Un Etat démocratique se juge autant par sa capacité à satisfaire sa majorité qu’à protéger les droits de ses minorités les plus diverses. Les Juifs de diaspora en savent quelque chose, eux qui furent tant de fois laissés pour compte tant en Cité chrétienne que musulmane. C’est de ces impasses à répétition que naquit le désir d’Israël.
Zalman David Levontin qui fit son alyah au début des années 1880 raconte dans ses mémoires qu’enfant déjà en Russie, il rêvait du Libéria, ce pays fondé par d’anciens esclaves. Les Israéliens qui sont désormais majoritaires chez eux devraient se souvenir de leur condition d’oppression pour éviter d’agir comme leurs anciens voisins polonais ou marocains. Il est facile d’exiger des droits lorsqu’on est minoritaire, plus difficile assurément d’en donner lorsqu’on est majoritaire. Bref, un Etat ne saurait être réellement démocratique s’il refuse de protéger les plus faibles, les plus démunis, les plus excentrés de ses citoyens.
Il est vrai que jusqu’à présent, Israël s’en est plutôt bien tiré. Pour preuve, une Knesset pluraliste composée d’une bonne dizaine de partis politiques dont certains sont mêmes antisionistes. Pour preuve des plages, des universités, des hôpitaux ouverts à la diversité nationale et religieuse. Pour preuve encore un régime de liberté accordé aux minorités de tout type (religieuses, sexuelles, nationales) unique au Moyen-Orient. Israël est à ce jour, le seul Etat démocratique et pluraliste de la région n’en déplaise à nombre de nos amis socialistes et écologistes. Qu’on se le dise, Israël dans ses frontières nationales est tout sauf un Etat qui pratique l’apartheid. Israël est même une exception dans ce Proche et Moyen-Orient en proie à la barbarie islamiste. Pour s’en assurer, il suffirait à nos amis de missionner en Egypte où les Coptes sont des citoyens de troisième zone ; au Qatar où une minorité de nantis exercent un contrôle absolu sur des travailleurs allochtones fragilisées, en Iran où l’on pend les homosexuels, en Turquie qui opprime ses minorités kurdes, alévies, chrétiennes, etc. Et pourtant, c’est Israël, toujours Israël qui est l’objet des critiques de la gauche belge… habitus antisémite et intime nécessité électoraliste obligent. Qui du PS, d’Ecolo ou du PTB se risquerait en effet à dénoncer l’annexion (et non l’occupation) de l’ex-Sahara espagnol et de l’épuration ethnique menée par la Turquie en Chypre du Nord ? Dans le contexte démographique qui est celui de Bruxelles, il n’est pas étonnant que l’opposition à Israël soit devenue le marqueur identitaire de la gauche belge, partis, syndicats et ONG confondus. C’est à qui se montrera le plus anti-israélien et cela évidemment dans la perspective des prochaines élections législatives et régionales.
Toutes ces critiques ne prêteraient pas trop à conséquences si Israël ne risquait pas de ressembler à terme à l’horrible et mensonger portrait qu’on ne cesse de lui dresser. Tous les reproches que l’on adresse bien à tort à Israël pourraient se révéler avérés si l’on songe aux dérives extrémistes de l’actuel gouvernement israélien. Nous l’avons dit en préambule : une démocratie se définit par sa capacité à entendre la voix de l’Autre, de son voisin en particulier. La non-condamnation des émeutes à anti-arabes tiennent du scandale absolu. Comme le souligne Jacob Maguid dans Times of Israël, Netanyahou semble avoir totalement perdu le contrôle de sa coalition. Avis partagé par les responsables américains qui estiment non sans raison que la priorité accordée au développement des implantations aux dépens d’un accord avec l’Arabie saoudite prouve que les extrémistes sont désormais aux commandes. L’éditorialiste israélien souligne d’abord que le gouvernement a accepté d’aller de l’avant avec sa réforme judiciaire controversée et ce, sans le soutien consensuel que le Premier ministre avait promis de solliciter ; qu’ensuite, des habitants des implantations ont violemment saccagé des villages palestiniens à travers la Cisjordanie sans être inquiétés ; qu’enfin, le ministère de la Défense a avancé des plans de construction de plus de 4.500 maisons dans les implantations.
En Israël ce sont désormais les extrémistes qui font la loi face à un Netanyahou qui se refuse d’envisager de quitter le pouvoir même en échange d’une amnistie judiciaire qu’on a tenté en vain de lui proposer en coulisse. Netanyahou, tel un Erdogan, un Poutine ou encore un Trump ne s’imagine pas un seul instant quitter le pouvoir. Pour ce faire, il est prêt à sacrifier l’avenir d’Israël.
Heureusement, tout ne semble pas encore perdu. Il y a bien sûr la formidable mobilisation de la société civile israélienne. Il y a même des réactions à droite qui donnent quelques lueurs d’espoirs. Le rabbin Leo Dee, dont la femme et les deux filles ont été tuées dans un récent attentat, a condamné le déchaînement de violence de partisans du mouvement pro-implantation survenu dans le sillage d’un attentat au cours duquel quatre autres Israéliens avaient été assassinés par des membres d’un groupe terroriste palestinien. « Les violences juives à l’égard d’Arabes innocents sont un Khiloul Hashem qui ne crée que de l’obscurité dans le monde », a-t-il jugé opportun de rappeler dans un discours sans concession en utilisant le terme en hébreu qui signifie « profanation du nom de Dieu ». « Cela ne saurait être pardonné dans une vie tout entière … Notre objectif ? C’est d’être une lumière parmi les nations ». S’il a peu de chance d’être entendu par les membres de l’actuelle coalition, tout porte à croire que ce gouvernement de voyous (je ne vois pas d’autres mots) ne devrait pas tenir. Bonnes vacances.