Regards n°1102

Commémoration de la Shoah et plainte sud-africaine

Le 27 janvier dernier, des cérémonies ont été organisées à l’occasion de la Journée internationale dédiée aux victimes de la Shoah. S’il nous semble que ce type de commémoration est importante, elle peut toutefois susciter une certaine amertume, surtout dans l’actuel contexte de retournement mémoriel illustré par l’accusation de génocide portée à la Cour internationale de Justice (CIJ) par l’Afrique du Sud contre Israël.

Nous avons en effet longtemps cru que la transmission de la mémoire de la Shoah aurait stimulé la réflexion, l’esprit critique et la conscience historique. Malheureusement, c’est le contraire qui se produit bien souvent. Nous sommes aujourd’hui confrontés à une contradiction flagrante que nous ne pouvons plus ignorer : les sociétés européennes n’ont jamais autant commémoré la Shoah, mais elles semblent incapables d’en tirer les leçons politiques pour faire face aux défis contemporains de la persistance et la résurgence de l’antisémitisme. La parole antisémite ne cesse de se libérer et la distorsion de la Shoah se diffuse très largement. Les Juifs l’observent quotidiennement et prennent conscience de leur vulnérabilité et leur isolement face à ces dérives. Contrairement à ce que certains laissent entendre avec mépris, ce n’est pas une question de ressenti. C’est une réalité tangible confirmée par des organismes publics. Ainsi, en deux mois, du 7 octobre au 7 décembre 2023, 91 signalements ont été enregistrés par Unia, le service public fédéral de lutte contre le racisme et les discriminations. En temps normal, Unia reçoit quatre à cinq signalements de ce type par mois !

L’attaque du 7 octobre 2023 et la guerre à Gaza n’ont fait qu’exacerber la banalisation et la distorsion de la Shoah. Presque immédiatement après l’attaque du Hamas, des militants politiques et des intellectuels ont minimisé le massacre, ou ont nié que de véritables atrocités aient même été commises, comme si le Hamas avait simplement mené une opération militaire traditionnelle contre des soldats. Mais surtout, dans la continuité de cette rhétorique faisant d’Israël un état raciste et colonial incarnant la domination « blanche » et occidentale, des Juifs ont été accusés de commettre sur les Palestiniens ce qu’ils ont eux-mêmes subi il y a plus de 80 ans. Même si ces accusateurs prétendent qu’ils ne font que critiquer la politique israélienne, leur accusation de génocide transpire d’une haine d’Israël étendue à tous les Juifs.

Cette légion haineuse d’anti-Israéliens se gargarise d’analogies historiques, mais se garde de tout comparatisme historique qui l’aurait évidemment conduite à distinguer un génocide de ce qui se passe à Gaza. Ces anti-Israéliens auraient alors dû admettre que dans cette guerre asymétrique, non seulement les Israéliens n’ont pas l’intention de tuer les civils palestiniens, mais qu’ils font tout pour minimiser les pertes civiles palestiniennes. Ils auraient pu également constater que dans un génocide, comme celui qui visait les Juifs d’Europe, le bourreau ne prend aucune mesure pour épargner les civils. Il fait tout le contraire ; il vise surtout les civils, car il n’a qu’un seul objectif : « Faire disparaître ce peuple de la terre. » (H. Himmler, le 6 octobre 1943).

Si nous voulons que la Journée internationale dédiée aux victimes de la Shoah ne devienne pas une mascarade permettant à des militants et des responsables politiques de se donner bonne conscience tout en participant à la banalisation et à la distorsion de la Shoah, il est nécessaire de placer la démarche historique et son exigence d’exactitude au cœur de ces commémorations. Loin de tout discours inutilement moralisateur ou de toute métaphore faisant de la Shoah le mal absolu, l’histoire dit ce qu’est le génocide et donc, aussi, ce qu’il n’est pas. En cernant la singularité du génocide, l’histoire rend intelligible cet événement. Comme le soulignait admirablement l’historien Maxime Steinberg, le maître des études sur la Shoah en Belgique : « Cette singularité est le point de passage obligé de tout discours sur l’histoire sous peine de tronquer sa mémoire au nom d’enjeux versatiles d’un présent éphémère. »

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Écrit par : Nicolas Zomersztajn
Rédacteur en chef
22 bis

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