l y a 80 ans, Le Dictateur dénonçait l’antisémitisme nazi, ridiculisait Hitler et témoignait de l’art visionnaire du créateur de Charlot. Charlie Chaplin. Le Rêve situe ce célèbre film antifasciste dans le contexte global de l’oeuvre et de la biographie du clown-cinéaste, maître de Hollywood, l’usine à rêves. Fondées sur une remarquable connaissance de l’œuvre et de la vie de Chaplin, les analyses historiques et cinématographiques d’Adolphe Nysenholc mettent en valeur le génie de l’inventeur et interprète de Charlot, l’inoubliable vagabond dont les gags font rire ses spectateurs depuis plus d’un siècle.
« Charles Chaplin, par sa vie et par son œuvre, a fait rêver tout un siècle », rappelle Adolphe Nysenholc. « C’est peut-être le plus grand rêve du cinéma. À peine entré en cinéma (1914), il atteint une renommée inconnue à cette époque pour un comédien de l’écran. Deux ans et demi plus tard, vu l’évidence de sa création et de sa popularité, il décroche un contrat fabuleux d’un million de dollars auquel personne n’aurait même osé rêver en ces temps pionniers. […] Il réalise le rêve américain, avec l’art américain par excellence. Et grâce à sa fortune, il va acquérir une indépendance d’expression unique dans l’histoire du cinéma, où nul n’a pu être aussi libre dans la satire de son temps ».
Professeur honoraire de l’Université Libre de Bruxelles, Adolphe Nysenholc est l’auteur de la première thèse de doctorat sur Chaplin dont l’œuvre inspire sa recherche depuis plus de 50 ans. Ce profond intérêt est lié à sa mémoire d’enfant caché. « Je ne sais plus quand j’ai vu mon premier Charlot mais je me souviens de projections après la guerre aux homes de l’AIVG », explique-t-il. « En 1967, jeune diplômé en philologie romane, j’étais allé voir Charlot avec deux amis dont un sortait de l’INSAS et m’étonnant de son ignorance de l’art de Chaplin j’ai décidé d’étudier les rapports de l’art comique du grand clown-cinéaste au monde de l’enfance. Il me semblait en effet tellement évident que Charlot fait l’enfant dans ses films ! J’ai voulu consacrer un article à ce sujet pour en faire ensuite l’objet d’une thèse de doctorat ». Essai tiré de sa thèse, défendue en 1975, L’âge d’or du comique (1979) est un portrait de Charlot dans ses rapports aux objets et aux personnes, ainsi qu’une description minutieuse du physique, des mouvements caractéristiques et des attributs vestimentaires du héros comique. L’auteur montre aussi comment Charlot réactualise le personnage mythique du trickster, dont les friponneries et l’autodérision évoquent l’enfant espiègle qui aime tout expérimenter. Son analyse met en valeur la myriade de traits du héros comique qui renvoient au monde de l’enfance, au rire de joie et à l’émerveillement de l’enfant. En 1989, pour le centième anniversaire de la naissance de Chaplin, Adolphe Nysenholc organise un colloque international à Paris (Sorbonne et Cinémathèque Française), sous la présidence de Simone Weil et avec la participation de Géraldine Chaplin.
Rivalité Hitler-Chaplin
Charlie Chaplin. Le Rêve renouvelle la vision du « grand imagier » : allant de Charlot à Chaplin et tirant le fil rouge du rêve, l’auteur analyse avec brio différents thèmes, à commencer par l’élaboration du rêve de Chaplin, la place de l’onirisme dans la Fable de Chaplin et sa réalisation fulgurante au sein de la Dream Factory hollywoodienne. Adieu à Charlot, The Great Dictator (1940) fait rire le public aux dépens d’Hitler et dans un discours prophétique affirme l’amour de l’humanité face à la barbarie. La seconde partie du livre, « l’interprétation du rêve », entre autres « la rivalité Hitler-Chaplin », les rapports de Chaplin à la judéité et ses éventuelles origines gitanes, ou encore sa rencontre avec Bertolt Brecht, le dramaturge exilé aux Etats-Unis, dont au moins trois pièces montrent l’influence de films de Chaplin (Mahagonny, Maître Puntilla, Arturo Ui). Traversée inédite de l’univers chaplinien, ce nouveau livre affirme la force prodigieuse de l’imaginaire dans l’œuvre du génie du septième art. « Chaplin est parvenu à faire rêver le monde entier et dans chaque film il entretient des rapports particuliers au rêve », souligne Adolphe Nysenholc. « Il manifeste un art de la synthèse prodigieux, rassemble tous les publics, se fait glorifier par les artistes de son époque, devient un des hommes les plus riches au monde et est adoré par les plus pauvres aux quatre coins du globe. Charlot nous plonge dans les rêves de l’enfance. Le mot rêver au Moyen Âge, “resver”, c’est vagabonder. Charlot est un “tramp” dont le vagabondage renforce l’idée qu’il est un personnage de rêve. Il vagabonde comme notre pensée le fait en rêve… Lorsqu’il danse, il chorégraphie sa mise en scène et malgré ses gros godillots devient un personnage qui semble léger, comme dans le rêve… Le fil rouge du rêve révèle Chaplin dans toute sa profondeur ! ».