Thomas Gunzig, Le Sang des bêtes

Henri Raczymow
Je lis, tu lis, ils écrivent: Thomas Gunzig, Le Sang des bêtes, roman, Au Diable Vauvert, 223 p.
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Tom, la cinquantaine, est légèrement déprimé. A l’âge des bilans, il se demande ce qu’il a fait de sa vie. La réponse ne lui saute pas aux yeux. Il travaille toute la journée dans une boutique de fitness, de produits énergisants et autres compléments alimentaires. Il ne croit pas à tous ces produits qu’il vend, mais il faut bien vivre. Lui-même fait de la musculation, obsédé qu’il est par ses pectoraux et sa hantise de ressembler à un vieux marchand Juif, « né pour être déporté et gazé, né pour ne jamais plaire à la moindre grande fille blonde ». Sa hantise : demeurer malingre, chétif, voûté, pitoyable. Ses modèles : Schwarzenegger, Stallone, Jean-Claude Vandamme. Sa vie de famille n’est pas folichonne. Il trouve sa femme trop maigre et son fils, majeur pourtant, immature et déprimé comme lui. D’après le grand-père, survivant de Pologne, on a affaire à un traumatisme transgénérationnel… A l’occasion de son anniversaire, sa femme lui offre un test ADN qui révélerait ses ancêtres.

Il renouerait avec sa généalogie… Mais tout bascule vraiment le jour où Tom prend une jeune femme maltraitée en pitié et la recueille à la maison, où vivent déjà son propre vieux père et son fils qui, plaqué, est revenu vivre à la maison. On ne sait d’où sort cette jeune femme rousse, ni son nom, ni sa nationalité, ni son adresse. On ne sait qu’une chose : elle se prend pour une vache ! Et voilà le roman un peu conventionnel de Gunzig qui bascule dans le fantastique. Le lecteur le suit volontiers, curieux de savoir ce qui va résulter de cette folle histoire et de ses très bizarres protagonistes. A moins que tout cela soit très banal, après tout. L’imagination d’un auteur de talent, né à Bruxelles en 1970 et dont le lauréat du prix Goncourt 2020, Hervé Le Tellier a pur dire : « Thomas Gunzig est un fauve littéraire aux gestes féroces et déroutants. On devine que face à lui, les morts tremblent de trouille, et ils ont bien raison ». On ne saurait mieux dire.

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