Delphine Horvilleur, Il n’y a pas de Ajar. Monologue contre l’identité, Grasset, 90 p.
Elle est jolie, sa parole est séduisante, elle emporte l’adhésion. Oui, mais que dit-elle ? Ouvrons son dernier (court) essai, portant ce jeu mot qu’on pourra juger un rien approximatif, entre le hasard et un des multiples pseudos de Romain Gary. La vie de Delphine commence par une manière d’exploit. Elle nait, si l’on compte bien, en 1974, l’année même où Romain Gary devient Emile Ajar. Un hasard ? Que nenni. Le temps passe. 1980, année où Gary se tire une balle dans la gorge, est aussi l’année où la petite Delphine, qui a six ans apprend à lire et à écrire. N’est-ce pas miraculeux ? Mais non, encore non. Là non plus, ce n’est pas un hasard. Avouez que c’est troublant. Sic. On avoue volontiers, même sans torture excessive. Mais ce n’est pas tout. Gary/Ajar n’est pas mort : il s’est réincarné en un dibbouk, qui est venu hanter la psyché de notre rabbine. Il est mort pour elle, en somme, le pauvre, comme un amoureux éconduit. Mais plus profondément, il y a une affinité élective entre Gary et Delphine Horvilleur, où réside le cœur de son message : Gary refusant toute assignation identitaire, y compris et surtout juive, surgit par là même comme juif. C’est la pensée, peut-être paradoxale, de Delphine Horvilleur : rien n’est pire que notre contemporain souci d’identité. A quoi échappait précisément notre héros, grand écrivain, grand résistant, grand consul, grand gaulliste, grand aviateur. Grand, quoi, comme le lui avait intimé sa mère (juive). Dans la seconde partie du livre, l’auteur se fait l’enfant d’Emile Ajar, et appeler Abraham. Elle nous parle … des Juifs. Du prépuce, du nom ineffable de Dieu, de son silence, de l’identité à quoi nous nous accrochons tous. On dirait un sermon, un commentaire de la paracha de la semaine. Sous une forme très libre, dans un langage très simple, qui eût convenu, sans doute, à l’auteur de Pseudo.