Regards n°1107

Mais que feraient-ils sans nous ?

On devrait peut-être s’en réjouir : tout la vie politique tourne autour de nous, les Juifs ! Nous sommes et restons, à défaut d’en être les maîtres, le centre du monde. Prenez le cas de la France lors des récentes élections européennes. Le thème central n’était pas tant l’Europe que la Palestine. Pour les législatives, les débats se sont focalisés sur la question de savoir si LFI pouvait être qualifiée de parti antisémite et ce, au grand dam de ses leaders. Pourtant, qu’ils le veuillent ou non, Jean-Luc Mélenchon a, avec ses petites phrases et allusions assassines, réussi l’exploit de récupérer le mistigri de l’antisémitisme, autrefois bien associé à l’extrême droite française. En effet, comment nier que, en jouant sur des affects ancrés depuis le XIXe siècle au sein de la gauche française et à des fins purement électoralistes, le Lider Maximo de LFI a sciemment libéré des pulsions antisémites. Pire encore, il a réussi à « casheriser » le RN – qui n’en demandait pas tant – au point de pousser des Juifs de France à voter pour ce parti extrémiste, anti-européen et pro-Poutine, dans des proportions certes en deçà de la moyenne nationale. Mais un vote pour le RN, c’est déjà un vote de trop ! Certains diront que la stratégie jusqu’au-boutiste pro-palestinienne a été payante. Certes. Reste que si LFI a progressé d’un million de voix, sa progression est restée limitée aux grandes villes et aux banlieues : partout ailleurs, le parti a reculé. Pire surtout, par ses outrances, LFI a abandonné le vote ouvrier au RN, avec 53 % de votes. Oui, l’extrême gauche française s’est indéniablement engagée sur un terrain inacceptable, parsemé de paroles et d’attaques indignes à l’égard des Juifs.

En Belgique, cette même stratégie jusqu’au-boutiste a été adoptée lors des dernières élections. Des hommes et des femmes politiques ont constamment surjoué la carte palestinienne, dans des discours aux accents insupportables pour les descendants de la Shoah. La (juste) inquiétude pour la population civile gazaouie oblige-t-elle à comparer la bande de Gaza au ghetto de Varsovie, à traiter Israël d’État nazi ? Aucun argument n’a manqué pour séduire l’électorat musulman, clef de voûte des élections bruxelloises. Le PS est allé jusqu’à travestir le très sioniste Emile Vandervelde en icône pro-palestinienne ! Il fallait oser. Ecolo a fait du cessez-le feu à Gaza, et non de la libération des otages, sa deuxième priorité électorale. Le très marxiste PTB, de son côté, n’a cessé d’accuser Israël de génocide, tout en évitant de critiquer la Chine, par respect pour un concept si… complexe à manier. Résultat : un PS bruxellois stabilisé mais totalement communautarisé, avec onze de ses seize élus régionaux d’origine musulmane. Rassurez-vous, je n’y vois absolument aucun inconvénient parce qu’il se trouve parmi eux d’authentiques laïques et démocrates. Quant au PTB, le soi-disant parti de la rupture qui pourtant prône le statu quo en matière d’abattage rituel, de circulation automobile et qui promeut le voile islamique, il a logiquement progressé en région bruxelloise mais pas en Flandre ni en Wallonie. Plus que jamais, ce parti illustre la vérité crue de l’islamo-gauchisme. N’est-ce pas grâce au PVDA, son homologue néerlandophone, que la liste intégriste de Fouad Ahidar a décroché un troisième député en Région bruxelloise et ce, à la grande joie de Manu Abramowicz qui décidément n’en rate jamais une. La stratégie anti-israélienne des PS et PTB s’est révélée désastreuse pour la liste Ecolo qui, elle aussi, avait pourtant tout misé sur la cause palestinienne. Les électeurs musulmans de Bruxelles ont voté utile, préférant l’original à la copie. La ligne prônée par Henri Goldman s’est effondrée comme un château de carte : Farida Tahar battue, Ali Niaz, co-président d’Ecolo et grand défenseur du burkini, battu (758 voix), Ahmed Mouhssin écrasé (604 voix). Il serait peut-être temps pour Ecolo de revenir aux fondamentaux plutôt que de s’acharner à débaucher des islamistes et des obsédés de la Palestine, tel le sémillant Simon Moutquin, une icône de l’Association belgo-palestinienne. Cette remarque pourrait également s’adresser au MR, comme en témoigne le score calamiteux de Youssef Handichi.

« Depuis le 7 octobre 2023, les mesures de protection ont été renforcées pour la surveillance des institutions et des intérêts juifs. »

Ce qui est sûr, c’est que la séquence génocidaire du 7 octobre a libéré des pulsions antisémites dans la société belge. Selon un tout récent rapport présenté au Conseil de l’Europe, entre le 7 octobre et le 7 décembre 2023, on a enregistré en Belgique 91 signalements en lien avec le conflit israélo-palestinien (37 côté francophone, 54 côté néerlandophone). Soixante-six de ces signalements faisaient explicitement référence à l’origine juive, tandis que huit concernaient l’origine palestinienne, l’origine arabe et les croyances religieuses islamiques. Qu’on se le dise une fois pour toutes : les principales victimes du racisme en Belgique sont juives. Les Juifs constituent pourtant moins de 0,2 % de la population totale belge. Comme le précise toujours ce rapport : « Depuis le 7 octobre 2023, les mesures de protection ont été renforcées pour la surveillance des institutions et des intérêts juifs. »

Il paraît certain que d’ici aux élections communales, la fièvre anti-israélienne ne baissera pas. Les Juifs continueront à jouer leur rôle traditionnel de variable d’ajustement, comme en témoigne la décision de Philippe Close d’annuler le match de football Belgique-Israël initialement prévu à Bruxelles ou encore sa saillie, combien gratuite, à l’encontre de l’ambassadrice d’Israël qui, à l’en croire, « raconte beaucoup de bêtises depuis longtemps. » Le voilà qui non seulement participe, évidemment à l’insu de son plein gré, à la campagne de boycott d’Israël mais aussi réussit à se payer, cerise sur le gâteau, la tête de l’ambassadrice de l’entité sioniste. Ça promet. 

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Écrit par : Joel Kotek
Politologue et historien
joel kotek

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