentré dans la norme de la vie communautaire juive ». Cette année de judaïsme ultra-complète que filles et garçons suivent de la même façon – contrairement à la synagogue – dans une stricte égalité, est habituellement constituée de trois parties. Une première donnée par Delphine est consacrée à un éclairage de l’histoire contemporaine juive par l’histoire familiale des enfants. Une deuxième, assurée par Mireille Dahan, la fille du rabbin Dahan, est consacrée à la parasha de la semaine des enfants. « L’objectif étant de voir ensuite le lien entre le texte et le monde dans lequel ils vivent ». Quant à la troisième partie du programme, elle se concentre sur l’investissement des jeunes dans la communauté. Ils passent ainsi une quinzaine d’heures de volontariat, à la crèche du CCLJ, à l’Heureux séjour, au Musée juif, etc. Malheureusement, depuis mars 2020 et l’apparition du Covid, l’année de judaïsme des enfants a été plus que perturbée. Si pour les deux “promotions”, les cours ont pu être donnés dans la quasi-totalité, cette troisième partie du programme n’a pas pu être réalisée. Delphine explique que « ça, c’est le grand manque. Cette partie-là est pourtant essentielle pour nous. Cela permet aux enfants de montrer qu’ils deviennent plus grands, qu’ils acquièrent plus de maturité par des prises de responsabilités ». Positif, David Schreiber, un des élèves du cours, qui aurait bien voulu passer du temps au home de l’Heureux Séjour se dit qu’il pourra toujours le faire plus tard.
Le Covid a tout chamboulé
Et ce n’est qu’une partie des difficultés que la situation a créée. « Quand le Covid a commencé, l’essentiel des cours avait été donné, explique Delphine, mais tout a été chamboulé, et on a reçu en juin 2020 l’interdiction totale de faire une cérémonie. Ce que j’ai essayé de faire, c’est de continuer à voir les enfants pour maintenir un contact, entre eux et avec moi. On a parlé de Pessah, on a fait un shabbat par zoom. Puis je les ai invités à goûter dans mon jardin. Dans leur solitude – ils n’allaient pas à l’école, ne voyaient plus leurs amis – ils ont vu qu’on était toujours là ». Mireille Dahan, regrette, elle, de ne pas avoir pu donner le cours de clôture de son enseignement : « On est un peu restés sur notre faim ». Et Delphine d’ajouter, « ce qui m’attriste c’est qu’ils n’ont pas eu le côté chouette du programme, toutes les sorties. Mireille et moi, on aime bien les emmener voir un film à thème juif, une exposition, une pièce de théâtre, mais ça n’a pas été possible. Normalement, on prévoit un week-end où on mange ensemble, on dort ensemble, dans une auberge de jeunesse, c’est un week-end récréatif pour faire de la cohésion de groupe et je trouve ça très important. Mais comme les nuitées sont interdites, on n’a pas pu le faire non plus ». Pour les élèves des deux groupes, Mireille a juste pu organiser une visite de Bruxelles la juive. Elle les a emmenés dans le centre de la capitale pour leur montrer les traces de judaïsme au Moyen Age. Mireille ajoute que « c’est aussi l’occasion de parler de l’antisémitisme. Au cours de cette activité, on fait des jeux interactifs sur le sujet ».
« On s’est parfaitement retrouvés dans les valeurs du CCLJ »
Après les professeurs et leur programme, nous nous sommes tournés vers les principaux intéressés. Et Covid ou pas Covid, nous avons pu échanger avec deux élèves qui ont suivi les cours de Bnei Mitzvah, Léa Langemeyer et David Schreiber, tous deux si enthousiastes qu’ils nous ont beaucoup touchés. Léa, 14 ans, faisait partie du groupe de l’année passée. C’est en assistant à une Bat Mitzvah au CCLJ qu’elle a eu envie de célébrer la sienne. « J’ai adoré cette année de cours. Je vais être honnête avec vous, au début, mes connaissances étaient assez vagues. Mais c’était tellement enrichissant, malgré la coupure du Covid. J’ai appris beaucoup de choses sur l’histoire juive, notamment sur ce qui s’est passé pendant la Deuxième Guerre mondiale, j’ai découvert la Torah en étudiant ma parasha. Cette année a été une des plus belles de ma vie, grâce à ces cours. J’ai beaucoup grandi, mûri et appris avec Delphine, Mireille et les autres élèves. J’ai rencontré de merveilleuses personnes, ça a renforcé un lien qu’on gardera toujours. » A quelques jours de la cérémonie, nous lui demandons comment elle se sent. « C’est un sentiment très étrange. Je suis très contente de pouvoir participer à cette cérémonie, ça va clôturer cette année prolongée d’apprentissage. Et en même temps, je ressens un peu de nostalgie et de mélancolie parce que c’est quelque chose qui se termine. Il y a aussi un peu d’appréhension, de trac de devoir parler devant autant de personnes, mais vraiment je suis émue. » La maman de Léa, Anne, approuve. Issue d’un couple mixte, où son papa est juif, mariée à un Allemand, elle a pleinement adhéré à la façon de faire du CCLJ, trouvant que c’était tout à fait en adéquation avec son parcours et celui de sa fille. « On s’est parfaitement retrouvés dans les valeurs du CCLJ », ajoute-t-elle.
David Schreiber, 13 ans, a lui aussi vécu une très belle expérience. « J’ai beaucoup aimé les cours, même si j’avais un peu de mal à rendre mes travaux à temps parce que j’ai beaucoup de travail pour l’école ! C’était très intéressant. J’ai approfondi des thèmes dont je ne connaissais que la surface et ça m’a permis de voir historiquement ce dont on parle dans la religion juive. Et puisque je connaissais surtout la vision orthodoxe de cette matière, la vision laïque m’a permis de prendre du recul. Je la trouve très attirante. J’ai tout aimé, mais j’ai préféré la partie sur l’histoire de la Bible, l’étude sur le Talmud où on étudiait les différentes couches du Talmud. On lisait des textes et on essayait de les interpréter et c’était très intéressant. Et j’ai même utilisé ce que je savais pour répondre à un cours de religion israélite à l’école ! Je suis un peu stressé avant la cérémonie, il me manque encore quelques petites choses pour mon album photos. »
De petits adultes en formation
Comment s’étonner que, vingt ans plus tard, Delphine et Mireille continuent à donner leurs cours. Quand on lui demande pourquoi elle le fait, Mireille, marquée par son enfance auprès d’un père, rabbin libéral, répond que c’est pour garder un lien avec sa judéité et la communauté juive. Delphine, elle, se laisse porter par l’enthousiasme des enfants. « Je m’étais toujours dit que quand je serais lassée, je m’arrêterais. Mais chaque année est un enrichissement. Simplement parce que chaque enfant et chaque groupe sont très différents. Il n’y a jamais de côté répétitif à ce travail. Et puis en travaillant avec des jeunes, on voit tout le potentiel qu’il y a en eux. 12-13 ans, c’est un âge charnière, ce sont de petits adultes en formation. Je peux déjà avoir des conversations très intéressantes avec eux, et d’un autre côté, ils sont encore, curieux de tout. Et ça m’apporte beaucoup de joie, de vitalité ». On lui laisse le dernier mot. « Il y a de quoi continuer encore pendant de nombreuses années ». On l’a vu à travers les témoignages, cette année de judaïsme, vécue à un âge charnière, est particulièrement formatrice. Et le CCLJ peut s’enorgueillir d’un tel programme. En tous cas, nous souhaitons un grand Mazal Tov aux élèves. Et nous sommes infiniment reconnaissants envers leurs professeurs, Delphine et Mireille, qui, elles, font des enfants des membres à part entière de notre communauté. Ce qui est exactement le sens de ces Bar et Bat Mitzvah !