L’Edito – Le laboratoire politique israélien des erreurs à ne pas commettre

Nicolas Zomersztajn
La remise en cause de l’Etat de droit et la mise au pas du pouvoir judiciaire que souhaite le gouvernement israélien témoigne de la volonté de toutes les forces nationalistes et conservatrices de la planète de saper les bases de la démocratie libérale.
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La remise en cause de l’Etat de droit et la mise au pas du pouvoir judiciaire que souhaite le gouvernement israélien témoignent de la volonté de toutes les forces nationalistes et conservatrices de la planète de saper les bases de la démocratie libérale. La démocratie israélienne n’est donc pas un cas isolé. Tout Etat démocratique, même européen, peut donc voir un jour son gouvernement s’en prendre aux juridictions chargées du respect des règles constitutionnelles et des droits civiques.

Des Etats membres de l’Union européenne comme la Hongrie et la Pologne ont malheureusement déjà adopté des lois extrémistes et discriminatoires opprimant les minorités, limitant les libertés publiques et faisant du pouvoir judiciaire une marionnette aux ordres du gouvernent. Avec la transformation de ces Etats de droit en régimes de type « illlibéral », la Hongrie et la Pologne ont non seulement réalisé le rêve que caresse le gouvernement israélien actuel mais elles ont surtout bafoué les valeurs démocratiques de l’Union européenne.

Mais la démocratie libérale doit aussi faire preuve de vigilance du côté de ses vertus cardinales. Elle peut être affaiblie lorsqu’elle ne se montre pas intransigeante envers tous ceux qui exploitent la tolérance qu’elle a instituée. Et à cet égard, la démocratie israélienne constitue à nouveau un laboratoire extraordinaire d’erreurs politiques que l’Europe serait bien inspirée de ne pas reproduire. C’est ce qu’exprime clairement la sociologue franco-israélienne Eva Illouz dans une tribune intitulée « La crise israélienne est un avertissement pour la France et le monde libre » et publiée dans Le Monde le 13 avril dernier. « En Israël, c’est en effet à l’ombre de la tolérance que des communautés religieuses extrémistes ont pu s’épanouir et répandre une nouvelle vision du monde qui privilégie le sacré au politique, la promesse de salut à la cacophonie du pluralisme, la rédemption spirituelle à la stabilité économique ». Elle souligne ensuite la responsabilité écrasante de la gauche israélienne dans ce délitement : « Peut-être parce que l’Etat n’a jamais eu de vocation universaliste, la gauche libérale israélienne n’a eu aucune difficulté à adopter en bloc le multiculturalisme américain (par le biais de réseaux universitaires mondiaux). Elle a ainsi souvent traité les religieux ultra-orthodoxes –qui contrôlaient tant de domaines de la vie publique– comme une minorité ayant besoin de protection ». Cette tolérance envers les religieux les plus hostiles aux valeurs démocratiques et aux droits de l’Homme n’est évidemment pas sans conséquence : « Quand la gauche confond une minorité persécutée et une minorité visant le pouvoir, elle laisse la société être rongée de l’intérieur par des groupes subversifs qu’elle a laissés prospérer ».

Eva Illouz n’est pas la première intellectuelle progressiste à nous alerter du danger de la tolérance aux intolérants. Dans La société du mépris (2006), le philosophe allemand Axel Honneth souligne le danger de retourner la démocratie contre elle-même en laissant des individus ou des mouvements se prévaloir de droits pour défendre des situations contraires à ces droits. Ce philosophe allemand, dont la critique de la société alimente la pensée de gauche, soutient que la société doit se défendre contre les forces qui cherchent à la détruire, et que la tolérance ne peut pas être utilisée comme une excuse pour permettre à des groupes ou des individus de promouvoir des idéologies antidémocratiques.

Le meilleur moyen de protéger la démocratie est évidemment de renforcer l’Etat de droit mais aussi de ne pas négliger la laïcité en tant que principe politique. La laïcité n’est-elle pas à la coexistence pacifique de citoyens aux croyances et convictions différentes ce que la séparation des pouvoirs est à la démocratie libérale ? De la même manière que chaque pouvoir est limité par l’exercice des autres pouvoirs, les croyants ne peuvent au nom de la liberté religieuse imposer leurs dogmes à l’ensemble de la société, et les non-croyants, quant à eux, ne peuvent instaurer un athéisme d’Etat éradiquant les croyances et les pratiques religieuses.

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