L’Etat voyou, le pays de singes et l’antisionisme obsessionnel

Nicolas Zomersztajn
L'Edito de Nicolas Zomersztajn
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Olivier Vandecasteele vient à peine d’être libéré après 455 jours de détention et de torture dans les geôles iraniennes que 18 jours plus tard, le 12 juin 2023, le maire ultra-conservateur de Téhéran, accompagné d’une délégation de treize barbouzes, participe à Bruxelles à un sommet international de maires du monde entier coorganisé par Metropolis et la Région bruxelloise.

L’obstination du secrétaire d’Etat bruxellois aux relations internationales à inviter ce dignitaire d’un Etat voyou (il est aussi membre des Bassidji, cette force paramilitaire chargée de réprimer toute contestation), les versions contradictoires que la ministre des Affaires étrangères a livrées concernant l’octroi des visas et la présence du responsable de la vidéosurveillance de la ville de Téhéran et de barbouzes filmant des opposants iraniens lors d’une manifestation aux abords de ce sommet bruxellois suscitent évidemment le malaise et la réprobation.

Ce n’est pourtant pas la première fois que la Belgique accorde des visas à des individus liés à des organisations ou des Etats très actifs en matière de prises d’otages de ressortissants européens. Ce n’est pas non plus la première fois que les ministres responsables s’obstinent à ne pas assumer politiquement cette faute. Ainsi, en janvier 1991, Walid Khaled, un terroriste membre du groupe palestinien Abou Nidal, est arrêté inopinément sur la Grand-Place de Bruxelles. Il détenait un visa en règle délivré par les propres services du ministre des Affaires étrangères de l’époque, Mark Eyskens. Affirmant qu’il n’était pas au courant, ce dernier refusa de démissionner et fit porter le chapeau à ses collaborateurs. Conservant son poste de ministre alors qu’en réalité il avait autorisé l’octroi de ce visa, Mark Eyskens poussa le cynisme à son comble en déclarant au quotidien néerlandais Volkskrant : « Si j’avais été dans le gouvernement britannique, j’aurais évidemment démissionné depuis longtemps mais quand même pas dans un pays de singes comme la Belgique » !

Ce commentaire insultant ne restitue pas la réalité du problème belge dans ces affaires de visas. Notre pays n’est pas un pays de singes. En revanche, c’est un pays où le relativisme a réussi à s’imposer comme grille de lecture politique dans des milieux très différents. Que ce soit au nom de la realpolitik comme Mark Eyskens ou de l’aveuglement idéologique, le relativisme nourrit tous les amalgames et favorise la confusion entre tout et n’importe quoi. Vu sous cet angle où tout se vaut, le maire de Téhéran est considéré de la même manière que ses collègues européens respectueux des droits de l’Homme. Il n’y a donc plus de différence entre une dictature sanguinaire et une démocratie éclairée.

Même lorsque des élus critiquent l’attitude des autorités belges dans l’affaire du maire de Téhéran, certains d’entre eux ne peuvent s’empêcher de céder au relativisme le plus primaire : « On entend beaucoup de polémiques et d’indignations par rapport à l’Iran mais on vous entend beaucoup moins lorsqu’il s’agit de représentants des gouvernements de l’Etat d’Israël et l’apartheid de l’Etat d’Israël », déclare Françoise De Smedt, la cheffe de groupe PTB au Parlement bruxellois lors de la séance d’interpellation du Secrétaire d’Etat bruxellois aux relations internationales. Dans le même registre, Henri Goldman, l’idéologue de l’UPJB (Union des progressistes juifs de Belgique) pensait présomptueusement révéler le pot aux roses en se demandant sur sa page Facebook « si on avait invité Moshe Lion, élu maire de Jérusalem en 2018 avec le soutien des ultra-orthodoxes et de la droite nationaliste. Pas sûr qu’il soit beaucoup plus fréquentable que le maire de Téhéran ». Avec regret, il a vite constaté qu’aucune ville israélienne ne participait à ce sommet bruxellois des villes.

Ces propos illustrent à merveille la formule du philosophe français Claude Lefort : « Le relativisme déchaîne l’imbécilité ». Ils montrent aussi l’antisionisme obsessionnel capable de détourner un débat sur la présence de tortionnaires iraniens à Bruxelles en établissant une équivalence entre l’Iran et Israël.  

 

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