Je tiens d’abord à remercier les membres de cette importante commission des relations extérieures d’avoir accepté, in fine, la proposition de Georges Dallemagne de m’inviter au panel d’experts sur la résolution relative à la situation au Proche-Orient. Permettez-moi, dans un premier temps, de vous rassurer, car je ne suis pas sans savoir que certains d’entre vous ont tiqué à l’évocation de mon nom.
Qui suis-je ? Un spécialiste des génocides et des violences de guerre, auteur d’un best-seller sur l’ensemble des systèmes concentrationnaires, traduit en sept langues. Un spécialiste de la Shoah et de l’antisémitisme, expert dans de nombreux procès en France, autour de la caricature et du BDS Movement (Boycott, Désinvestissement et Sanctions). Précisément, il se fait que j’ai rédigé, juste avant l’épidémie de Covid, un ouvrage, avec Alain Soriano, qui décortique les tenants et les aboutissants cachés de ce mouvement qui prône la destruction implicite d’Israël. Omar Barghouti, son fondateur, est contre la solution à deux États. Il ne cesse de le répéter. Messieurs et Mesdames les députés, chers experts, le cœur de la tragédie est lié au refus, hier du monde arabe, et aujourd’hui du Hamas, d’accepter au Moyen-Orient un État juif, c’est-à-dire, non musulman. C’est la source principale du conflit. Bref, contrairement à ce que font mes confrères, il ne s’agirait pas de confondre causes et conséquences. (…) J’aimerais ajouter que je sais ce qu’est le fascisme et la résistance, deux de mes grands-oncles, Motel et Nuchem Kotek, sont allés combattre en Espagne. Je rassure mes amis du PTB, dans les rangs des brigades internationales ! L’un deux est tombé en 1939 contre les fascistes à Barcelone. Surtout, rassurez-vous, je suis un modéré. Je dirige Regards, le mensuel du CCLJ qui défend depuis toujours la solution à deux États, c’est-à-dire d’un État palestinien à coté, et non à la place d’Israël, et qui n’a jamais hésité à dénoncer avec passion l’extrême droite israélienne. (…) Je sais, sans doute davantage que vous, ce qu’est un génocide : mon père naquit à Lodz en Pologne où périrent non pas 0,5 % mais 95 % de la population juive totale. Ma mère, elle, naquit dans une ville d’où partirent vers Auschwitz 65 % de ses Juifs, notamment avec l’aide de la police locale communale. Cette cité vous la connaissez, c’est la bonne ville d’Anvers. Fils de deux rescapés de la Shoah, je suis moi-même né réfugié de l’ONU. Oui, je suis quelqu’un de responsable. Et vous savez pourquoi ? Parce que j’ai 2000 ans, l’âge de l’antisémitisme et de ses avatars les plus modernes, entendez l’antisionisme radical qui pose Israël en Juif des nations. Bon, je m’éloigne de notre sujet.
Fourre-tout de vulgate antisioniste
Que dois-je penser de votre résolution, et plus encore de vos amendements en cascade, sinon qu’ils reflètent précisément cette surenchère anti-israélienne, qui est si caractéristique non pas tant de notre gouvernement que de nos parlements respectifs. C’est à quel parti belge qui sera le plus vindicatif envers le seul État juif de la planète et, j’ose le dire, le seul État démocratique de la région qui n’a pas hésité à se retirer de territoires effectivement occupés. En contrepartie de la paix. Votre texte est un véritable fourre-tout-tout de vulgate antisioniste. Tout y est, les soupçons non de crimes de guerre, mais de crimes contre l’Humanité, de nettoyage ethnique, d’apartheid, voire de génocide (on croit rêver !). Et bien sûr, cette volonté de sanctionner à tout prix Israël et de quelle manière : en proposant notamment la rupture des accords d’Israël avec l’Union européenne.
Que dire sinon que cette surenchère (et je m’en excuse d’avance) n’étonne guère, le spécialiste de l’antisémitisme que je suis. Rassurez-vous, mon propos n’est pas de présenter la Belgique comme un pays antisémite (des politiques de gauche, et non des moindres ont su garder la tête froide), il n’est reste pas moins vrai qu’il règne ici un antisionisme radical des plus préoccupants. Comment oser en effet comparer « Gaza à Varsovie » ou « Gaza à Molenbeek » ! Tout ici est inversé. Tandis que les députés français, LFI compris, ont accepté de visionner le film des atrocités commises par les terroristes du Hamas, vous avez refusé de le visionner. Je vous comprends : pourquoi accepter de voir ce que l’on ne veut pas voir. La séquence génocidaire commise par le Hamas, ses actes d’infanticides et de féminicides, volontaires, délibérés, jouissifs. Mieux vaut s’en tenir aux idées reçues, aux certitudes controuvées. Toutes vos positions, chers députés, seraient bien moins problématiques si vous étiez capables de témoigner d’une égale passion pour les peuples arménien, kurde, ouïghour et sahraoui. Bref, d’une égale rage envers la Turquie, la Chine ou encore l’Azerbaïdjan. (…) Pourquoi n’existe-t-il, Monsieur Moutquin, une campagne BDS Turquie ? (…) Comment expliquer vos silences ? En cause, la réalité d’une rue arabe mobilisée, obnubilée, obsédée par la seule cause palestinienne et ce, à l’exclusion de toutes les autres causes, y compris musulmanes (kosovare, kurde, ouïghour, rohingya, etc.) et ce, dans un contexte démographique bien particulier ; de là, évidemment, ces stratégies partisanes qui appellent à tort ou à raison à la surenchère anti-israélienne. S’ajoute évidemment la prégnance d’un habitus antisémite à droite (catholicisme) comme à gauche (anticapitalisme et/ou antiaméricanisme d’école primaire), doublé d’un rapport troublé à la Shoah qui autorise toutes les audaces jouissives (« Et si les vrais nazis c’étaient les Israéliens ! »). C’est dans ce contexte qu’il faut évidemment comprendre les remarques assassines, « médiévales », pré-Vatican II de l’Evêque d’Anvers, Johan Bonny à « ses amis juifs ».
Le Hamas est un mouvement islamofasciste et non pas de résistance
Pour résumer, que puis-je dire ? Votre résolution et plus encore vos amendements qui posent Israël (et Israël seulement) en modèle d’exécration sont d’autant plus pernicieux qu’ils sont porteurs de menaces délétères. Pour la Belgique et aussi pour Israël. Pour la Belgique, nul besoin de vous faire un dessin sur le climat l’hystérisation du conflit. Les comparaisons avec le nazisme font aujourd’hui florès. Un Everest de bêtise ! Oui, je suis mortifié par les pertes civiles gazaouies. Comment ne pas l’être ? Oui, Gaza a été une prison à ciel, mais dont le Hamas avait les clefs. Les Gazaouis sont les otages d’un mouvement antisémite. Comme vous le savez, sa charte amendée en 2018 faisait référence aux Protocoles des Sages de Sion, accusait les Juifs d’être responsables, avec les francs-maçons, le Rotary et le Lions Club, de toutes les crises et révolutions communistes. Le Hamas, que vous le vouliez ou non, est un mouvement islamofasciste et non pas de résistance. Les résistants, et ce y compris les Juifs, n’ont jamais tué de civils allemands, même au cœur de la Shoah. De là, à m’inquiéter de votre souci, à peine déguisé et malgré vos dénégations, de mettre sur un même pied les crimes contre l’Humanité perpétrés par le Hamas et les morts provoqués par l’intervention israélienne. Jurgen Habermas, l’icône de la gauche allemande, les Verts allemands et même Judith Butler ont dénoncé les crimes du Hamas. Comment ne pas reconnaître à Israël le droit à la guerre (jus ad belum). (…) Israël a-t-il commis des crimes de guerre ? Peut-être ? (…) Ce qui est sûr, c’est que depuis l’Antiquité, la pensée sur le droit de la guerre a été centré sur le jus ad bellum, le « droit à la guerre », c’est-à-dire la légitimité du recours à la force, comme en témoignent les réflexions de saint Augustin sur la guerre juste. Évidemment, le jus in bello, le « droit dans la guerre » (…) oblige Israël. Comment le nier ? Cibler intentionnellement un établissement civil constitue un crime de guerre. Mais « à condition », précise cependant l’article 8 du statut du premier tribunal international permanent chargé de juger les crimes les plus graves, « que ces bâtiments ne soient pas alors utilisés à des fins militaires. » Si un tel lieu abrite un centre de commandement, des réserves d’armement, une position retranchée, il ne bénéficie plus de cette protection. Avec l’obligation toutefois, pour l’attaquant, de permettre l’évacuation des civils et de les protéger. C’est une évidence.
Si vous voulez vous faire plaisir, tout comme à vos électorats supposés, n’hésitez pas à adopter votre résolution, mais sachez que si vous vous souciez réellement du sort des Palestiniens (je ne parle pas des Israéliens ou des Juifs belges), réfléchissez à deux fois. Toutes vos résolutions ne font que renforcer l’extrême droite israélienne, ces Israéliens issus du Maroc, d’Algérie, d’Irak qui ont été forcés d’abandonner des terres où ils étaient installés depuis des temps immémoriaux, bien avant la naissance de l’Islam. Il ne reste que 6.000 Juifs sur les 800.000 que comptait le monde arabe en 1945. Ce sont ces victimes de la Naqba juive qui soutiennent les pires mouvements extrémistes israéliens. Ne leur donnez pas raison. Vos indignations à géométrie variables, non contentes de n’avoir aucun effet, hystérisent les populations israéliennes. Je les entends déjà : « Tous les Européens sont tous des antisémites ! » Non, la Belgique n’est pas un pays antisémite, mais à lire la définition de l’antisémitisme de l’IHRA, que le Sénat de la Belgique et 42 États ont adoptée, on peut se poser de légitimes questions sur le caractère problématique de votre résolution. Faire preuve d’un double standard en exigeant d’Israël un comportement qui n’est attendu ni requis d’aucun autre pays démocratique est antisémite, d’après la définition de l’IHRA, et comme d’ailleurs de celle de la Déclaration de Jérusalem.
Cela est hélas généralement correct, quoique réduire la droite israélienne aux séfarades est simpliste et dénigrant, car les immigrés récents (juifs russes, américains) ne sont pas plus à gauche. On sent dans ce discours la nostalgie du sionisme de gauche qui a présidé à la création d’Israël.
La vérité est que nos politiciens sont veules pour obtenir les votes musulmans (populations d’origine marocaine, turque, etc), soit au moins 800.000 résidents. Alors que c’est à notre élite de montrer en quoi nos valeurs ne sont pas inférieures à celles des pays dirigés par des dictateurs qui n’en ont pas le nom.
On ne peut pas dire qu’Erdogan, ou le roi du Maroc aient montré une grande solidarité envers leur propre population lors des récents tremblements de terre. Ce qui est exactement le problème du Hamas, qui ne se soucie nullement d’améliorer les conditions de vie de son peuple.
Nos politiciens courtisent l’anti-démocratie étrangère, et ensuite s’offusquent des conséquences locales de leur cynisme (dont l’antisémitisme fait partie). Bref, la realpolitk est corruptrice lorsque l’on laisse les immigrés sans intégration et donc sans éducation civique belge.
Superbe plaidoyer. Bravo et merci à Joel KOTEK
Monsieur Kotek
Vous auriez du ajouter que se sont principalement les partis de gauche qui sont hostiles à Israël tandis que la NVA et le MR d’eux partis du centre ne le sont pas.
Il y a effectivement antisémitisme lorsqu’il y a double standard à savoir juger différemment des situations semblables. Dans le cas présent, il y a un antisémitisme au carré, au cube ou radical dans la mesure où on reproche à Israël des prétendus crimes de guerre , de génocide,… alors que l’on sait que le Hamas utilise des boucliers humains, des écoles, des mosquées, des hôpitaux,…. ; alors que l’on sait que Tsahal pousse les civils Gazaouis à quitter les secteurs qui seront bombardés, alors que l’on sait que l’Egypte refuse d’accueillir les Gazaouis; alors que l’on sait que les résolutions de l’AG de l’ONU ne sont pas contraignantes et de plus votées par une grande majorité de dictatures les unes plus sanguinaires que les autres. La vérité est que Tsahal est plus éthique que toutes les autres armées du monde depuis que le monde existe et pourtant, antisémitisme oblige, sans doute une des plus critiquées. Quant aux politiciens extrémistes israéliens, ils ne sont pas plus extrémistes que de nombreux politiciens belges… et que 99,99% des leaders musulmans