©PHOTOPQR/LA PROVENCE/ESPOSITO Ange ; Avignon ; 23/06/2022 ; Fresque jugée antisémite sur la façade dans transformateur des bords du Rône représentant Jacques ATTALI manipulant la marionnette du Président le la République Emmanuel MACRON (MaxPPP TagID: maxpeopleworldtwo203272.jpg) [Photo via MaxPPP]
Écrit par : Joel Kotek
Politologue et historien
joel kotek

Sale temps à l’horizon

Sale temps pour les néo-antiracistes qui s’ingénient à nous faire croire que l’antisémitisme n’est plus. Ou presque. Pour les tenants des thèses indigénistes et décoloniales, le racisme n’étant qu’affaire de couleur de peau, la supposée blanchité (et richesse) des Juifs les rendraient tout simplement inéligibles aux discriminations, et ce, au contraire de tous les colorés ou racisés, étrangers par définition, aux travers racistes, sexistes, homophobes et bien sûr antisémites des Blancs.

Ce parti-pris raciste, puisqu’il essentialise négativement tous les blancs, fussent-ils progressistes, explique pourquoi les Juifs ne se retrouvent jamais inclus dans les constructions intersectionnelles. On ne peut que s’en étonner si l’on songe qu’au moins sept millions (oui, sept millions !) de Juifs furent assassinés durant la Seconde Guerre mondiale non du fait de leur couleur de peau, mais de leur identité juive supposée. On ne peut encore qu’en être décontenancé si l’on songe au retour des grandes théories du complot qui visent en priorité les Juifs. Ce sont bien eux qui sont assignés inventeurs, propagateurs, profiteurs (c’est selon) de l’épidémie du COVID19. Qui oserait pointer du doigt les LGBT+, les musulmans ou encore les femmes, sans se faire moquer ? N’en déplaise aux adeptes des nouvelles thèses antiracistes, ce sont bien les Juifs et toujours les Juifs, qui comptent pour 0,02% de notre Humanité, que l’on accuse en priorité de tirer les ficelles de toutes les crises que traverse l’Europe, et ce, depuis plus de 1.000 ans.

Les ficelles, au sens figuré comme au sens propre comme en témoigne l’affaire de la fresque en Avignon représentant le président Macron en Pinocchio, manipulé par un Jacques Attali tout en puissance tranquille. Évidemment, le caractère antisémite de cette fresque ne fait aucun doute. Depuis le 19e siècle, l’image des chefs d’État, pantins des Juifs figure comme l’un des classiques de l’imagerie antisémite. Ce mythe de la finance juive maître du monde est plus que jamais d’actualité avec pour figures privilégiées les Rothschild, auxquels se sont notamment ajoutés George Soros et, pour le cas français, Jacques Attali. L’ancien conseiller de François Mitterrand est la cible privilégiée de la fachosphère française comme des milieux complotistes auxquels adhère d’ailleurs Letko, l’auteur de la fresque. Les caricatures représentant Macron en pantin du Juif Attali sont légion. Ces évidences n’ont pas empêché la mairesse socialiste de la ville d’Avignon, Cécile Helle, de refuser d’effacer le graffiti au nom de la liberté d’expression et d’interprétation au motif que « chacun peut interpréter l’image comme il veut, puisqu’il n’y a pas de mot sur ce mur ». Rappelons à toutes fins utiles que la fresque s’intitule La Bête 2 et que le propre d’une caricature est de signifier par la seule force du dessin, bref sans commentaire. On ne peut dès lors que s’interroger, au mieux sur le bagage intellectuel de l’élue, au pire sur son laxisme, voire sa complaisance, propre à une certaine gauche, envers l’antisémitisme de banlieue. Nul besoin de rappeler ici que l’antisémitisme, comme le racisme, n’a aucun lien avec la liberté d’expression, sauf évidemment pour les tenants de la haine des Juifs qui n’ont pas manqué de féliciter l’artiste, en connaissance de cause : « Magnifique graffiti à Avignon par la qualité du rendu, mais surtout pour ce qu’il dit ». La ville d’Avignon et l’agglomération d’Avignon ont finalement été forcées de modifier leur avis face notamment à « l’insistance du préfet » et de rares hommes politiques tel l’incontournable Raphaël Glucksmann. « Il faut vraiment ne jamais avoir ouvert un livre d’histoire pour ne pas voir à quel point cette image reprend tous les codes de la propagande antisémite et de l’iconographie fasciste », s’est indigné le député européen.

Sale temps aussi pour ces dirigeants communautaires qui prennent un malin à nier la réalité de la montée de l’antisémitisme en Belgique. Mal leur en a pris si l’on songe à la toute récente étude de l’European Jewish Association (EJA). Cette étude, co-réalisée avec l’Institute for Jewish Policy Research de Londres et l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, a désigné la Belgique comme le pays dans lequel la qualité de vie de la communauté juive est la plus faible, dans un classement comparant douze pays d’Europe. Cet index de la « qualité de vie juive », réalisé à partir de sondages et études, a croisé quatre ensembles de données : le sentiment de sécurité ressenti par la communauté juive, l’attitude de la population vis-à-vis des Juifs et Israël, l’antisémitisme et enfin la « performance du gouvernement » (statistiques sur les incidents antisémites, lieux de mémoire de la Shoah, budget destiné à la sécurité des sites juifs, liberté de culte et préservation des pratiques juives telles que la circoncision et l’abattage rituel, etc. Dont acte.

Pour conclure, si je devais vous révéler le fond de ma pensée, je vous dirais que le sale temps s’annonce plutôt pour les Juifs, cibles privilégiées de toutes les crises depuis les croisades. L’antisémitisme apparaît tout compte fait systémique, de l’Europe au monde arabe.

Écrit par : Joel Kotek
Politologue et historien
joel kotek

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