07/07/2025
Regards n°1117

Le capitaine Dreyfus, un homme engagé dans sa propre défense

Près de vingt ans après sa première exposition consacrée à Alfred Dreyfus, le musée d’art et d’histoire du Judaïsme (MAHJ) propose Alfred Dreyfus, vérité et justice. Cette nouvelle exposition replace l’homme au cœur du propos. En révélant le combat acharné de Dreyfus pour faire éclater la vérité, elle corrige l’image d’un homme spectateur de la machination qui le conduisit à passer plus de quatre années à l’île du Diable et encore sept à lutter pour sa réhabilitation.

Pourquoi donc revenir sur l’affaire Dreyfus alors que presque vingt ans plus tôt, le MAHJ avait déjà consacré une remarquable exposition à ce sujet. « Près de vingt ans après l’exposition ‘‘Alfred Dreyfus. Le combat pour la justice’’ revenir sur l’Affaire en 2025, avec ‘‘Alfred Dreyfus. Vérité et justice’’, répond à plusieurs exigences : présenter les résultats de la recherche, former la génération montante et répondre aux nouveaux marchands de haine, tout en mettant en valeur le magnifique corpus d’œuvres et de documents conserves par le MAHJ et récemment enrichi », souligne Paul Salmona, directeur du MAHJ.

Rassemblant près de 250 documents d’archives, photographies, extraits de films et une soixantaine d’œuvres d’art, l’exposition raconte l’Affaire « avec » Dreyfus, en le replaçant au centre du propos. Cette approche nouvelle corrige l’image d’un Dreyfus effacé. Elle révèle un inlassable combattant de la vérité, auteur de multiples écrits, dont de nombreux inédits récemment sortis de l’oubli. « La très abondante historiographie de l’Affaire a longtemps considéré le capitaine Dreyfus comme un grand bourgeois distant, dépasse par l’injustice dont il fut la victime. Paradoxalement, de fervents dreyfusards ont forge cette image d’un personnage antipathique et falot : ‘‘Dreyfus n’avait aucune affinité avec son affaire’’ et ‘‘ne l’avait pas comprise’’, écrivait Léon Blum », précise Paul Salmona. « Cette image a perduré jusque dans L’Affaire de Jean-Denis Bredin en 1993 et dans le J’accuse de Roman Polanski en 2019, qui, en dépit d’une reconstitution brillante, ne déroge pas à la règle en donnant le beau rôle à Picquart au mépris de la réalité historique.

Or, depuis deux décennies, les travaux de Vincent Duclert et de Philippe Oriol, en particulier, montrent au contraire un homme activement engagé dans sa propre défense et dans le triomphe de la vérité, en même temps qu’un républicain fervent, dont les valeurs universalistes sont emblématiques de l’israélisme français. La publication en 2024 aux Belles Lettres des Œuvres complètes du capitaine en témoigne remarquablement : le MAHJ s’enorgueillit d’accompagner cet admirable travail éditorial. »

Virulent antisémitisme de cette fin de XIXe siècle

L’exposition rappelle les grandes étapes de ce moment crucial de l’histoire de France, notamment en démontant la machination ourdie par l’état-major et illustre le virulent antisémitisme qui s’exprime en cette fin de XIXe siècle. Grâce aux nombreuses œuvres présentées, elle replace l’Affaire dans la « Belle Époque », dont elle éclaire des aspects moins connus : la diversité des réactions juives, la « naissance » des intellectuels et la riposte à l’antisémitisme. L’affaire Dreyfus avait également révélé le rôle de l’Église catholique dans la manipulation de l’opinion publique et des institutions, renforçant ainsi les arguments en faveur de la séparation de l’Église et de l’État en 1905. Quant à Alfred Dreyfus, gracié en 1899, il est réhabilité en 1906, mais ne sera pas réintégré au grade auquel il aurait légitimement pu prétendre.

Cette très belle exposition a le mérite de rappeler, ou de nous apprendre, la dernière injustice des plus humiliantes qu’Alfred Dreyfus a dû subir après sa réhabilitation. Le calcul de son ancienneté a « oublié » ses cinq années de terribles souffrances à l’île du Diable, mettant un terme à une carrière qui devait le mener aux plus hautes responsabilités militaires. Il tente de faire valoir ses droits mais se heurte au refus de tous : à celui de Georges Clemenceau, président du Conseil, et à celui du général George Picquart, ministre de la Guerre, deux de ses plus importants défenseurs au paroxysme de l’Affaire ! « Je resterai une victime jusqu’au bout », écrit-il, en quittant cette armée qui était toute sa vie.

Écrit par : Véronique Lemberg

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