La polémique des collabos honorés par le Parlement Flamand

Joel Kotek
Suite à la publication de l’article de Joël Kotek « Quousque tandem Flandria ? » (Regards N°1071, février 2021), le député N-VA Michael Freilich et l’historien Bruno De Wever nous ont adressés chacun un droit de réponse que nous publions ci-dessous.
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ne attaque virulente et lâche contre ma personne (et mon parti, la N-VA,) vient de paraître dans Regards, le mensuel du Centre Communautaire Laïc Juif (CCLJ) en réaction à une publication diffusée dans le cadre du 50e anniversaire par le Parlement flamand. De surcroît, il y est même exigé que je démissionne de la N-VA. Tout d’abord, il convient de préciser que la publication en question n’a pas été rédigée par la N-VA. La totalité du bureau du Parlement, y compris Groen et le parti communiste PVDA, était d’accord avec le contenu de la publication. Deuxièmement : dans le magazine, les historiens condamnent très clairement la collaboration qui est qualifiée d’horrible et de totalement erronée. Troisièmement : la confection du magazine fut entièrement exécutée par un partenaire externe, Newsweek Belgium. Une inexactitude se trouvait dans la mise en page pour laquelle le Parlement a présenté des excuses. Celles-ci ont été acceptées par le Forum der Joodse Organisaties (FJO). Prétendre que les Nazis sont honorés dans ce magazine est totalement faux. Au contraire, sous deux photos il est clairement indiqué que ces personnages ont collaboré avec l’occupant allemand et que l’un d’eux a été condamné à mort et exécuté. Conclusion : je n’ai aucune leçon à recevoir de certains francophones arrogants qui considèrent tous les Flamands comme des racistes et qui pensent qu’ils leur sont moralement supérieurs. La réalité est que la Flandre a
accepté son passé, ose le regarder droit dans les yeux et
 reconnaît ses erreurs. La Belgique francophone n’en est pas encore à ce stade. Le parti nazi Rex de Léon Degrelle n’est considéré que comme une aberration marginale. Ce qui n’est absolument pas vrai. Rex avait des milliers de membres et d’adeptes. Il en va de même pour ce qui concerne la 
Légion Wallonie de la Waffen-SS ainsi que le meurtre de milliers de Juifs. Quid des nombreuses archives qui ont toutes disparu après la guerre ? Je suis convaincu que la plupart des citoyens belges francophones ne savent même pas que le bras droit du Dr Mengele à Auschwitz était un médecin wallon ! Il est grand temps que la Wallonie et les francophones en général affrontent l’histoire de cette collaboration sans tabou. Monsieur Kotek, votre haine pour les Flamands et la N-VA vous rend également aveugle à tout le travail que mon parti et moi-même effectuons quotidiennement pour la communauté juive : adoption de résolutions pour interdire le Hezbollah, assurer la sécurité des institutions juives et combat contre l’antisémitisme. Ou le fait que la semaine dernière, j’ai lancé un appel au Parlement pour honorer par une minute de silence les victimes de la Shoah. Hélas, jamais vous n’évoquez ces sujets dans votre magazine. Honte à vous !

Michael Freilich, député fédéral (N-VA)

Quousque Tandem Monsieur Kotek ?

M. Kotek ne lit apparemment pas les journaux néerlandophones, sinon il saurait que je n’ai nullement validé la galerie de portraits de flamingants qui comprend August Borms et Staf De Clercq dans l’édition spéciale de Newsweek. Je n’ai absolument rien à voir avec cela. Je ne suis responsable que du texte sur l’histoire du mouvement flamand. Ce texte dit de Borms et De Clercq, et de la collaboration en général, qu’elle « a ignoré la volonté du peuple et s’est identifiée entièrement au national-socialisme. A partir d’une idée de supériorité, elle a criminalisé les dissidents, justifié les opinions racistes, persécuté les Juifs et légitimé l’impérialisme, même contre les Wallons » (p. 112 de Newsweek). M. Kotek affirme que j’héroïse les collaborateurs flamands. Puis-je lui demander de fournir les preuves ? Ou est-ce trop demander à un professeur de l’ULB en ces temps de fake news ?

Bruno De Wever, Université de Gand

++++++

La réponse de Joël Kotek, directeur de publication et professeur à l’ULB

Que l’historien Bruno De Wever se rassure ; je connais ses travaux pionniers, notamment sur la Collaboration. Je ne suis pas sans savoir qu’il est l’un des plus brillants historiens de sa génération.  Reste que la qualité de ses travaux scientifiques n’enlève rien au droit de m’interroger sur ses prises de position politiques. Ainsi, lorsqu’il en vient à fragiliser l’unique musée de la Shoah et des Droits de l’Homme de Belgique en démissionnant avec fracas de son conseil scientifique sous prétexte qu’il serait sous influence israélienne ou, mieux encore, qu’il mettrait trop l’accent sur la commémoration de l’extermination des Juifs (Eric Steffens, Belga, 10 mars 2020). C’est bien le citoyen De Wever et non l’historien qui m’intrigue.

Ce qui me pose question, ce sont ses prises de position à géométrie variable, sa dureté à l’égard de ceux-ci et non de ceux-là qui l’amène, ici, à prendre ombrage de la politique israélienne en prônant son boycott y compris académique (et c’est son droit) et, là, à s’étonner de l’agitation causée par un numéro spécial de Newsweek honorant deux nazis notoires. A l’en croire, tout cela ne serait qu’ « une tempête dans un verre d’eau », de « formulation malheureuse » allant même jusqu’à exhorter le Parlement flamand à ne pas s’excuser (« Il n’est pas nécessaire de s’excuser ») sous prétexte que celui-ci ne serait « pas l’héritier institutionnel de la Collaboration » (De Morgen).

Certes, mais en quoi cette évidence effacerait-elle la faute de l’Assemblée parlementaire, celle d’avoir réhabilité de fait la Collaboration en posant en héros flamands deux de ses plus viles créatures ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit, pas d’autre chose. Son argument selon lequel Staff Declercq aurait été marginalisé par les occupants nazis, au profit de Degrelle ou encore de Jef Van de Wiele (le chef du DeVlag), n’est absolument pas recevable. Les malheurs, tout relatifs de Monsieur Declercq, n’enlèvent rien au fait qu’il était fasciste, qu’il soutint l’occupant nazi et se félicita de la déportation de ses voisins juifs. Devrais-je aussi excuser M. Goering qui lui aussi sec se retrouva rétrogradé dans la hiérarchie nazie ? Enfin, j’en terminerai avec mon honorable confrère en soulignant que si mes travaux se retrouvaient cités dans une brochure mettant à l’honneur Léon Degrelle, j’exigerais l’effacement de mon nom, sinon son pilonnage immédiat.  

A Monsieur Freilich, je répliquerai simplement que la Collaboration francophone comme wallonne est bien documentée (une récente monographie d’Hervé Hasquin) et qu’à ce jour personne n’a songé du côté du Parlement wallon ou de la Fédération Wallonie-Bruxelles de poser Degrelle en héros de l’émancipation wallonne. Enfin, s’agissant de Joods Actueel, je maintiens que l’organe supposé représentatif 
de la judaïcité anversoise a lamentablement failli dans sa mission en refusant de prendre position. Les dénégations de son nouveau rédacteur en chef, M. Guido Joris, qui m’a fort aimablement autorisé de lui répondre dans « la langue minoritaire » (sic) à son courriel rédigé évidemment dans « la langue majoritaire » n’y changent rien.  Il a failli. Bref, s’il n’est plus le porte-parole du Forum der Joodse Organisaties, le moins qu’on puisse dire est qu’Hans Knoops a sauvé l’honneur de la communauté juive d’Anvers. Grâce lui soit rendue, ainsi qu’à sa présidente Madame Régina Sluszny.

 

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