Regard n°1109

Shana Tova malgré tout

Depuis le 7 octobre 2023, il n’y a que les ignorants et les antisémites pour prétendre que l’antisémitisme est résiduel. Dès le lendemain de ce pogrom, et avant même que l’offensive terrestre israélienne soit lancée vingt jours plus tard, la haine des Juifs s’est répandue à travers l’Europe. Partout des incidents ont éclaté. Des discours de haine se sont propagés. Ils véhiculent tous l’obsession antisémite de la domination juive : grâce à leur emprise sur les médias et la finance, les Juifs chercheraient à intimider, faire taire et criminaliser ceux qui expriment leur solidarité envers les Palestiniens et dénoncent le « génocide » en cours à Gaza.

Paradoxalement, en dépit de l’influence tentaculaire que leur attribuent les antisémites, les Juifs ne réussissent pas à susciter la réprobation médiatique ou populaire lorsqu’un chorégraphe belge écrit que la majorité des Juifs sont fascistes, qu’un député bruxellois traite les Juifs de psychopathes et de terroristes ou encore qu’un écrivain flamand veuille « enfoncer un couteau pointu dans la gorge de chaque Juif que je rencontre ». Des personnalités politiques, culturelles et artistiques osent dire des horreurs sur les Juifs qu’ils n’oseraient jamais prononcer envers toute autre minorité.

« Pourquoi j’ai le sentiment que, depuis un moment, les Juifs sont les ennemis les plus cool à détester ? »

Et pourtant, de nombreux faiseurs d’opinions progressistes prennent leur défense préférant dénoncer une hypothétique instrumentalisation de l’antisémitisme au lieu de lutter contre l’antisémitisme.

Ce constat désagréable est partagé par l’immense majorité des Juifs européens. Il n’est d’ailleurs pas rare d’entendre des personnalités juives exprimer leur malaise par rapport à l’antisémitisme alors qu’elles s’étaient toujours bien gardées d’aborder cette question publiquement. C’est ainsi le cas de Michel Hazanavicius. Ce cinéaste français, dont le grand public ignore sûrement qu’il est juif, a bien résumé ce malaise dans une très belle tribune publiée dans Le Monde (7 août 2024) sous la forme d’un questionnement : « Pourquoi j’ai l’impression que de membre d’une minorité presque comme les autres, ayant eu sa part de malheurs du monde, je suis devenu membre de la caste dominante, tête de proue de l’oppression, de l’impérialisme et de l’injustice ? Comme si être Juif était devenu un truc vraiment trouble, vaguement suspect, possiblement détestable. Comment j’ai pu devenir aussi méchant en aussi peu de temps ? » Et se demander enfin « Pourquoi j’ai le sentiment que, depuis un moment, les Juifs sont les ennemis les plus cool à détester ? »

À cette source de préoccupation s’ajoute notre inquiétude face à ce qui se passe en Israël. Un an après le séisme du 7 octobre, nous voyons que ce pays auquel nous sommes tant attachés s’enlise dans une guerre dont personne ne voit l’issue. Des centaines d’otages sont encore détenus par le Hamas, des centaines de milliers d’Israéliens du Nord et du Sud sont devenus des réfugiés dans leur propre pays et des dizaines de milliers de civils palestiniens ont été tués à Gaza. Sans aucune réelle stratégie, le gouvernement israélien s’obstine à courir après une victoire totale impossible à concrétiser et repousse toute possibilité d’accord de cessez-le-feu. Abandonnant les otages et leurs familles à leur triste sort, Benjamin Netanyahou se soucie davantage de sa survie politique et de celle de ses alliés nationalistes religieux.

Cette année, nos vœux de Rosh Hashana ne prendront plus la forme de sympathiques formules vagues et convenues. Ils revêtiront une dimension très concrète : qu’un cessez-le-feu soit conclu à Gaza afin de permettre le retour des otages israéliens encore vivants et que cette guerre prenne fin. Même si le pessimisme est un luxe que les Juifs ne peuvent se permettre, souhaitons aussi que 5785 ne soit pas pire que l’année qui vient de s’achever.

Esc pour fermer

_Visu Site Une 2024-2025 - 2025-01-06T123147.720
Shabbat Tou Bishvat
Rejoignez-nous pour vivre ensemble un shabbat en famille et entre amis mais aussi pour célébrer joyeusement Tou-Bishvat.
Non classé
_Visu Site Une 2024-2025 - 2024-12-10T165710.724
Auschwitz, un lieu de mémoire confronté au tourisme de masse
Auschwitz-Birkenau, dont le 80e anniversaire de sa découverte par l’Armée rouge sera célébré le 27 janvier prochain, est devenu le(...)
Nicolas Zomersztajn
Mémoire
1111 Ahad Ha'Am illu principale Founders-Haam_Ahad-Central-Zionist-Archives-scaled
Ahad Ha’am et le sionisme culturel
S’il est resté du sionisme le projet territorial d’établir un refuge pour les Juifs, on oublie parfois que ce terme(...)
Déborah Gol
Vie Juive
_Visu Site Une 2024-2025 - 2024-12-11T111013.992
Heinz Berggruen, un marchand et sa collection
Jusqu’au 25 janvier 2025, le Musée de l’Orangerie à Paris rend hommage à Heinz Berggruen, marchand et collectionneur d’art, parisien(...)
Régina Zylberberg
Société, Culture
_Visu Site Une 2024-2025 - 2024-12-03T142243.274
Pourquoi faut-il lire Kamel Daoud ?
Auréolé du prix Goncourt, l’écrivain algérien magnifie la langue française, et fait preuve d’un courage politique dans ses romans comme(...)
Laurent-David Samama
Société
_Visu Site Une 2024-2025 - 2024-12-19T111821.345
Visites de l'exposition : Archives du paysage
Une exposition autour des sites funéraires sélectionnés et non commémorés de victimes de la Shoah situés sur le territoire polonais.(...)
Non classé