Les Presque Sœurs de Cloé Korman

Henri Raczymow
Je lis, tu lis, ils écrivent: Les Presque Sœurs de Cloé Korman, roman, Seuil
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Montargis, une petite ville de la province française, le 9 octobre 1942. Mme Mourgue a en nourrice trois petites filles, Mireille, Jacqueline, Henriette Korman, respectivement âgée de dix, cinq et trois ans, à la mémoire desquelles ce livre – un roman, vraiment ? n’est-ce pas plutôt une enquête ? – est dédié. La gendarmerie allemande vient les arrêter, après que leurs parents, horlogers de leur état, avaient déjà été déportés. On les arrête avec trois autres petites filles, Andrée, Jeanne et Rose Kaminsky, arrêtées quant à elle dans la cour de récréation de leur école, et qui finalement survivront. Ce sont bien les Allemands qui les arrêtent, mais on les transfère aussitôt aux autorités françaises, qui les mettent en prison, avec des prisonnières de droit commun ! Dès lors, ces six « prisonnières » se tiendront pour des « presque sœurs ». Cela commence donc à Montargis, cela se poursuit au camp non loin de Pithiviers, d’où ces familles juives seront déportées le 14 juillet 1942, avant même la Rafle du Vel d’Hiv. La narratrice se rend le 9 octobre 2019 devant la maison où les Korman ont été arrêtés le 14 juillet 1942, tentant de faire coïncider  les chants d’oiseaux de ce jour et de l’autre, abolissant le temps. Puis ce sera Beaune-la-Rolande où les six petites filles restent ensemble, dans le même baraquement, dorment sur la même paille. Les petites filles seront ensuite placées dans un de ces centres dits « de tri », régis par l’UGIF, le centre de la rue Lamarck, que dirigeaient deux notables juifs, l’un, un médecin qui s’efforçait de sauver tel enfant en le plaçant chez une nourrice clandestine, l’autre, un ancien capitaine, plus zélé, surtout pour sauver, croyait-il, sa propre peau, qui les expédiait plutôt à Drancy, antichambre d’Auschwitz. Cloé Korman appartient à ce qu’il est convenu d’appeler la troisième génération après la Shoah. C’est elle qui mène ici l’enquête, après que sa sœur Esther se fut procuré quelques documents administratifs, quelques lettres, quelques photos de leurs petites-cousines, à charge pour Cloé de poursuivre, avec scrupule et piété, le travail mémoriel. Beau et poignant récit où se mêlent savamment mémoire, histoire, enquête. 

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