Nous, militants musulmans porteurs de valeurs antiracistes, prenons la parole avec détermination face à l’urgence actuelle.
L’affaire Brusselmans a mis en lumière une tolérance inacceptable envers des propos ouvertement antisémites. Nous sommes consternés par l’inaction des organisations antiracistes qui, en ces temps critiques, devraient défendre avec fermeté les principes de justice et de solidarité.
Il est inacceptable que les institutions auxquelles l’Etat a confié pour mission de protéger les minorités se dérobent, sous des prétextes fallacieux de liberté d’expression ou de satire, alors que la communauté juive subit des discours haineux. Un texte clairement antisémite ne peut être traité comme une simple polémique protégée par la liberté d’expression.
La reconnaissance par Unia du caractère antisémite du texte, suivie dans un second temps de sa décision de ne pas se constituer partie civile, révèle une défaillance de cette organisation dans l’exercice de ses missions, laissant la communauté juive isolée face à la montée de la violence.
Depuis le 7 octobre 2023, l’antisémitisme atteint des seuils alarmants, avec une recrudescence des actes haineux. Pire, certains discours publics polarisants amplifient cette situation, banalisant les stéréotypes et la stigmatisation des communautés juives.
Cette stratégie est contre-productive pour toutes les minorités ; la division entre les différentes luttes antiracistes facilite ainsi la progression de la haine et de la violence. Elle isole les populations les unes des autres, les rendant plus vulnérables. L’antisémitisme, l’antimusulmanisme et toutes les formes de racisme, bien que distincts, reposent sur des mécanismes similaires et se renforcent mutuellement. Opposer ces luttes affaiblit l’ensemble du combat antiraciste, alors qu’elles devraient être menées de front, avec la même détermination.
Il est temps de nous interroger avec lucidité : laisserons nous dériver la société belge vers un antisémitisme structurel, où la haine se normalise dans l’espace public ?
C’est précisément en ces instants où les valeurs antiracistes doivent briller que nous, issus de la culture musulmane et ayant connu la marginalisation, prenons la parole. Nous refusons que la convergence des luttes soit réduite à de vaines déclarations. Nos expériences de la discrimination nous enseignent que la solidarité est le remède aux divisions. Nous nous mobilisons pour dénoncer, non seulement la violence des mots, mais aussi le silence complice des institutions censées protéger les victimes de haine.
À l’heure où certains prétendus antiracistes, englués dans le confusionnisme, ne cessent de pratiquer l’amalgame entre les actions du gouvernement israélien et nos concitoyens juifs, il est impératif de rappeler que la lutte contre l’antisémitisme n’est pas une question de politique étrangère, ni un terrain de jeu pour les théories complotistes. C’est un combat pour la dignité et la sécurité de concitoyens menacées au sein de notre communauté nationale.
L’antiracisme belge, aujourd’hui en crise, doit se ressaisir pour porter, sans ambiguïté, le projet de société que nous voulons : une société fondée sur la justice, le respect mutuel et la solidarité, où aucune minorité n’est laissée à l’écart.
Nous appelons les organisations antiracistes à se ressaisir du combat, pour défendre toutes les populations ciblées par la haine et l’intolérance. Face à l’injustice et à l’impunité, nous devons être unis et solidaires, car c’est ensemble que nous pourrons bâtir une société réellement inclusive et respectueuse de chacun.
La dignité de nos concitoyens juifs, tout comme celle de notre société toute entière, est bafouée lorsque les discours de haine sont légitimés, de fait, par l’absence de réaction judiciaire et associative.
L’heure est venue de refaire front commun, de transformer la douleur de l’exclusion en une force collective, et de dire haut et fort que la violence, qu’elle soit verbale ou physique, n’a pas sa place dans nos sociétés. C’est pourquoi nous appelons à une convergence authentique des luttes.
Nous appelons les institutions et organisations chargées de la lutte contre toutes les formes de haine et de discrimination à sortir de l’indifférence et reprendre les responsabilités que leur confèrent leurs fonctions, pour contribuer à bâtir un avenir où chaque individu, quelle que soit sa culture ou sa religion, puisse vivre en paix et dans le respect mutuel.
Fouad Benyekhlef, co-fondateur de la première organisation nationale de lutte contre l’islamophobie en Belgique et co-auteur du « Livre blanc sur l’état de l’islamophobie en Belgique francophone » ;
Badre Bouchamma, membre fondateur du Collectif des Musulmans Progressistes de Belgique ;
Thami Toufik, dministrateur du Collectif des Citoyens en Action de Liège ;
Lahcen Hammouch : Administrateur d’Al Mouwatin Bruxelles