Pierre Birnbaum, Marcel Proust. L’adieu au monde juif. Le Seuil, 262 p.
Encore un essai sur Proust et le monde juif ! Le dernier, c’est promis. Il est l’œuvre cette fois non d’un littéraire, mais d’un éminent historien de la France de la IIIe République, Pierre Birnbaum, professeur émérite à la Sorbonne.
L’auteur, au début de son enquête, cite Robert Dreyfus, le grand ami de Proust depuis le lycée Condorcet, qui avance que Proust ne fut ni « bolchéviste » (sic) ni nationaliste, ni clérical ni anticlérical, et qu’il n’a jamais épousé aucune doctrine. Nous ferions volontiers nôtre, quant à nous, cette vision d’un Proust ailleurs : dans la seule littérature. Birnbaum ne l’entend pas de cette oreille.
Il va éplucher méthodiquement, scrupuleusement, les moindres déclarations de l’auteur de la Recherche pour tenter enfin d’établir quel juif ou quel non-juif, voire quel antisémite il était. Et comme par hasard, il va trouver chemin faisant, dans ses textes, dans sa volumineuse correspondance de quoi alimenter deux thèses, deux versions antithétiques, contradictoires d’un Proust combattant l’antisémitsime et dans le même temps peu favorable à l’avènement d’une « République juive » qui supplanterait, voire souillerait la traditionnelle et très virginale nation chrétienne. Foin donc de ce « débat lancinant sur la judéité de l’auteur de la Recherche ».
L’affaire est entendue : Proust est catholique, une fois pour toutes. Birnbaum, de solides arguments à la clé, a tranché. Mais si, au fond, la question n’était pas si importante ? Etre ou ne pas être juif. Et si, comme en matière de genre, on cessait d’être binaire ? La vraie question n’est-elle pas plutôt : Proust est-il le plus grand écrivain français du 20e siècle ? Vous avez quatre heures.