Regard n°1085

Vladimir Pozner, Espagne premier amour

Pas facile de résumer la vie et l’œuvre, l’une et l’autre foisonnantes, de Vladimir Pozner (1905-1992), né à Paris de parents juifs russes qui rentrèrent en Russie à la faveur de la Révolution. Il traduisit de la littérature soviétique, (dont Maïakovski), adhéra au Parti en 1933, écrivit dans L’Humanité, côtoya Nizan, Aragon et Elsa Triolet, Malraux, Gorki, Brecht, Neruda, Babel… Lors de la guerre d’Espagne ou plutôt à sa fin, avec la défaite des Républicains, il est chargé de faire sortir des camps français entre la mer et les Pyrénées les intellectuels républicains espagnols. Il traduira ultérieurement cette expérience, en 1965, dans ce roman qui reparait aujourd’hui et salué en son temps par Aragon.

Nous voici en Catalogne, à quelques kilomètres au sud de la frontière française. Pierre Guette, un Français, peintre de son état, traverse des villages dévastés, abandonnés, et rejoints des cohortes hallucinées de femmes et d’enfants qui déambulent en silence, tout de noir vêtus, entre les gravats, les oliviers torturés et les chiens errants : les Espagnols qui fuient la guerre et les bombardements incessants des navires au large et des mitraillages des avions au-dessus d’eux. Tableau saisissant qui nous est hélas devenu familier depuis Goya et ses Désastres de la guerre, ces gravures relatant les horreurs des guerres napoléoniennes en Espagne, jusqu’aux réfugiés ukrainiens fuyant les crimes de Poutine.

Alors que sur ces routes de l’exil règnent le froid, la faim et le désespoir, alors même que les hommes sont encore au front, Pierre, portant son matériel de peintre, fait la rencontre d’une belle et jeune Andalouse, Pilar, affamée comme lui. Ce récit austère et sensuel nous fait ressentir au plus vrai, au plus intense, les sensations des personnages. Il est dépouillé et noueux comme les oliviers de cette Catalogne si meurtrie par les armées fascistes, supérieures en nombre et alors que les Républicains survivants, en cette fin tragique de guerre d’Espagne, franchissent la frontière pour se retrouver à l’intérieur de barbelés bien français.

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