« Téléchargez l’application et combattez le gaspillage alimentaire en Israël ! » Initiée l’été dernier, cette campagne de publicité n’a pas manqué de susciter l’appétit des consommateurs. Vantant les mérites d’une nouvelle « app » mobile, SpareEat, elle proposait à des particuliers d’acheter à bas coût les invendus de commerces qui, sans cette revente, auraient fini à la poubelle. L’argument a fait mouche. Peu après le lancement de SpareEat, 400 personnes et 16 commerces -restaurants, cafés, supermarchés et hôtels- l’avaient déjà adoptée. Son principe ? Mettre en relation commerçants et consommateurs afin que les clients puissent payer directement en ligne des plats et produits disponibles à la vente. Et venir les récupérer sur place, généralement en fin de service, donc dans la soirée.
SpareEat n’est pas la seule jeune pousse à se positionner sur ce créneau. Une dizaine de start-up israéliennes se sont engouffrées dans la brèche. Et pour cause : selon le rapport 2019 de la Banque alimentaire nationale Leket, le constat est alarmant. Au sein de l’OCDE, Israël est le pays qui connaît le plus fort taux de gaspillage de denrées alimentaires après le Danemark. Dans l’Etat hébreu, environ 35% de la nourriture produite est jeté aux ordures – soit 2,5 millions de tonnes d’aliments chaque année, pour un montant s’élevant à environ 19,7 milliards de shekels. Le foyer moyen israélien jette environ 3.200 shekels (828 euros) de produits alimentaires par an, soit environ l’équivalent d’un mois et demi de dépenses alimentaires pour une famille ! Les fruits et les légumes sont les aliments les plus touchés par ces pertes : près du quart de ces denrées ne sont pas consommées, et représentent 75 % des produits gaspillés.
Le gaspillage alimentaire concerne les produits perdus à un moment ou à un autre de la chaîne d’approvisionnement, soit parce qu’ils n’ont pas été ramassés dans les champs agricoles, soit parce qu’ils se sont gâtés sur le rayon d’un supermarché, ou qu’ils n’ont pas été consommés par le consommateur. « Les fabricants ont une responsabilité directe dans les déchets alimentaires lorsqu’ils fixent les prix, et les consommateurs subissent ces coûts », explique Gidi Kroch, PDG de Leket Israel.
Donner en toute légalité
Reste que sous la pression de cette organisation qui distribue des produits alimentaires aux familles dans le besoin, le législateur est intervenu. Israël est ainsi devenu l’an dernier le cinquième pays au monde à adopter une loi qui absout les donateurs de toute responsabilité légale pour les dommages qui pourraient être causés par des produits alimentaires offerts. De fait, les restaurants, les salles, les restaurants d’entreprise, les chaînes de détail et les hôtels évitent généralement de donner leurs excédents et préfèrent les mettre à la poubelle plutôt que de risquer d’être poursuivis en justice.
Le texte encourage les restaurants à collecter et à donner leurs excédents de nourriture en dégageant leur responsabilité pénale et civile pour les produits cédés – dans la mesure où ils sont conformes aux exigences de sûreté alimentaires établies par le ministère de la Santé. Pour ses partisans, cette initiative doit aider à réduire de manière spectaculaire le gaspillage ainsi que le nombre de citoyens en situation d’insécurité alimentaire, soit plus d’1,8 million de personnes concernées. « La loi offre une alternative aux organisations et aux entreprises disposant de surplus alimentaires substantiels et de qualité. Selon les estimations, elle devrait permettre de multiplier par trois l’amplitude des dons alimentaires », a avancé Leket, qui militait depuis dix ans pour ce changement de législation.
De son côté, le ministère de l’Agriculture et du Développement rural a récemment suggéré de subventionner les supermarchés pour qu’ils emballent leurs fruits et légumes dans des conditionnements en plastique. Une mesure censée permettre de prolonger la durée de consommation des fruits et des légumes, de réduire le gaspillage dans les supermarchés de 10% à 15% et les pertes de 20% à 25% dans les foyers israéliens. Seul bémol : cette proposition a provoqué la colère des militants écologistes pour lesquels « on ne peut pas remplacer un problème par un autre ». Une allusion aux quantités colossales de déchets jetables qui pourraient envahir les rayons des supermarchés israéliens…