Je doute que l’État d’Israël ait connu, depuis sa fondation, un leadership aussi désastreux et délétère que celui incarné aujourd’hui par Benjamin Netanyahou et sa clique. À côté de lui, Menahem Begin apparaît comme un parangon de vertu. Les masques sont tombés : Netanyahou ne cherche plus simplement à sauver sa peau. Il est désormais l’un des principaux architectes d’une extrême droite israélienne résolue à priver le peuple palestinien de tout droit, quitte à s’enfoncer dans une politique du pire.
Le voici désormais convaincu qu’il peut annexer, en tout ou en partie, la Cisjordanie, et même, comme si de rien n’était, réoccuper durablement la bande de Gaza. Une folie, un rêve délirant qui risque d’ensevelir à jamais le projet sioniste. Que l’extrême droite messianique se berce d’illusions sur un hypothétique plan divin est une chose. Ces fous de Dieu, coutumiers des coups de force et des défis suicidaires, rappellent tristement ces zélotes qui, défiant Rome, précipitèrent la perte de la Judée pour près de deux mille ans. Mais qu’un homme politique aussi madré et vicieux que Netanyahou se laisse bercer par l’illusion d’une stratégie de la terre brûlée est autrement incompréhensible. Israël ne peut pas, ne pourra jamais, se permettre ce que le Maroc a discrètement accompli au Sahara, ou ce que la Turquie pratique depuis des décennies à Chypre, en Syrie ou en Irak, sans même parler des récentes avancées militaires de l’Azerbaïdjan contre l’Arménie. Pourquoi ? Parce qu’au-delà de la légitimité des revendications palestiniennes, au-delà même de l’évidence qu’un déplacement massif de population constitue un crime contre l’humanité, les rapports de force interdisent (et c’est heureux) à Israël d’adopter une telle politique. Pourquoi ? Pour au moins trois raisons fondamentales. D’abord, Israël est un État dont la population et la superficie sont inférieures à celles de la Belgique. Ensuite, Israël ne dispose que de deux alliés véritablement fiables – les États-Unis et l’Allemagne – et encore, pour combien de temps ? Enfin, Israël est le pays du peuple juif, ce peuple qui fut, et demeure, plus que tout autre, l’objet d’une haine absurde, tenace et jubilatoire. Tenace, car quoiqu’ils fassent, les Juifs sont toujours coupables. Hier accusés d’assassiner des enfants chrétiens, les voilà aujourd’hui désignés comme des génocidaires tueurs d’enfants palestiniens.
Le peuple de Gaza est martyrisé à l’évidence par les bombardements israéliens, mais plus encore par le cynisme du Hamas qui capitalise sur le nombre de victimes pour nourrir sa propagande. Prenons le cas de Sami Abu Zuhri, le chef de son département politique à l’étranger. Le voilà qui déclare, le 30 mars dernier, à la chaîne libyenne Al-Tanasuh TV : « Les ventres de nos femmes donneront naissance à bien plus que le nombre de martyrs. Saviez-vous que le nombre de bébés nés à Gaza (50.000) est égal au nombre de martyrs tombés dans cette guerre ? Les martyrs morts à la guerre – les ventres des femmes de Gaza en feront naître deux fois plus – c’est le prix à payer. Si nous nous arrêtions à des considérations matérielles, nous ne pourrions pas conserver nos terres. » Pour les incrédules, cette interview est disponible sur le net. On comprend sans peine que ces propos ont choqué bien des Gazaouis. Lors d’une manifestation anti-Hamas à Khan Younès, des manifestants ont ainsi scandé : « Oh Abu Zuhri, vous êtes une honte, même les enfants veulent vivre. » Témoignage indigné d’un autre Gazaoui : « Osama Abu Zuhri … vos enfants sont loin de Gaza. Vous ne faites qu’attiser cette guerre dont nous sommes le combustible. »
C’est clair, le gouvernement israélien et le Hamas rivalisent dans une politique du pire, à la grande satisfaction des antisémites de tous bords. Décidément, nous Juifs, sommes maudits depuis ce temps où l’Église en vint à nous accuser d’un crime commis par Rome. Le procès et la crucifixion de ce Rabbi juif charismatique est l’œuvre de ces Romains qui embrassèrent par la suite le christianisme ; d’où l’idée de nous accuser de ce Crime des crimes pour préserver la mémoire de leurs ancêtres. Depuis lors, les Juifs sont toujours en procès.
La dernière farce en date ? La suspicion autour de la seconde place de la chanteuse israélienne au Concours Eurovision. Pendant près d’une semaine, partis politiques et médias belges ont insinué quelque fraude de grande ampleur. Ainsi, le Parti Socialiste francophone en est venu à soutenir la demande de son homologue flamand (Vooruit) pour une enquête sur les résultats du télévote belge. Comment expliquer que Yuval Raphael ait reçu les 12 points du public belge, tandis que le jury professionnel belge ne lui a accordé aucun point ? Au fond, on pourrait retourner la question : comment comprendre que le jury professionnel n’ait attribué aucun point à la survivante du massacre du festival Nova, alors qu’elle a reçu le maximum du public belge ? Rappelons à toutes fins utiles que les Juifs de Belgique ne représentent que 0,2 % de la population totale belge et que les Hassidim d’Anvers (30% des Juifs de Belgique) ne sont pas fans de l’Eurovision et encore moins d’Israël. Comme l’écrit Alain Finkielkraut, « la bonne conscience antisémite qui s’installe un peu partout dans le monde a quelque chose de terrifiant. » C’est ce dont témoignent aussi les posts sur Facebook d’un certain Jean-Albert de Chimay qui, non content d’écrire que « les bombes atomiques doivent pleuvoir et pulvériser le cancer juif de la terre à Jérusalem », il s’est permis d’appeler au meurtre de la très mesurée et modérée sénatrice Viviane Teitelbaum. On admet qu’elle n’aime pas le Hamas. La parenthèse de la Shoah s’est refermée. Les enfants de la Bête immonde sont nés. Il nous faut les combattre. Avec acharnement.
