La photo date des années 1970. On y voit une jeune femme blonde avec d’immenses yeux clairs et une mise en pli impeccable. Pendu à son cou, un somptueux collier de perles, trois rangs, comme Elizabeth II. Au second plan, un buste en marbre. Sur ses clichés de jeunesse, Heidi Jelinek pose toujours de la même manière : comme un modèle représenté au sommet de sa beauté, entourée des œuvres d’art et des bijoux qui peuplaient jadis par centaines sa faramineuse collection.
Le destin peu commun de cette collectionneuse récemment revenue sous le feu des projecteurs est relativement méconnu. Sa trajectoire fut à jamais bouleversée au milieu des années 1960 lorsque la jeune femme fait la rencontre du milliardaire Helmut Horten. Un épisode raconté par le journaliste culturel Etienne Dumont dans les colonnes du magazine suisse Bilan : « Le quinquagénaire rencontra Heidi en 1966. Il l’aurait connue, sans précisions, dans un bar. Comme cadeau de mariage, la blonde reçut ‘’le diamant bleu des Wittelsbach”, qui provenait de la couronne bavaroise, où il a laissé un trou. Devenue veuve, Heidi devait le revendre à Londres en 2008 pour 16,5 millions de livres. Un record à l’époque ». Aussi glamour que puissant, le couple ne tarde pas à se marier. Il s’installe par la suite dans le canton suisse du Tessin où, sans enfant, il mène grand train, se partageant entre jets et yachts privés, villas somptueuses et construction d’une hallucinante collection d’objets d’arts, de tableaux de maîtres et de bijoux. « Le mari meurt en 1987, avant sa femme donc, et celle-ci continue de s’acheter des joyaux comme personne avant ou après elle », poursuit Sophie Michenteff, du magazine Luxus +. « Au total, des centaines de colliers, bracelets, boucles d’oreilles, bagues et autres broches des maisons les plus fameuses (Bulgari, Cartier, Tiffany, Harry Winston et Van Cleef & Arpels) vont rejoindre ses coffres ». Heidi Horten décèdera quant à elle en juin 2022 après deux autres mariages et quelques semaines seulement après l’inauguration d’un musée à son nom, à Vienne, hébergeant son impressionnante collection d’art privée d’une valeur estimée à près d’un milliard de dollars. Selon les informations du magazine Forbes, depuis la disparition de son mari dont elle avait hérité d’un milliard de dollars, sa fortune personnelle n’avait cessé de s’accroitre.
Le sombre passé nazi d’Helmut Horten
Rapidement après la disparition d’Heidi Horten, ses exécuteurs testamentaires vont confier sa collection à Christie’s. Sept cents pièces sont rapidement identifiées et mises aux enchères. Une vente événement qui eut lieu, à Genève, les 10 et 12 mai derniers. « Dès le premier jour, alors que Christie’s n’en attendait “que” 150 millions de dollars (139 millions d’euros) la vente réalisée in situ atteint 155 millions de dollars (144 millions d’euros). Le deuxième jour, avec la vente réalisée “online”, le montant dépasse les 203 millions de dollars, soit 188 millions d’euros », détaille Sophie Michenteff. Les chiffres donnent le tournis et battent surtout tous les records. Car la précédente « vente du siècle », organisée à l’occasion de la dispersion de la collection de la star hollywoodienne Elisabeth Taylor en 2011, avait rapporté 107 millions d’euros. Ainsi donc, dans son ampleur comme dans la rareté des pièces proposées, la vente Horten la surpasse largement. Et puisque les sommes sont inédites, les médias ne vont pas tarder à découvrir l’origine pour le moins problématique de la fortune de la veuve autrichienne. Officiellement, Helmut Horten se présentait comme milliardaire, propriétaire de grands magasins. Dans les faits, l’histoire est moins glorieuse. Dépourvu de fortune personnelle, Horten a commencé en Allemagne à racheter des sociétés appartenant à des Juifs contraints par les Nazis de tout vendre. C’est de cette manière qu’à 27 ans, et dès 1936 ce proche du parti nazi a par exemple racheté le grand magasin Alsberg de Duisbourg avant de faire savoir, par tous les moyens, que « cette affaire de famille était désormais entre des mains aryennes ». Une technique plusieurs fois reproduite par la suite, en bénéficiant largement des mesures de spoliation visant à transférer la propriété d’entreprises détenues par des Juifs à des sympathisants du 3e Reich. Au fil des conquêtes hitlériennes, Horten – qui n’a pas volé le qualificatif de profiteur de guerre – rachètera dans toute l’Europe des entreprises, souvent juives, pour des sommes modiques. « Il est ensuite passé entre les gouttes de l’épuration de 1945 », explique Etienne Dumont. « Puis l’homme a, comme d’autres, bénéficié de la Guerre froide. Il s’agissait de repartir à zéro sans trop regarder en arrière ». En Autriche, le passé du couple Horten n’était donc pas inconnu, loin de là. Preuve en est, sitôt apprise la nouvelle de la disparition de son épouse, Alexander Schallenberg, ministre autrichien des Affaires étrangères réagissait sur Twitter en postant le message suivant : « Heidi Goess-Horten nous a quittés aujourd’hui. Elle était un personnage controversé dont l’amour de l’art a tout éclipsé. Votre engagement envers le paysage artistique local restera à jamais dans notre mémoire ». Il faut dire que le pouvoir en place avait intérêt à passer l’éponge : entre 2018 et 2019, la milliardaire avait fait don d’un million d’euros au Parti populaire autrichien…
Quelles réparations futures à la question des spoliations ?
Face à ce qu’elles dénoncent unanimement comme un scandale, nombre d’organisations juives sont montées au créneau pour retracer le parcours « des bijoux du sang et de la terreur ». Premières à s’insurger, les descendantes de Paul Rosenberg. Soutenues par Anne Sinclair, Marianne et Elisabeth Rosenberg ont écrit à la maison de ventes Christie’s pour exprimer leur « dégoût ». Nombre de tableaux de leur grand-père pillés après l’invasion allemande furent en effet vendus à des collectionneurs et marchands suisses qui ne consentirent à les rendre qu’après leur condamnation. Jorge Heflt, petit-fils de Jacques Helft, qui fut spolié de sa collection d’argenterie, s’est dit lui aussi « révulsé », en dénonçant « l’hypocrisie de Christie’s », qui venait de commémorer à Paris le 25e anniversaire de la Conférence de Washington. De leur côté, le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), l’Amercian Jewish Committee et le Centre Simon Wiesenthal ont réclamé en vain le report de la vente. « Cette vente aux enchères est doublement indécente », tonne Yonathan Arfi, président du CRIF. « Non seulement les fonds ayant permis d’acquérir ces bijoux sont pour partie issue de l’aryanisation des biens juifs menée par l’Allemagne nazie, mais, en plus, cette vente doit abonder une fondation dont la mission est d’assurer la postérité du nom de famille d’un ancien nazi ! ». Rien n’y a fait. La vente a eu lieu mais les bijoux atteignirent des sommes mirobolantes. Le Bulgari Laguna Blue fut ainsi adjugé pour la bagatelle de 23,1 millions d’euros. « Il y a eu un arrangement avec Christie’s qui a lancé une énorme campagne de publicité tout en jouant au bienfaiteur de l’humanité », souligne Etienne Dumont. « La maison renonçait à une partie de sa part, Heidi ayant créé in extremis en 2021 une fondation. Celle-ci se vouait à la continuité de son musée certes, mais aussi à la recherche scientifique et à des œuvres humanitaires. Quelle organisation, même juive, pourrait apparemment s’opposer au culturel, au médical et au social pour des enfants ? Avouez que dans le genre, c’était bien joué ! Heidi avait désormais l’air aussi pure que Blanche-Neige ». Du côté des exécuteurs testamentaires et de la maison d’enchères, on réfute toute manœuvre. Et surtout, on se défend, en rappelant qu’Heidi Horten a rencontré son premier mari bien après la guerre et que « tous les produits de la vente iront à des œuvres de bienfaisance » tout en précisant « que Christie’s fait séparément un don important en faveur de la recherche et l’éducation sur l’Holocauste ».
Pour l’Amercian Jewish Committee, cela ne suffit pas : on vise plus et mieux, notamment en matière d’éducation et de restitution aux familles spoliées. A terme, l’affaire Horten pourrait bien devenir un cas d’école. Car au moment où les derniers survivants disparaissent, il est évident que le combat mémoriel est en passe de changer de nature. Comment, dès lors, mobiliser autour d’une matière, en l’occurrence la destruction des Juifs d’Europe, qui devient chaque année un peu plus froide, moins tangible et plus abstraite ? Que faire pour apporter une réponse valable à la question de la spoliation et des réparations ? Plus encore, qui poursuivre et jusqu’où, dans ces cas de responsabilité indirecte ? Le cas d’Heidi Horten est, à ce titre, parlant : veuve d’un proche du parti nazi, plusieurs fois remariée et dument soutenue par l’Etat autrichien, son enrichissement est indirect et son profil s’avère difficile à attaquer en justice. Preuve en est : la contre-attaque visant à annuler la vente des bijoux est demeurée largement infructueuse. Quant aux enchères, elles furent si rondement menées que la collection Horten devrait, selon nos informations, retrouver les salles de vente prochainement.
pour ma part, j’ai envie de dire qu’Henry Goldberg étant anobli par le Roi, est une victoire pour notre démocratie. Il est bien de souligner qu’à aucun moment la Mémoire ne peut sombrer dans l’oubli. et j’ai envie de dire, que cela invite d’avantage les gens de notre gouvernement à lutter de toute ses forces contre l’antisémitisme, si nous ne voulons pas sombrer dans une autocratie. la liberté de pensée est incontestablement un trésor à chérir et à entretenir, et donc nous invite à prendre la plume et, à cet égard, nous remercions mon mari et moi même Joel Kotek. Vos AMIS Esther et Etienne.