Écrit par : Frédérique Schillo
Historienne, spécialiste d’Israël et des relations internationales. Docteur en histoire contemporaine de Sciences Po Paris
Frédérique Schillo
08/11/2021
Regards n°1080

Du désert du Néguev à la planète mars

Au cœur du Néguev, dans le kibboutz de Sdé Boker où David Ben Gourion avait décidé de se retirer, et où il repose désormais face à l’immensité majestueuse du désert, sont gravés dans la pierre ces mots résumant l’esprit visionnaire du père fondateur de l’Etat : « C’est dans le Néguev que la créativité et l’élan pionnier d’Israël doivent être testés ». Ben Gourion voulait « faire fleurir » le désert. Transformer cette étendue désolée et inhospitalière en terre fertile et innovante. Depuis, les scientifiques israéliens ont relevé le défi. Le Néguev a vu éclore l’Université Ben Gourion, des centres de recherche technologique de pointe, la plus haute tour thermosolaire du monde, quantité de starts-up qui font aujourd’hui de Beersheba la capitale de la cybersécurité et même le siège de l’Unité 8200, l’élite du renseignement militaire. Restait un ultime défi à relever.

Quand t’es dans le désert…

Cet automne, le cratère de Makhtesh Ramon accueille une « base martienne » avec sa station en forme de polygone, ses astromobiles téléguidées, et bien sûr son équipage composé de six astronautes (cinq hommes et une femme) venus de tous horizons : Israël, Autriche, Allemagne, Espagne, Pays-Bas, Portugal. Embarqués dans la mission AMADEE-20, fruit d’un partenariat entre le Forum spatial autrichien et l’agence spatiale israélienne, on les appelle des astronautes « analogues » car ils sont chargés de reproduire sur Terre les conditions d’une mission habitée dans l’espace.

C’est dire que Makhtesh Ramon, le plus grand cratère d’érosion du monde, offre à la mission martienne un décor idéal. A moins de 50 km de Sde Boker s’élancent des étendues sableuses à perte de vue dans les tons ocres et orangés, semblables au paysage de la planète Rouge. On y trouve une aridité qui s’en approche aussi même si « ici nous avons des températures qui sont de 25-30 degrés. Sur Mars il fait moins 60°C et l’atmosphère est irrespirable », explique à l’AFP l’Autrichien Gernot Grömer qui supervise la mission. Enfin l’isolement est total. Aucune chance d’apercevoir les astronautes soulever d’un pas lourd leur combinaison argentée dans le cagnard israélien ; la zone est retirée, à l’abri des
 regards, parfaite pour une expérience en autarcie.

Repousser les frontières

Pas étonnant que le Néguev ait été déjà choisi comme ultime station avant Mars. En 2018, la mission D-Mars s’était établie quatre jours dans le cratère de Ramon. L’objectif était de relancer le programme spatial israélien, durement éprouvé par la disparition du premier astronaute israélien, Ilan Ramon, mort en plein vol dans l’explosion de la navette Columbia lors de son retour sur Terre en 2003. Israël se prend à nouveau à rêver d’envoyer un homme dans l’espace. Et c’est Eytan Stibbe, ami et collègue d’Ilan Ramon, qui vient d’être choisi pour prendre la relève. Le programme lunaire israélien Beresheet 2 est aussi relancé, en association avec les Emirats arabes unis. Quant au programme martien, il est désormais l’objectif numéro un des agences spatiales internationales. La NASA en particulier dépense des fortunes pour envoyer des missions robotiques sur Mars, en prévision d’un voyage habité dans les années 2030. Pour Grömer, c’est une évidence : « le premier Homme qui marchera sur Mars est déjà né ». Sera-t-il israélien ?

Membre de la mission AMADEE-20, initialement prévue l’an dernier, l’astronaute israélien Alon Tenzer, un ingénieur en intelligence artificielle de 36 ans, ancien pilote de la Heyl Ha’Avir, se prépare sans relâche à une exploration de la planète Rouge : « Au cours des deux dernières années, nous nous sommes entraînés à cette mission spécifique. Nous étudions les expériences que nous devons réaliser, nous mettons au point l’équipement, et nous nous préparons en tant qu’équipe pour cette mission ».

Outre la vingtaine de tests scientifiques prévus, le but de cette mission de 21 jours est d’observer la santé physique et mentale des astronautes. A l’extérieur, ils ne peuvent se déplacer sans leur drôle de scaphandre nommé « Aouda », une combinaison de 45 kg conçue pour optimiser les interactions avec des rovers et limiter la contamination humaine. A l’intérieur de leur base martienne, ce sont les effets psychiques de l’isolement qui sont passés à la loupe. D’autant que l’équipage vit coupé du monde dans des conditions de grande promiscuité, l’essentiel de la base servant au laboratoire de recherches. Une base alimentée en énergie solaire, cela va de soi. Après la conquête du désert, les Israéliens repoussent encore les frontières. Pour un jour, pourquoi pas, « faire fleurir » la planète Mars.

Écrit par : Frédérique Schillo
Historienne, spécialiste d’Israël et des relations internationales. Docteur en histoire contemporaine de Sciences Po Paris
Frédérique Schillo

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