Coca Cola, ni casher ni halal ?

Les haredim boivent du Coca Cola. Etonnant, non ? On aurait pourtant cru que des gens aussi sourcilleux en matière diététique auraient rejeté cette boisson hyper-sucrée*. D’autant que, sauf erreur, aucun texte de la Torah ou du Talmud ne confirme que nos Patriarches en consommaient.

Ceci dit, qu’est ce qu’un laïc peut bien comprendre à la religion, je vous le demande ? D’ailleurs, les ultra-orthodoxes ne consomment pas le premier Coca venu non plus. Ainsi, voici quelques jours, des rabbins israéliens ont-ils mis en garde la population :

N’achetez pas du Coca palestinien même s’il est vendu moins cher. Il n’est pas certifié casher. En fait, ce n’est même pas du vrai. Juste un liquide noirâtre, pouvant contenir n’importe quoi : des résidus de chameau, d’âne, voire même de porc.   

En plus, c’est une scandaleuse concurrence au vrai Coca Cola, produit dans la très ultra-orthodoxe ville de Bnei Brak. Demandez-moi à présent ce qu’est du  «vrai Coca Cola » ? Cela ne vous regarde pas.

Formule top secrète depuis que le pharmacien John Pemberton l’a mise au point en 1887. Personne ne la connaît à part les plus hauts dirigeants de la firme (et peut être –on sait comment elles sont- leurs femmes).

Plus un  homme, un seul. Un Juif. Un rabbin. Un Sage de la Torah. Tobias Geffen (1870-1970) était son nom. Il habitait Atlanta, siège de la maison-mère de Coca. En 1935, il demanda à voir la liste des ingrédients, histoire de vérifier  si elle était casher.

Non sans intelligence, la firme accepta en lui faisant bien entendu jurer le secret. Geffen l’étudia minutieusement la liste des ingrédients et décela deux produits  « treifè » (impurs). Sans hésiter, Coca les remplaça par deux autres et le rabbin se déclara satisfait.

Il émit donc une décision rabbinique stipulant que la boisson était « bonne pour les Juifs » Coca Cola s’ouvrit ainsi sans trop d’efforts un nouveau et non négligeable marché. D’autant que T. Geffen avait fait mieux.

Il avait aussi certifié que le soda était consommable pendant la Pâque juive, période durant laquelle les règles de la cashrout sont encore plus strictes. Et il en est encore ainsi puisque, à part la suppression d’un colorant suspecté d’être cancérigène, la formule n’a pas changé.  

Pour l’anecdote, des autorités rabbiniques demandent de temps en temps à vérifier si elle est toujours bien dans les règles. La firme accepte mais, comme avec le temps, elle a un peu perdu de sa confiance en la discrétion humaine, elle ne procède plus comme avec Geffen.  

Elle fournit à présent une liste d’une cinquantaine d’ingrédients, dont ceux du Coca, et les rabbins vérifient si chacun d’eux correspond bien à la volonté divine…

 

D’intenses souffrances morales

Quoi qu’il en soit, même le plus ultra des orthodoxes ne rechigne pas à boire un verre de la boisson noire et gazeuse qui rafraîchit, rend heureux et fait roter. Sauf qu’il y a peu, Coca a commis une erreur majeure.

Dans plusieurs pays, dont Israël, elle a proposé des bouteilles (ou des canettes) personnalisées  qui portent le prénom de celui qui les achète (à condition qu’il soit courant, il ne faut pas trop en demander non plus).

Bronca immédiate de certains rabbins : ces bouteilles sont indécentes, certaines portent des prénoms féminins. Comment les gens pieux pourraient-ils étudier en ayant sous les yeux des petits noms de femmes alors qu’elles sont mères de tous les vices et filles de tous les pêchés ?  

Ah, il ne faut pas croire : vendre des boissons rafraîchissantes à des croyants, c’est un métier.  A preuve, Coca Cola est attaqué aussi, toujours en Israël, par la religion d’en face. Un musulman israélien vient de porter plainte contre elle à titre collectif.  

Lui aussi a vu la fameuse recette secrète mais sur Internet, cette fois. Et y a découvert que, même certifié halal, le Coca n’en contient pas moins de l’alcool. Une quantité infime, certes -0,001 %- mais encore trop aux yeux de son organisme.

Il estime qu’en faisant consommer cet alcool à ses consommateurs musulmans sans qu’ils le sachent, Coca Cola leur a fait subir « d’intenses souffrances morales » Il réclame donc 210 € pour chaque musulman d’Israël. Soit 250 millions d’euros tout de même…

Quitte à passer pour un vieux débris réactionnaire, on ne peut s’empêcher de regretter l’époque bénie des temps bibliques quand les marchands d’eau ne posaient pas tous ces problèmes aux gens de la religion.

*Malgré nos demandes répétées et bien que son nom soit cité une ligne sur deux, la firme Coca Cola a refusé avec obstination de participer financièrement aux frais qu’a entraîné la parution de cet article. Simple avarice ou antisémitisme larvé ?

**Une canette de 33 cl en contient 35 g, soit l’équivalent de 7 morceaux de sucre.  La bouteille d’un litre en contient 20.

Écrit par : Ouri Wesoly

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Annette Wieviorka
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Historienne spécialiste de la Shoah, directrice de recherche honoraire au CNRS et vice-présidente du Conseil supérieur des archives depuis 2019,
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